Après des expériences en crowdfunding immobiler à Berlin puis en private equity à la BPI, Étienne Mallengier dirige aujourd’hui la stratégie et les activités suisses au sein de Neuroprofiler. Un incubateur après l’autre, cette start-up de profilage de risque se développe en Europe. Une ascension qui ne fait que commencer.

Parlez-nous de votre solution. De quoi s’agit-il précisément ?

Nous proposons aux banques – en particulier aux banques privées et aux gestionnaires d’actifs – une nouvelle génération de questionnaires de profilage de risque en conformité avec la nouvelle réglementation européenne MiFID II qui entre en vigueur en janvier prochain. Nos questionnaires sont complètement numérisés, ce qui permet de diviser par quatre le temps qu’un conseiller financier passe à gérer le processus de profilage de risque. Par ailleurs, notre questionnaire comporte un jeu d’investissement fondé sur un algorithme de finance comportementale qui s’améliore constamment grâce au machine learning. Nous mettons ainsi l’investisseur particulier en situation d’investissement de manière ludique : ce qui définit son profil de risque, ce n’est pas uniquement ce qu’il affirme, c’est aussi la manière dont il agit. Notre algorithme de finance comportementale, développé exclusivement en interne, constitue le cœur de notre différenciation : il permet une analyse beaucoup plus fine du profil de risque d’un client que les questionnaires traditionnels. In fine, cela permet au conseiller de mieux comprendre son client, de lui proposer des produits plus adaptés. En un mot : d’avoir une meilleure relation avec lui. Notre proposition de valeur principale diffère selon les types de banques. Pour des petites structures, nous fournissons surtout un outil de mise en conformité à moindre coût. Pour les grandes banques, nous leur apportons une expertise poussée en finance comportementale qui leur serait coûteuse et longue à mettre en place.

Les banques sont vos principaux clients. Comment se déroule le démarchage ?

Nos relations avec les grandes banques débutent souvent par une prise de contact avec le département « innovation » de celles-ci car nous sommes un BtoBtoC, c’est-à-dire que nous mettons à disposition des banques nos questionnaires innovants qu’elles font ensuite passer à leurs clients particuliers. Pour approcher les institutions financières, nous avons adopté une stratégie de participation à des incubateurs sélectifs. Les incubateurs qui étudient notre projet et notre équipe puis nous retiennent nous apportent beaucoup : ils nous fournissent une aide précieuse pour développer notre produit et notre entreprise. Faire partie de ces incubateurs est également un gage de qualité aux yeux des banques qui sont souvent partenaires ou fondateurs de ces structures. 

Participer à des incubateurs est exigeant, mais cela se révèle très fructueux pour nous. Par exemple, notre incubation au sein de Fintech Fusion à Genève nous a permis de découvrir en profondeur le marché suisse et de rencontrer nos deux premiers clients. De manière générale les relations entre les start-up et grands groupes bancaires sont complexes car nous devons, de notre côté, trouver l’interlocuteur le plus approprié pour notre solution de profilage de risque. Est-ce l’équipe marketing de la banque privée ? Celle de la conformité ? Chaque banque a ses spécificités et ses codes qu’il nous faut rapidement comprendre.

Une levée de fond est-elle prévue ?

Une série A de l’ordre de 1,5 million d'euros va être lancée au début de l’année 2018 dans l’objectif de croître à l’international, notamment en Asie et aux États-Unis. Nous avons déjà un pied en Asie via Super Charger qui est un incubateur en Malaisie : le marché asiatique nous paraît très réceptif à la finance comportementale. Il est aussi caractérisé par des clients de banques privées en moyenne bien plus jeunes qu’en Europe, qui sont donc très demandeurs de solutions numérisées et ludiques dans les services bancaires qu’ils utilisent.

Quels sont vos projets en termes de développement ?

Nous avons vocation à nous tourner vers l’Asie et les États-Unis grâce à la levée de fonds dès juin ou septembre 2018. Nous voulons donner aux conseillers financiers indépendants américains – près de 300 000 – accès à une plate-forme en ligne où ils pourront facilement créer des questionnaires de profilage de risque et les envoyer à leurs clients. À moyen terme, nous comptons explorer de nouveaux marchés grâce à nos compétences en finance comportementale. Par exemple, nous avons reçu des demandes intéressantes dans le domaine du credit scoring. Nous pourrions utiliser notre outil pour aider les banques à évaluer plus finement le profil de risque des clients qui demandent un prêt. D’autres idées nous sont venues à l’esprit : l’éducation financière, la gestion des talents et l’assurance non-vie (analyser le comportement face au risque d’une personne qui souhaite acheter une assurance automobile par exemple). D’un point de vue financier, nous visons la rentabilité de nos activités en 2019 – nos coûts de fonctionnement sont moins gourmands que ceux d’une fintech B2C à un stade de développement comparable.

« Devenir rentable est plus difficile pour une fintech en BtoC »

Justement, pour vous, quelles fintechs ont le plus de potentiel, celles du secteur BtoB ou BtoC ?

Les problématiques sont différentes. Je pense qu’il est probablement plus simple de gagner des clients en BtoC, notamment grâce aux techniques de marketing en ligne (réseaux sociaux et autres) ; en revanche, devenir rentable est plus difficile. Prenez l’exemple des banques en ligne : les coûts de marketing sont si élevés que peu d’entre elles sont actuellement rentables, même si plusieurs dizaines milliers de nouveaux clients sont conquis tous les mois en Europe. Pour nous qui opérons en BtoB, la problématique s’inverse : notre principal défi à court terme est davantage l’acquisition de nouveaux clients que la recherche de la rentabilité à tout prix. Convaincre de nouveaux clients est un travail de longue haleine, mais nous n’avons besoin que d’un nombre limité d’entre eux pour afficher une rentabilité. En effet, nous faisons la promotion de Neuroprofiler via les incubateurs, les conférences, un peu de référencement sur les moteurs de recherche : nos coûts de marketing sont plus faibles qu’en BtoC.

 

Propos recueillis par Vincent Paes et Morgane Al Mardini

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