Le directeur juridique social d’Air France Franck Raimbault a lancé une offre de médiation afin de diminuer le volume de contentieux prud’homaux dans cette entreprise où la plupart des salariés réalisent toute leur carrière. Une initiative qui remporte un succès inespéré et qui sert à présent de modèle à ses homologues. Explications.

« Air France est une entreprise dans laquelle le produit s’élabore devant le client, débute Franck Raimbault, sous le regard ébahi d’une assemblée de directeurs des ressources humaines. Les salariés sont en contact avec les passagers lors de l’achat de billets d’avion, lors de leur embarquement, de leur vol, etc. Nous ne pouvons pas nous permettre que l’un de nos salariés en conflit avec la direction dégrade l’image de la société. » Pour le directeur juridique social de l’ancienne entreprise publique, l’enjeu est de taille : éviter le contentieux prud’homal. Pour cela, il embauche une thésarde spécialiste des modes de résolution amiables des litiges et met en place un ­processus de médiation conventionnelle particulièrement efficace. Invité à le présenter en avant-première le 12 septembre dernier lors du Cercle des DRH de Leaders League, celui qui exerce depuis vingt-quatre ans chez Air France n’est pas peu fier : sur les 50 premières médiations, 48 ont abouti à un accord. « Nous avions fixé un objectif de 50 % de réussite, largement dépassé », note-t-il. Depuis juin 2018 et la création de cette voie de résolution des litiges, 70 demandes ont été déposées, et aucune d’entre elles n’est farfelue.

Cinq ans de procédure pour une prime de 50 euros

Air France est l’une des premières entreprises françaises à mettre en place le mécanisme instauré par la loi Macron de 2015. « Nous avions un niveau de conflictualité hors norme en raison du très faible taux de turn-over : s’il y a un problème dans l’exécution du contrat de travail, il vaut mieux le traiter en interne » que d’envenimer les choses en faisant appel à un juge, sous-entend le directeur juridique. « Nous nous sommes rendu compte que le contentieux judiciaire ne profitait pas à Air France et très peu aux salariés. » Aussi, le montant des honoraires des avocats peut être deux fois supérieur au total des indemnités ­versées à la suite d’une condamnation judiciaire. Surtout, la voie judiciaire est parfois utilisée pour un litige mineur : on a vu cinq ans de ­procédure pour une prime de 50 euros par mois.

Dorénavant, pour tout contentieux individuel du travail, le salarié peut se référer à une charte et recourir à la médiation conventionnelle, une procédure rapide et gratuite (le médiateur est rémunéré par Air France). En se rendant sur un intranet dédié, il a accès à des présentations vidéo de deux minutes des six médiateurs sélectionnés en amont par la société : un ancien contrôleur du travail, un ancien directeur général, un ancien magistrat, etc. Il choisit alors celui avec lequel il a envie de travailler.

Grève des bottes

Car, finalement, tout est généralement une question de dialogue. Une demande de prime ou de mutation peut parfois cacher une difficulté personnelle, un conflit hiérarchique par exemple… « Je donne souvent l’exemple de la grève des bottes à l’époque d’Air Inter, illustre Franck Raimbault. La compagnie avait décidé de changer l’équipement des agents de piste. Mais avant de comprendre que le nouveau matériel n’était pas étanche, la direction a souffert d’un préavis de grève déposé par des salariés réclamant une prime d’escale en cas d’intempérie… » Or, il est du rôle du médiateur de trouver l’origine du conflit, de permettre la discussion et de déminer la situation. En plus de cela, la loi Macron a prévu une suspension de la prescription en cas de médiation, cette dernière pouvant être interrompue à tout moment. Détaillé aux représentants du personnel avant lancement, le projet a séduit tant les salariés que la direction générale : « Une procédure qui diminue drastiquement le contentieux, améliore l’image de l’entreprise, notamment auprès des magistrats, et qui est gratuite pour les salariés », se réjouit Franck Raimbault. Cela tient à la simplicité du concept, versus l’organisation structurelle d’Air France : là où la résolution d’un litige va exiger l’aval de nombreuses personnes de la direction (générale, juridiques, sociale, etc.), la médiation conventionnelle met fin au conflit par l’écoute et le dialogue et, surtout, par la force d’un accord entre les parties. Bien sûr, pour certaines questions juridiques de principe, en cas de chemise arrachée par exemple, aucune médiation n’est envisageable.

Pascale D'Amore

 

Lire Efficacité de la médiation : l'atout d'une institution publique

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