« Le premier challenge est de réorienter tous les flux qui nous échappent en développant le réseau de collecte »
Ecologic est l’un des trois éco-organismes généralistes qui s’occupent de la collecte et du traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE ou D3E). Après six ans d’opérations et de résultats satisfaisants, René-Louis Perrier, son président, revient pour nous sur les enjeux de la filière.

Décideurs. Quel est le rôle et le positionnement des éco-organismes ?

René-Louis Perrier. Nous avons en fait plusieurs rôles : collecter, dépolluer et valoriser. Notre premier rôle est de mettre en place le réseau pour concentrer les D3E. Il faut alors communiquer auprès des consommateurs pour qu’ils déposent leurs équipements en fin de vie dans les filières agréées. Le second défi qui nous incombe est de participer, avec les industriels, les opérateurs du déchet et les affineurs potentiels, à l’alimentation des filières. Nous nous positionnons également en tant que dépollueurs puisque certains équipements contiennent des matières dont l’extraction est réglementée. Par exemple, avant tout autre traitement, le mercure contenu dans le rétro-éclairage de certains écrans plats doit être extrait. Nous avons enfin un rôle purement réglementaire puisqu’une directive européenne exige des États membres qu’ils atteignent des objectifs à la fois en taux de collecte et en taux de valorisation.
Un éco-organisme n’est pas un opérateur puisqu’il est au service des producteurs. Nous représentons le pont entre les acteurs publics et privés – entre les producteurs, qui sont financeurs -, et les opérateurs sur le terrain.

Décideurs. La gestion des DEEE est une problématique majeure encore trop peu examinée par les pouvoirs publics. En effet, seul un faible pourcentage des déchets est recyclé. Quels sont les enjeux qui en découlent ?

R. –L. P. On estime entre 16 et 18 kilos par habitant les D3E générés chaque année. En 2011, la filière D3E en a récupéré sept kilos, soit un peu moins de la moitié. Le premier enjeu est donc d’aller chercher les kilos manquants qui suivent des chemins parallèles (enfouissement, traitement partiel, export illégal vers des pays en développement), ce que nous cherchons à éviter. Notre premier challenge est donc de réorienter tous ces flux qui nous échappent en développant le réseau de collecte.
Une fois que nous aurons augmenté les quantités récupérées, nous pourrons alors faire jouer les économies d’échelle et nous engager dans l’extraction des matières rares. Ceci constitue le second challenge. En effet, les D3E contiennent, en quantités faibles voire infimes, des matières comme le platine, l’argent ou encore les terres rares (néodyme, terbium..) dont l’approvisionnement peut devenir critique ou dont l’extraction est très polluante et très coûteuse. Il est donc important de développer la recherche de ces métaux et poursuivre les efforts de traitement afin d’aller le plus loin possible dans le recyclage.

Décideurs. Quels ont été les apports de la REP au secteur ?


R. –L. P. Le principe de responsabilité élargie du producteur (REP) a fait toute la différence puisqu’il a permis d’organiser la filière. D’une part, les D3E possèdent une valeur intrinsèque qui est exploitable. D’autre part, ces métiers sont locaux par nature : le traitement et la dépollution se font à 99 % sur le territoire français, générant ainsi une forte activité sur la base de produits fabriqués, pour la plupart, en Asie. Cette nouvelle industrie aura, à terme, une valeur technologique et économique. Au niveau environnemental enfin, cela constitue aussi un positionnement sur le futur : de plus en plus de produits sophistiqués entrant sur le marché devront être traités. L’idée serait de récupérer l’ensemble des matières présentes dans les D3E pour fabriquer de nouveaux produits sans avoir à épuiser les ressources terrestres.
Les D3E représentent donc un bon exemple de filière REP dans le sens où la croissance de la collecte a été rapide avec des tonnages significatifs. Mais il y a encore du chemin à faire pour collecter tous les déchets de valeur générés chaque année.

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