Accompagner les entreprises en difficulté est plus que jamais un enjeu majeur. Voici comment le tribunal de commerce de Paris fait face.

Décideurs. Le tribunal de commerce de Paris compte parmi les principales institutions destinées à accompagner les entreprises en difficulté. Dans quelles conditions parvenez-vous à accomplir votre mission dans le contexte actuel ?

Paul-Louis Netter. Le tribunal de commerce de Paris, à l’instar de l’ensemble des tribunaux de commerce français, a été fermé par ordre de Madame la garde des Sceaux. Cela ne facilite évidemment pas la tâche des magistrats consulaires. Pour autant, nous faisons le maximum pour gérer les dossiers que nous estimons les plus urgents. En clair, même confinés, les juges du tribunal n’oublient pas leur devoir. Je profite d’ailleurs de cet entretien pour les en remercier.

Concrètement, quelles mesures le tribunal parvient-il à dispenser ?

Nous avons organisé une permanence de juges qui continuent d’agir en faveur de la prévention des difficultés des entreprises. Ils sont donc à même d’ouvrir des mandats ad hoc ou des procédures de conciliation.Ces actions permettent de placer les entreprises sous la protection du tribunal qui désigne ensuite un mandataire ou un conciliateur. À charge pour ces derniers, le plus souvent, de négocier les dettes des entreprises. À l’évidence, malgré les moratoires annoncés par les pouvoirs publics, ces dispositifs seront largement mis à l’épreuve au cours des prochains mois.

La justice consulaire est-elle adaptée à la situation et aux enjeux de dématérialisation  ?

Il serait présomptueux d’affirmer que nous sommes pleinement opérationnels dans le contexte actuel. À ma connaissance, toutes les organisations sont contraintes de revoir certaines règles de fonctionnement à l’aune du confinement général. Cela étant précisé, de nombreuses formalités, comme une déclaration de cessation de paiement ou le dépôt des comptes certifiés, peuvent être réalisés depuis le site du greffe du tribunal de commerce de Paris. À ce titre, ses services ont traité 505 formalités au registre du commerce et des sociétés sur la seule journée du 17 mars ! Tout cela est rendu possible par l’organisation des agents du greffe qui continuent de travailler à distance. Sur le terrain plus judiciaire, les justiciables peuvent s’appuyer sur la plateforme www.tribunaldigital.fr pour engager nombre de procédures (assignations, requêtes, procédures de sauvegarde, ndlr).

"Tout porte à penser que la plupart des entreprises pourront passer la période de tension actuelle"

Quel regard portez-vous sur les mesures d’accompagnement engagées par le gouvernement ?

Elles vont dans le bon sens et il ne m’appartient pas de les commenter plus avant. Cela étant précisé, il importe de rappeler que la plupart des annonces portent sur un report des dettes sociales et fiscales. Tout porte donc à penser que la plupart des entreprises pourront passer la période de tension actuelle. Pour autant, un report n’est pas une annulation et, tôt ou tard, ces dettes devront être payées. Quant aux entreprises, le chiffre d’affaires qui n’a pas été réalisé au plus fort de la crise ne pourra pas nécessairement être reconstitué. La trésorerie des entreprises s’en ressentira fortement. Il appartiendra aux pouvoirs publics de déterminer si de nouvelles mesures de soutien devront être engagées. Je pense par exemple à l’annulation pure et simple de certaines dettes sociales et/ou fiscales.

Cette crise sanitaire peut-elle avoir un impact sur la législation portant sur les entreprises en difficulté ?

Je ne le crois pas. Nous traversons un épisode exceptionnel. Peut-être se reproduira-t-il, je l’ignore. Mais le dispositif actuel a été imaginé pour accompagner les entreprises dans un contexte de vie courante. Un arsenal législatif construit sur des hypothèses aussi extrêmes que la période actuelle ne serait pas adapté aux besoins, même si on peut envisager des cas extrêmes. En revanche, je suis convaincu que cette crise modifiera durablement le rapport des entreprises au télétravail. Avec ou sans incitation législative, les plans de continuité de l’activité devront désormais anticiper le risque pandémique et en tirer toutes les conclusions opérationnelles.

Propos recueillis par Pascale D’Amore

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