Sur l’immigration, les programmes des deux prétendants à l’Élysée ont peu de similitudes. C’est normal : Emmanuel Macron cible quelques points-clés, quand Marine Le Pen rêve d’un référendum qui refondrait la Constitution… sans passer par la procédure habituelle de révision de la norme suprême.

Une page dans le programme d’Emmanuel Macron, quarante-six dans celui de son adversaire d’extrême droite, Marine Le Pen… Et seulement quelques minutes d’échange pendant le débat de l’entre-deux-tours. C’était court, mais Marine Le Pen a quand même réussi à lier les questions de sécurité à celles de l’immigration : "L’immigration anarchique et massive contribue à l’aggravation de l’insécurité dans notre pays." Et d’évoquer, de nouveau, le référendum qu’elle soumettrait aux Français si elle était élue.

Marine Le Pen c/ la Constitution

Pour elle, il s’agirait de réviser la Constitution pour modifier les conditions d’octroi (ou de retrait) de la nationalité française – exit le droit du sol. Une piste déjà défendue par Jean-Marie Le Pen au temps du Front national, preuve, s’il en fallait, que la mère à chats ne s’est pas tant éloignée des idées initiales de son père. Pour le droit d’asile, elle propose que les demandes soient traitées dans les ambassades à l’étranger uniquement. Et pour les cas où, à cause d’un conflit, les ambassades ont fermé ? Marine Le Pen n’a pas prévu de solutions. La Hongrie avait tenté le coup d’une telle mesure, elle a été plusieurs fois condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne. Autre suggestion : instaurer la "priorité nationale". Soit, en clair, réserver un certain nombre des prestations sociales aux Français, leur accorder une priorité d’accès au logement social et à l'emploi, lit-on dans le projet de loi qu’elle a déjà rédigé. Dans son programme électoral, elle explique aussi vouloir fixer par la loi l’accès des étrangers à tout emploi public ou privé et à certaines professions, et supprimer l'Aide médicale d'État. Pour bénéficier des aides sociales, ils devraient avoir à justifier d’au moins cinq ans de travail en France. Et après un an sans activité professionnelle, une seule issue : la suppression de l’autorisation de séjour. Bref, comme elle l’a réaffirmé lors du débat d’entre-deux-tours, gouverner, c’est faire des choix pour réaliser des économies. On l’aura compris, les siennes se feraient surtout grâce à la limitation de l’immigration.

"Marine Le Pen veut supprimer le droit du sol. Une idée déjà défendue par son père, Jean-Marie Le Pen, du temps du Front national"

Problème : Marine Le Pen assure que la Constitution pourra être directement modifiée par le référendum prévu à l’article 11. C’est mal connaître le droit : l’article 11 ne s’applique qu’aux projets de loi "portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions". Pour modifier la Constitution, donc, il faut passer par un article 89, nous rappelait justement le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius. Les conditions sont évidemment plus contraignantes. Le texte doit être voté à l’identique par les deux chambres du Parlement. Ce n’est qu’après l’approbation des députés et des sénateurs qu’il devient possible de soumettre le projet à un référendum, ou de le présenter devant le Congrès (la réunion en une seule assemblée des deux chambres) pour obtenir une majorité de trois cinquièmes. Certes, le général de Gaulle avait utilisé un référendum pour instaurer le suffrage universel direct à l’élection présidentielle en 1962… Mais n’est pas de Gaulle qui veut. Surtout, à l’époque, déjà, le Conseil constitutionnel avait déconseillé la manœuvre. Et les Sages, depuis l’arrêt Hauchemaille du 25 juillet 2000, peuvent contrôler la constitutionnalité du projet de loi annexé à l’acte préparatoire d’organisation du référendum.

Priorité au droit d’asile pour Macron

Sur ces points, Emmanuel Macron n’a pas cherché à débattre avec son adversaire, mais a souligné qu’"être élu par le peuple ne donne pas le droit de modifier sa Constitution sans respecter celle-ci". L’actuel locataire de l’Élysée a évoqué les propositions déjà inscrites dans son programme : réduction des délais de demandes d’asile et du droit de séjour pour "décider beaucoup plus rapidement qui est éligible et expulser plus efficacement ceux qui ne le sont pas", renforcement de la protection aux frontières  de l’Europe, là où Marine Le Pen voudrait renforcer les frontières françaises. Les titres de long séjour seraient accordés aux individus qui réussissent un examen de français et s’insèrent dans le marché du travail. Les étrangers qui troublent l’ordre public seraient expulsés.

Son programme ne formule pas d'autres propositions. Emmanuel Macron n'a pas non plus, depuis le début de sa campagne, vraiment tiré le bilan de sa politique en la matière. La mesure la plus forte de son quinquennat aura été celle annoncée par Gabriel Attal le 28 septembre 2021 : la réduction "drastique" du nombre d'entrées en France des ressortissants du Maghreb, en réponse au refus de ces pays de délivrer des laissez-passer consulaires à leurs nationaux qui n'ont pas de papiers d'identité, donc pas de preuve de nationalité. Sans ce document, les autorités françaises ne peuvent pas renvoyer les étrangers en situation irrégulière. Depuis, difficile de savoir si la mesure a été appliquée. Mais elle était attendue : en octobre 2019, Emmanuel Macron avait affirmé, dans un entretien avec Valeurs actuelles, qu'il ferait exécuter 100 % des décisions de reconduite à la frontière avant la fin de son mandat.

Olivia Fuentes

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