Le producteur d’e-cigarettes, Juul, impliqué dans des procédures judiciaires qui font écho à un débat sur la consommation de ces produits par les mineurs dans la société américaine, lève des fonds pour supporter ses difficultés financières.

Après avoir rencontré un engouement sans précédent qui lui vaut de détenir 72 % du marché d’e-cigarettes, Juul, propriété d’Altria (ex-Marlboro), géant mondial du tabac, se heurte à des difficultés financières. En cause, les déboires judiciaires auxquels ses produits sont confrontés. Accusée par plusieurs États américains d'avoir vendu illégalement des cigarettes électroniques à des mineurs et ciblé des lycéens, l’entreprise est dans le collimateur de la Food and Drug Administration (FDA). En prévision de ces poursuites, la start-up a inscrit, en octobre, une charge de 4,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, la valorisation de l’entreprise plafonne à 12 milliards de dollars, contre 38 milliards en 2018, lors de la prise de participation d’Altria. Dans ce contexte le nouveau PDG de Juul, , K.C. Crosthwaite, a annoncé, en novembre, la suppression de 650 emplois et, en janvier, la fin de la stratégie d’internationalisation du groupe. La holding vient par ailleurs de déprécier 4,1 milliards de dollars d’actifs liés à sa participation dans le producteur de cigarettes électroniques.

Malgré tout, « que ce soit notre évaluation ou le marché, il y aura des hauts, des bas, des rebondissements, mais les raisons qui nous ont tous amenés ici n'ont pas changé », nous explique le PDG. Les investisseurs ont afflué pour donner de l’air à l’entreprise dans cette phase difficile, car le potentiel de croissance, en dépit des controverses, reste immense. Juul a donc réussi à lever 700 millions de dollars en obligations convertibles. Ces billets structurés comme de la dette seront convertis en actions si le prochain tour de table rassemble entre 10 et 25 milliards de dollars. Un pansement à court terme pour une entreprise qui vise une rémission à long terme.

Depuis, Crosthwaite a fait face, le 5 février, au Congrès américain aux côtés des PDG de ses concurrents principaux, dont Reynolds American, Njoy, Fontem, et Logic. Pour éviter de répondre aux attaques des autorités sur l’impact des e-cigarettes sur la santé, les industriels se rangent derrière la décision  - à venir -  de la FDA. Interrogé ensuite sur la responsabilité de la stratégie marketing de ces groupes dans l’addiction des jeunes à la nicotine, Ryan Nivakoff, PDG de Njoy, utilise même fallacieusement une citation du délégué de la FDA, Scott Gottlieb : « Si vous transformez chaque fumeur adulte dépendant en vapoteur, vous aurez un impact profond sur la santé publique ». Le même Gottlieb qui pousse à l’interdiction des produits à dosettes jetables, à l’instar de Juul ou Njoy, après avoir fait suspendre les ventes de la plupart des produits aromatisés. Le débat fait rage aux États-Unis, entre la société civile, les fabricants, le gouvernement et l’incontournable FDA… À partir de mai 2020, cette dernière organisation contrôlera la mise sur le marché de toutes les e-cigarettes. C’est donc elle qui aura le dernier mot sur le sujet, à condition de préserver son intégrité vis-à-vis d’un des lobbys les plus puissants du monde.

Baptiste Delcambre

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