Passé sous pavillon irlandais il y a trois ans, Butagaz s’associe à Gaz européen, spécialiste du gaz naturel qui a intégré le groupe depuis le début de l’année 2017. Emmanuel Trivin, son P-DG, fait le point sur les ambitions d’un groupe en pleine mutation et détaille sa vision du marché.

Décideurs. Quel bilan dressez-vous du rachat de Butagaz par l’irlandais DCC ?

Emmanuel Trivin. Butagaz, filiale historique du groupe Shell depuis sa création dans les années 1930, a effectivement été racheté en 2015 par le groupe DCC, spécialiste entre autres de la distribution d’énergies coté en Bourse à Londres et réunissant un peu plus de 10 000 salariés. Je tire un bilan très positif de ces deux dernières années. Nous avons trouvé en DCC Energy un actionnaire de confiance qui nous a aidés dans la mise en œuvre de notre plan stratégique de développement que nous avions ébauché avant même notre rapprochement. D’ailleurs, nous avions déjà à l’esprit le rachat de Gaz européen. DCC Energy nous a permis d’accélérer sur ce projet.

 

Le marché du GPL s’érode. L’ouverture à d’autres segments d’activité est-il indispensable ?

Effectivement, le marché du GPL est mature même s’il convient de ne pas faire de généralités. Il faut opérer une distinction entre les différents segments de ce secteur qui ne connaissent pas tous la même dynamique. Butagaz est particulièrement connu pour les bouteilles de gaz qu’il distribue. Ce sont plus de quatre millions de ménages en France qui les utilisent au quotidien en se fournissant grâce à un réseau comptant près de 20 000 points de vente. Ce segment a tendance à décliner du fait du changement d’habitudes des consommateurs. D’autres marchés, au contraire, tels que la vente de gaz en citerne à des particuliers ou en B2B pour ceux qui n’ont pas accès au gaz en réseau, bénéficient d’une dynamique plus porteuse. Face à ce constat, nous avons fait le choix de nous tourner vers des métiers connexes.

« Nous n’excluons pas de recourir à la croissance organique cette année »

Pourquoi avoir choisi de vous lancer dans le gaz naturel en rachetant Gaz Européen ?

Auprès du grand public, notre marque est associée à la distribution d’énergie au sens large, pas exclusivement aux GPL. Nous avons très rapidement mesuré le potentiel stratégique de nous ouvrir à d’autres énergies proches de notre cœur de métier historique. Le choix du gaz naturel peut surprendre de prime abord puisqu’il a peu de points communs avec les GPL : alors que le premier nécessite une infrastructure avec des systèmes d’informations et d’approvisionnement spécifiques, le second est une énergie de stockage dont la distribution passe par le réseau routier et des sites industriels. Pourtant, nous avons de vraies ambitions sur le marché du gaz naturel. Outre un secteur porteur, l’équipe, les valeurs et la personnalité des dirigeants de Gaz Européen ont terminé de nous convaincre. Ensemble nous avons établi un projet industriel commun, pour exploiter les convergences qui existent entre nos « savoir-faire » historiques et en profitant des valeurs de proximité et de qualité de service à la base de notre rapprochement.

 

D’autres opérations de croissance sont-elles déjà prévues ?

Absolument. Récemment, Gaz Européen a ajouté une nouvelle corde à son arc en s’ouvrant à la distribution d’électricité sur sa marque propre avec le soutien de Butagaz. L’entreprise devint ainsi le premier acteur capable de fournir à une clientèle de copropriétés une offre triple (gaz naturel, électricité et propane). Nous travaillons à renforcer son déploiement en France. C’est une première étape, il y en aura d’autres cette année pour élargir le champ d’activité du groupe sur les segments gaz naturel et électricité. Nous n’excluons d’ailleurs pas de poursuivre sur cette voie grâce à des opérations de croissance organique, en capitalisant par exemple sur nos compétences digitales acquises dans le cadre du start-up programme « Zagatub » que nous avons lancé.

« Le secteur va poursuivre ses mutations. Ce sont autant d’opportunités pour Butagaz »

Comment fonctionne ce programme que vous avez lancé il y a trois ans ?

Il s’agit d’un programme de collaboration avec des start-up que nous sélectionnons parce qu’elles concernent notre marché, le confort à la maison, avec des méthodes de fonctionnement qui sont très intéressantes et inspirantes pour le groupe qui a fait de l’open innovation, un moteur de collaboration et de développement des compétences internes. L’idée est bien entendu de trouver de nouveaux relais de croissance. Nous mettons à disposition des jeunes pousses sélectionnées, une boîte à outils (comprenant notamment une aide marketing et commerciale), nous multiplions les parrainages et nous avons même développé une plate-forme en ligne de bêta-test permettant de tester, d’affiner et d’enrichir les produits auprès d’une communauté de plus de 2 000 personnes. Le bilan est d’ailleurs très positif. Certaines innovations ont déjà trouvé leur usage dans notre métier. C’est le cas de la fabrication de serrures connectées mises au point par la société The Keys. Grâce à cette technologie, nous avons mis au point un service « Click and collect » permettant au consommateur de réserver en ligne sa bouteille de gaz sur le point de vente de son choix et de venir la récupérer quand il le souhaite en déverrouillant la serrure du dépôt grâce à son smartphone.

 

Le secteur du butane-propane est en pleine consolidation, le nombre d’acteurs sur le marché se réduit. Pensez-vous que d’autres opérations d’envergure sont encore à prévoir ?

Le marché de la distribution de l’énergie dans son ensemble est en plein mouvement. En plus de l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz naturel et de l’électricité il y a une dizaine d’années, les rapprochements se multiplient à l’instar du rachat de Total Gaz (aujourd’hui Finagaz) par UGI Antargaz, de nouveaux acteurs émergent, l’irruption du digital et les impératifs de la transition écologique redistribuent les cartes. Le secteur va poursuivre ses mutations. Ce sont autant d’opportunités pour Butagaz.  

Propos recueillis par Sybille Vié

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