Initialement, les propositions d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen pour l’environnement étaient assez lacunaires. Mais, depuis le 10 avril, le président-candidat assure avoir repensé son programme qu’il veut désormais plus proche de celui de Jean-Luc Mélenchon. Nucléaire, énergies renouvelables, agriculture… Comparez leurs idées.

C’est le sujet négligé du premier tour, devenu central dans les récentes interventions d’Emmanuel Macron. Il disait, le 13 avril, avoir entendu le message de ceux qui demandent que l’environnement soit placé au cœur de la campagne et cite désormais le dernier rapport du Giec - pourtant paru avant le premier tour. À Marseille, où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête avec 31 % des votes, Emmanuel Macron a présenté samedi un programme enrichi de mesures LFI et EELV : "La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas." Emmanuel Macron promet de nommer un Premier ministre chargé de la planification écologique et deux ministres supplémentaires, un pour la planification énergétique, l’autre pour la planification écologique territoriale. Un cap sur le vert qui lui permet de se démarquer de Marine Le Pen, peu loquace sur le sujet. Elle pourrait devoir s’y mettre : plusieurs associations, comme The Shift Project, WWF et France Nature Environnement ont demandé, dans une lettre ouverte, que le débat d’entre-deux-tours consacre un cinquième du temps à la crise écologique.

Feu vert au nucléaire

En 2017, Emmanuel Macron n’était pas hostile au nucléaire, mais s’était donné l’objectif de ramener sa part dans le mix énergétique à 50 % d’ici à 2025 - pour l’heure, cette énergie représente environ 67 % de la production d’électricité totale. En février 2022, revirement : la construction de six nouveaux EPR a été annoncée et huit autres seraient à l’étude car, pour Emmanuel Macron, la France a besoin du nucléaire. Sur ce point, les visions des deux candidats sont alignées. Marine Le Pen souhaite elle aussi maintenir les installations nucléaires existantes et en construire de nouvelles.

"Emmanuel Macron promet de nommer un Premier ministre chargé de la planification écologique"

Haro sur l’éolien au Rassemblement national

L’harmonie disparaît lorsque survient la question des énergies renouvelables. Le sujet est important : la France est en retard par rapport au reste de l’Union européenne. Emmanuel Macron affirme qu’il multipliera par dix la puissance solaire et qu’il implantera 50 parcs éoliens en mer d’ici à 2050. L’augmentation de la capacité de ces deux énergies était une promesse de 2017, non tenue. Marine Le Pen imposerait un moratoire sur le solaire et sur l’éolien et démantèlerait les éoliennes existantes. Ce qu’elle voudrait à la place ? Investir dans l’hydroélectrique, la géothermie et l’hydrogène.

Ne pas (trop) changer les modes de vie

Emmanuel Macron et Marine Le Pen souhaitent que les factures des ménages diminuent. Mais les propositions de la candidate d’extrême droite pour y parvenir sont loin d’aller dans le sens des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : elle entend baisser les taxes sur le fioul, le gaz et le pétrole. Le candidat à sa réélection, lui, mise plutôt sur la rénovation énergétique des logements et promet de s’attaquer à 700 000 habitations. Pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, il faudra que la planification voulue par Emmanuel Macron intègre la notion de sobriété énergétique. Les modes de transport, de vie et de consommation des Français devront changer. Pour l’instant, Emmanuel Macron ne va pas dans ce sens. Il suggère seulement d’indexer la rémunération des dirigeants de grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs RSE et de proposer une information "claire sur l’impact environnemental" des produits courants dès leur achat. Marine Le Pen parle d’imposer aux vendeurs de donner des indications sur la durée de vie du produit et d’améliorer l’information du consommateur. Mais, dans son programme, l’écologie est avant tout une question de "localisme" et de préférence pour les produits français. D’après elle, la "qualité de vie" doit primer. Les mesures visant à baisser la vitesse maximale autorisée sur les nationales et les zones à faibles émissions instaurées durant le quinquennat seraient supprimées.

"Marine Le Pen supprimerait les mesures visant à baisser la vitesse maximale autorisée sur les nationales et les zones à faibles émissions instaurées durant le quinquennat"

Pas de sortie de l’agriculture intensive

L’agriculture compte pour 20 % des émissions françaises de gaz à effet de serre : c’est le deuxième poste d’émissions national. Pourtant, les deux candidats ne proposent pas de revoir le modèle. Emmanuel Macron entend accompagner le renouvellement des générations et investir dans l’innovation. Il veut aussi accroître les exportations européennes, alors que le Parlement européen a voté fin 2021 la réduction de moitié du recours aux pesticides et l’augmentation de la surface bio, soit la stratégie "de la ferme à la fourchette". Une stratégie qui "reposait sur un monde d’avant-guerre en Ukraine", estime le candidat En Marche. Aucune proposition, en revanche, pour développer l’agriculture biologique et contrôler les émissions du secteur. Rien, non plus, sur les pesticides, alors qu’il a récemment reconnu avoir échoué sur l’interdiction du glyphosate promise en 2017. Marine Le Pen, de son côté, assure qu’elle conditionnera l’usage des pesticides, herbicides et engrais à l’évolution de la population d’animaux témoins. Une idée qui inquiète le think tank La Fabrique écologique : "La protection de la biodiversité nécessite une approche globale et pas seulement par espèce." Comme Emmanuel Macron, la candidate refuse la stratégie européenne et ne jure que par la souveraineté alimentaire.

Pour la biodiversité, les propositions ne sont pas nombreuses. Emmanuel Macron envisage de planter 140 millions d’arbres, fermerait 50 décharges à ciel ouvert et assure qu’il protégera "toujours mieux" les littoraux, montagnes, forêts et espaces naturels, sans préciser comment. Marine Le Pen propose de compenser l’artificialisation des sols "dans la mesure du possible".

Avec Le Pen, la régression climatique

La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est articulée autour d’un objectif de diminution des émissions d’ici à 2030 de 40 % par rapport au niveau de 1990. L’Europe, pourtant, a adopté fin 2020 un objectif de - 55 %. Emmanuel Macron n’a toujours pas accordé l’objectif national avec la ligne européenne. Mais il propose d’instaurer une taxe carbone aux frontières de l’UE, pour que le consommateur européen assume une partie du coût environnemental du produit acheté. Là où Marine Le Pen qualifie de "terrorisme climatique" les mesures prises pour tenter de limiter la hausse des températures, Emmanuel Macron assure avoir pris conscience de l’urgence. La condamnation de l’État français pour inaction climatique ? Une décision fondée sur des faits qui remontent au début du mandat et ne sont pas représentatifs des changements opérés sur ces deux dernières années, s’est-il défendu à Strasbourg le 12 avril.

Reste que ses nouvelles promesses vertes peinent à convaincre : son bilan du quinquennat est jugé mauvais par de nombreuses organisations et son programme, tel que rédigé avant le premier tour, est perçu comme peu compatible avec les objectifs de l’accord de Paris par L’Affaire du siècle, I4CE, The Shifters. "Il avait cinq ans pour agir et il ne l'a pas fait", a réagi Julien Bayou à la suite du meeting marseillais d’Emmanuel Macron. "Après un premier quinquennat de discours jamais suivis d’actions et de revirements, on a du mal à lui faire confiance", a déclaré le responsable Europe au Réseau Action Climat (RAC), Neil Makaroff, sur RFI. Et Arnaud Schwartz, le président de France Nature Environnement, de dire à France Info : "Il a déjà fait des discours excellents sur le sujet, et la traduction en acte s’est trop longtemps fait attendre." Alors, promesses de campagne pour séduire l’électorat de gauche ou réelle volonté ? Selon le résultat du 24 avril, rendez-vous dans cinq ans. D’ici là, une chose à retenir : avec Emmanuel Macron, on craint que la situation ne stagne. Du programme de Marine Le Pen, on se dit qu’il est une "régression climatique", insiste le RAC.

Olivia Fuentes

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