Dans un longue entretien accordé au magazine Zadig, le président de la République se dévoile comme rarement. Au programme, son rapport au territoire, son enfance, sa vision du pays. Morceaux choisis.

Le monde d’après, une nouvelle Renaissance

C’est un fait historique réel mais somme toute peu connu : La peste noire qui a ravagé l’Europe au XIVème siècle a été le ferment de la Renaissance. Après chaque catastrophe (guerre, épidémie) la société est en proie à une frénésie d’activité pour rattraper le temps perdu. Il en résulte des progrès techniques, une explosion de la créativité artistique ou de la natalité. Pour Emmanuel Macron, le "nouveau monde" post-Covid-19 emprunte certaines similitudes à la Renaissance : "Je relierais la période que nous vivons à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance. C’est l’époque de phénomènes qui forgent un peuple, je dirais même de la réinvention d’une civilisation".

La Renaissance fut également une période de changements politiques avec, en France, l’avènement d’un État central fort et la fin progressive du modèle féodal. Pour Emmanuel Macron, une fois encore, il existe une similitude entre notre époque et la Renaissance vue comme « un moment de tensions qui travaillent le pays, entre un État central et des féodalités. C’est enfin un temps où la question européenne se pose, sans oublier le rapport entre les religions ». Montée en puissance de l’islamisme aujourd’hui, relations entre protestants et catholiques hier…

Corporatisme : une petite phrase lourde de sens

C’est une phrase passée inaperçue mais lourde de sens : « La maladie de la France n’est pas la bureaucratie ni le centralisme mais les corporatismes qui défendent les intérêts et protègent l’entre soi ». Deux messages sont subtilement envoyés : la bureaucratie n’est pas coupable de tous les maux. Le président semble vouloir enterrer la hache de guerre avec la haute fonction publique avec laquelle il ne s’est pas montré tendre ces derniers temps. De plus, en s’en prenant au corporatisme, Emmanuel Macron revêt les habits gaullistes puisque c’est la France de Vichy qui a remis au goût du jour le corporatisme (pour tuer dans l’œuf l’influence des syndicats).

La fin de l’Ena

Emmanuel Macron assume toutefois la fermeture de l’Ena : « On doit sélectionner différemment, s’ouvrir à des publics plus divers, rassembler dans un tronc commun treize écoles du service public ». Toutefois, il se déclare favorable au classement de sortie, symbole méritocratique qui ne doit pas pour autant « déterminer tout le reste de la carrière. Être nommé préfet ou ambassadeur à vie, c’est fini ».

Géographie présidentielle

Traditionnellement, un président est attaché à une terre dans laquelle il puise son inspiration : Auvergne pour Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, Landes et Nivernais pour François Mitterrand, Corrèze pour Jacques Chirac... Dans cet entretien fleuve, Emmanuel Macron a dévoilé sa géographie personnelle : « Ma France, c’est une carte sensible entre deux pôles que sont Amiens et les Pyrénées, puis un troisième pôle, Paris ». Pour lui, les Pyrénées sont le symbole d’une "ruralité heureuse". Il précise également avoir "passé son enfance dans une bulle plutôt heureuse". Encore une fois, le successeur de François Hollande clame son amour pour Marseille qu’il qualifie "d’extraordinairement attachante (…). Je suis sûr que quelque chose va se passer à Marseille, car les conditions de possibilité d’une réinvention du lieu et d’une réappropriation sont là, indépendamment de la vie politique". Plus surprenant, le président tresse les louanges de la Seine-Saint-Denis qui a "le plus grand nombre de créations de start-up par habitant". "Il ne manque que la mer pour en faire la Californie".

Vocabulaire désuet

Oui, Emmanuel Macron parle anglais et maîtrise le vocabulaire du management. Mais il se distingue aussi par l’emploi de mots désuets tels que la poudre de perlimpinpin. La raison ? "J’ai grandi dans les souvenirs de ma grand-mère. J’ai donc une vision de la France qui n’est pas du tout celle de ma génération".

Sa vision des gilets jaunes

Selon lui, la crise des gilets jaunes trouve sa source dans la désindustrialisation et la métropolisation qui ont ruiné la France périphérique : "nous avons pensé pouvoir faire un pays sans usines""beaucoup de services sont partis vers Paris et Lille", analyse le président qui prend pour exemple sa région natale : "La régjon de Gamaches (…) s’est totalement appauvrie avec l’effondrement de l’industrie textile. Pareil pour l’Avesnois et la Thiérarche, aux confins de l’Aisne et du Nord". S’ensuit une colère et une "redécouverte de la violence".

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