L’exécution des sentences arbitrales CCJA dans l’espace Ohada est censée être facilitée par la compétence exclusive de la CCJA pour statuer sur l’exequatur et les recours en contestation de validité. En réalité, les parties doivent tenir compte aussi du juge national, qui ne disparaît pas du processus puisque les mesures d’exécution restent soumises à son contrôle.

Soucieux de « garantir la sécurité juridique » et « d’encourager l’investissement », le droit de l’Ohada accorde à l’arbitrage une place de choix comme mode de règlement des différends puisqu’il existe non seulement un acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage applicable dans chaque État membre mais aussi un règlement d’arbitrage qui fait de la CCJA un véritable centre d’arbitrage.

Les pièges administratifs du règlement de la CCJA

L’originalité et l’attractivité du règlement d’arbitrage de la CCJA tiennent essentiellement aux dispositions qui confèrent au président de la CCJA (ou son délégué) la compétence pour statuer sur une demande d’exequatur et à la CCJA la compétence pour contrôler la régularité d’une sentence en cas d’opposition contre une ordonnance d’exequatur ou d’une demande d’annulation d’une sentence rendue sous son égide. Une fois l’exequatur accordé, la sentence rendue sous l’égide de la CCJA a donc autorité de la chose jugée et devient également automatiquement exécutoire dans tous les États membres de l’espace Ohada.

Réduction des coûts, limitation de l’aléa judiciaire lié à l’unicité de la procédure d’exequatur, le dispositif est assurément sé- duisant pour le créancier désirant exécuter une sentence CCJA dans plusieurs pays de l’espace Ohada.

Les parties à l’arbitrage doivent toutefois garder à l’esprit que des obstacles non né- gligeables à l’exécution rapide des sentences CCJA demeurent.

D’abord, l’exécution d’une sentence CCJA ne sera possible que sur présentation d’une attestation d’exequatur délivrée par le secré- taire général de la CCJA. Toutefois, une telle attestation ne pourra être obtenue qu’à la condition que l’exequatur soit définitif, c’est- à-dire que les délais de recours contre l’ordonnance d’exequatur aient expiré –  à savoir quinze jours après la notification de l’ordonnance, augmentés des délais de distance qui varient de quatorze à trente jours – ou, le cas échéant, lorsque la CCJA aura statué sur une contestation de la sentence ou de l’ordonnance d’exequatur.

Lorsque l’on sait que de telles procédures au fond devant la CCJA peuvent durer jusqu’à deux ans, l’on comprend qu’un débiteur récalcitrant sera incité à user de ce moyen procédural pour retarder l’exé- cution. Ensuite, et c’est plus surprenant pour le plaideur non initié, le créancier devra également solliciter, dans chaque État membre où l’exécution est envisagée, qu’il soit apposé la formule exécutoire sur la sentence revêtue de l’attestation d’exé- quatur, par une autorité nationale préalablement désignée – qui, selon les États, peut être un greffier, un juge ou une autorité administrative. Aucune procédure ni aucun délai n’ont été fixés par le règlement d’arbitrage CCJA qui semble ne l’envisager que comme une simple formalité administrative.

Or, l’expérience montre que les délais d’obtention et la procédure d’apposition de la formule exécutoire varient beaucoup d’un État à un autre, et que, parfois, ces autorités – peut-être pour certaines d’entre elles en raison du fait qu’elles ne sont que rarement sollicitées dans ce cadre – exigent que le requérant respecte un formalisme qui peut apparaître excessif au regard des démarches déjà effectuées devant laCCJA, ou même contrôlent dès ce stade le bien-fondé des mesures d’exécution envisagées par le requérant, ce qui ne va pas sans poser des difficultés, notamment lorsque le débiteur est une entité publique de l’État en question.

Ce n’est qu’une fois toutes ces étapes franchies que le créancier pourra enfin pratiquer des mesures d’exécution sur les biens qu’il aura identifiées dans l’État en question, pour peu que le débiteur n’ait pas utilisé le laps de temps qui s’est écoulé entre le rendu de la sentence et la mesure d’exécution pour dissimuler ou dissiper ses actifs.

Une précaution importante: les mesures provisoires

Pour prévenir des déconvenues, on ne saurait trop recommander au créancier, avant même l’introduction de la requête en arbitrage, de procéder à une recherche et une localisation des actifs de son débiteur et, s’il peut d’ores et déjà justifier que sa créance paraît fondée en son principe et de circonstances de nature à en menacer le recouvrement, de solliciter – non contradictoirement – l’autorisation du juge local de pratiquer des mesures conservatoires visant à bloquer les actifs de son débiteur dans l’attente de la sentence à intervenir.

Qu’il s’agisse d’exécution forcée ou de mesures conservatoires, l’acte uniforme Ohada relatif aux voies d’exécution offre au créancier un large éventail de mesures, permettant d’appréhender efficacement et à peu de frais aussi bien les biens meubles corporels ou incorporels – tels que les créances de somme d’argent – que les biens immobiliers de son débiteur.

Le créancier devra néanmoins garder à l’esprit qu’aucune mesure d’exécution ou mesure conservatoire ne pourra être pratiquée dans l’espace Ohada contre les bé- néficiaires d’une immunité d’exécution – à savoir, notamment les personnes morales de droit public (telles que les États étrangers) ou les entreprises publiques, concept entendu assez largement par la jurisprudence de la CCJA  – sauf, sans doute, dans l’hypothèse où l’entité publique aura renoncé à son immunité d’exécution.

L’ambitieux règlement d’arbitrage de la CCJA ne doit donc pas faire oublier que l’exécution des sentences – fussent-elles rendues sous l’égide de la CCJA – se dé- roule sur le territoire des États où se situent les biens identifiés et qu’en consé- quence, les parties et leurs conseils ont tout intérêt à définir la stratégie d’exé- cution en amont et ce en coordination avec leurs conseils locaux. Ce dernier point est peut-être le plus important  : seuls des avocats bien établis dans les pays concernés et offrant les nécessaires garanties d’indépendance seront à même d’anticiper les problèmes qui pourront être rencontrés dans leur juridiction respective.

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