Bernard Sananès, président de l'institut CSA, invité de la Fondation Concorde le 18 mars, décrypte quelques tendances et rapports de force des élections municipales.
Une campagne atone
Le local prédomine, tant dans les débats que s’agissant des préoccupations. « On assiste à des débats de gestion plutôt qu’à des débats de transformation ». Il faut dire que la contrainte financière éloigne les grandes questions de fond. Reste que l’idée d’un vote sanction pour manifester son opposition à l’exécutif rassemble près de 16 % des électeurs. Pourtant, « on n’assiste pas à un effet de vases communicants entre la chute de confiance de François Hollande et la progression d'un désir de droite ».
Paradoxe de ce scrutin, celui de la figure du maire, qui échappe à la défiance généralisée. C’est même l’un des rares exemples politiques à inspirer la confiance (pour 60 % des électeurs). « D’autant que c’est sur son bilan que les électeurs vont voter. »

Un rapport de force a priori favorable à la gauche
Dans les neuf cents villes de plus de dix mille habitants, le rapport est davantage favorable à la gauche (53 %). Les dernières élections municipales de 2008 ont vu s’imposer un « socialisme urbain », plus présent que la droite sur les questions d’aménagement et d’urbanisme.

Des enjeux entre contrôle et expansion
Au parti socialiste, il s’agit avant tout de « limiter la casse et le vote sanction ». « Cela a d’ailleurs bien fonctionné jusque fin janvier 2014. » Depuis, dans certaines villes le scrutin apparaît « plus ouvert », comme à Strasbourg ou Caen. De son côté, l’UMP souhaite remporter, pour une fois, un scrutin intermédiaire et effacer le souvenir de 2008 – trente-neuf villes remportées par la gauche. Elle compte en tout cas sur son potentiel de mobilisation, supérieur à celui de la gauche.
Quant au Front national, son maillage territorial semble se reformer comme au temps de Bruno Mégret. « Mais on est loin des mille listes annoncées. Le parti pourrait remporter entre trois et cinq villes, comme Fréjus et Béziers. »

Zoom sur quelques villes
À Paris, si le premier tour apparaît serré, le second semble plutôt défavorable à Nathalie Kosciusko-Morizet, les arrondissements du 12e et du 14e ayant peu de chance de basculer. À Marseille, l’attitude du FN au second tour reste la grande inconnue. À Pau, François Bayrou conserve un léger avantage. À Béziers, Robert Ménard, candidat du parti de Marine Le Pen a de fortes chances de l’emporter. Reste le cas d’Angers, « dont François Mitterrand disait qu’il était le miroir du vote national » : si la ville ne bascule pas à droite, la France ne connaîtra pas de vague bleue.

Participation et abstention au cœur des analyses
Au dernier scrutin municipal, deux tiers des électeurs avaient voté. Cette année, « même si on assiste à une sur-déclaration du vote en général », le potentiel de mobilisation semble plus faible : 57 % des électeurs déclarent aller voter. « Et ça va baisser. » Les retraités et la droite sont les plus mobilisés. Quant à l’abstention – un tiers des électeurs en 2008 –, elle paraît favorable au premier tour à la droite. « Il y a peu de chances que les affaires de la droite démobilisent son électorat qui veut sa victoire depuis longtemps. C'est plutôt au second tour que cela va se jouer. »

Fracture territoriale
Le vote extrême et l’abstention, symboles du rejet de la politique, seront « accélérés dans les territoires post-industriels et agricoles, où le taux de chômage est fort ». Mais il est encore trop tôt pour parler de tripartisme. « Attendons les élections européennes et surtout le second tour de la présidentielle. Si le FN se retrouvait face à un candidat de gauche, c’est toute la question des législatives ensuite qui serait soulevée. »

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