Une extrême droite qui stagne par rapport à 2014, un centre pro-européen qui s’installe durablement dans la vie politique, une vague verte, des partis traditionnels en débandade... Voici avec un peu de recul l’analyse du scrutin du 26 mai dans l'Hexagone.

Avec un taux de participation à 50,12%, le scrutin européen du 26 mai a davantage attiré les foules qu’en 2014 (44,2%). Mais ce sursaut de mobilisation n’entraîne pas un bouleversement de la vie politique. Plutôt une poursuite des grandes tendances à l’œuvre depuis 2017. Avec des spécificités européennes, comme le bon score d’EELV. Voici un état des lieux des partis qui enverront des députés au Parlement européen.

RN : une première place en trompe-l’œil

Bien sûr, les troupes de Marine Le Pen peuvent jubiler. Avec un score estimé à 23,3%, le RN est le parti qui termine en tête du scrutin européen dans l’Hexagone. Il devance LREM qui avait fait de la première place une question d’honneur. Mais derrière cet apparent bon résultat, se cache une situation plus préoccupante qu’elle n’en a l’air pour l'extrême droite.

Lors des élections européennes en 2014, ce qui était alors le Front national avait rassemblé 24,9% des votants. En d’autres termes, le parti qui souhaite un jour accéder au pouvoir ne progresse pas, il régresse. Il semble avoir atteint son plafond de verre et se contente de slogans et de gesticulations pour séduire les mécontents. Leurs députés européens (champions de l’abstention et de la défection), éprouveront des difficultés à créer un groupe fort. Ce qui est pourtant l’objectif principal de Marine Le Pen. Leurs potentiels alliés autrichiens, allemands, néerlandais ou encore slovaques, sont à la peine lors de ces élections. Si une partie des médias, portée par le culte de l’instant, peut parler de « victoire », le terme « stagnation » est celui qui s’impose le plus. Le parti passe de 24 à 23 sièges.

LREM : vainqueur malgré tout

Emmanuel Macron s’était impliqué personnellement dans la campagne pour que son parti pro-européen devance le RN. Raté. Avec 22,4% des voix, LREM est sur la seconde marche du podium. La tentation est forte de parler de défaite. Jean-Luc Mélenchon a même utilisé, avec son sens de la mesure qui le caractérise, le terme « d’effondrement du pouvoir ».

Mais, en prenant de la hauteur, les choses ne sont pas forcément alarmantes pour la majorité. Le président garde son socle qui lui a permis de finir en tête lors du premier tour de la présidentielle. Le macronisme s’impose donc comme une force centrale dans la vie politique française. Tout en continuant à émietter LR et le PS qui poursuivent leur descente aux enfers. Ce qui, malgré tout, reste stratégiquement de bon augure pour les années à venir. Rappelons également que le parti d’un président de la République en exercice n’a terminé en tête que deux fois seulement lors des élections européennes.

"LREM est en situation de peser dans un groupe incontournable"

Enfin, les députés LREM seront une force centrale d’un futur parti libéral au Parlement européen qui jouerait le rôle de « faiseur de roi ».  Comme l’a déclaré la tête de liste Nathalie Loiseau : « Nous sommes en situation de peser dans un groupe incontournable. » Ce qui est une bonne chose pour la place de la France dans l’Union européenne. Ajoutons également que les marcheurs décrochent 23 sièges, autant que le RN.

EELV : habitué des bons résultats aux européennes

« Une vague verte. » Voilà comment la tête de liste d’EELV, Yannick Jadot, a qualifié le bon résultat des écologistes. Avec 13,5% des voix, le parti a déjoué les estimations. Celles-ci plaçaient le parti entre 7% et 9%. Il semble donc qu’EELV soit le grand gagnant d’une participation plus élevée que prévue.

Pour autant, si les verts font mieux qu’en 2014 (8,95%), ils sont en deçà de leur meilleur score qui reste le scrutin de 2009 où la liste, conduite par Daniel Cohn-Bendit, avait rassemblé 16,3% des suffrages. Le parti reste également loin des résultats obtenus lors des élections européennes de 2019 par les Grünen allemands (22%).

LR : Wauquiez acculé

Charles de Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Lorsqu’il fonde l’UDR (Union des démocrates pour la République) en 1967, son but est simple : créer un grand parti de droite qui rassemble tous les Français, quelle que soit leur classe sociale ou leur localisation. Le temps a passé. Désormais, LR, qui se proclame héritier du gaullisme, recueille 8,5% lors des élections européennes de 2019 et devient le quatrième parti de France. Un désaveu pour son président Laurent Wauquiez qui se targue de vouloir reconstruire une droite populaire.

Celle-ci ne l’est plus. Privée de centristes (qui votent pour LREM) désertée par la frange identitaire qui opte désormais pour le RN, LR est plus que jamais dans le flou et se retrouve cornerisé. Le parti ne semble s’adresser qu’à sa frange « bourgeoise et catholique ». Et se retrouve aussi mal en point que le PS. Un échec énorme pour la liste conduite par François-Xavier Bellamy qui était créditée de 13%. Laurent Wauquiez semble fragilisé et Valérie Pécresse a même déclaré qu'à sa place "elle démissionnerait". 

PS : sauvé par le gong

Le PS, parti historique de la vie politique française sera-t-il pour la première fois privé de députés européens ? La question s’est posée jusque dans la dernière ligne droite de la campagne. Finalement, le parti mené par Raphaël Glucksmann est crédité de 6,2%. Au coude à coude avec les insoumis. La mobilisation de socialistes historiques a pu peser. Le parti continue d’exister. Une petite victoire pour un parti qui joue tout simplement sa survie financière et politique.

Mais il réalise le pire score européen de son histoire. Et rassemble la même proportion d’électeurs que lors du calamiteux premier tour de la présidentielle. Le PS n’est pas mort (il envoie 6 députés), mais il reste toujours en soins intensifs et réduit à la portion congrue. Rien de nouveau du côté du parti à la rose donc.

LFI : les insoumis rentrent dans le rang

Sondages après sondages, les insoumis dirigés par la jeune tête de liste Manon Aubry étaient crédités de 8% en moyenne. Un score bas, jugé mensonger par Jean-Luc Mélenchon qui, avec sa mauvaise foi légendaire, avait tancé les instituts accusés de donner de mauvaises estimations. Il avait raison. Les sondages se sont trompés. Et le 26 mai au soir, les insoumis ne récoltent que 6,3% des voix. Qu’il est loin le temps des 19,58% au premier tour de l’élection présidentielle de 2017! Le parti qui souhaite rassembler la gauche a même un score plus faible que le Front de gauche en 2014 (6,61%). Mélenchon semble donc avoir perdu son pari malgré une mobilisation qui aurait pu servir son parti. Un accident industriel pour un mouvement qui avait appelé à voter LFI pour « un référendum anti-Macron ».

Lucas Jakubowicz

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