Discipline et responsabilité. C’est sous ces mots d’ordre que, lors de sa conférence de presse du 7 mai, Édouard Philippe a placé les modalités du déconfinement du 11 mai, en appelant chacun à maintenir un niveau de vigilance élevé et à faire preuve de prudence pour éviter que cette « étape » dans la lutte contre le virus ne débouche pas sur une recrudescence de ce dernier.

Cette fois, "nous y sommes", déclarait Édouard Philippe en préambule de sa conférence de presse qui, à trois jours du coup d’envoi officiel du déconfinement, devait annoncer les modalités de ce retour progressif et partiel à une forme de vie normale. Déconfinement décrit non pas comme une fin en soi mais, au contraire, comme une "nouvelle étape dans la lutte contre l’épidémie" qui, a répété le Premier ministre, devra s’inscrire dans un processus "très progressif" pour amener le pays au bon équilibre entre une "indispensable reprise de la vie normale » et le non moins « indispensable respect des précautions qui empêcheront l’épidémie de repartir et protégeront les Français". Faute de quoi, Jean Castex, le Monsieur Déconfinement du gouvernement s’est montré clair : nous nous acheminerons vers une seconde phase de confinement…

Une France scindée en deux

Pour éviter d’en arriver là, le Premier ministre compte sur l’efficacité de sa stratégie présentée le 28 avril dernier à l’Assemblée nationale et dont les modalités sont désormais arrêtées. "Bonne nouvelle, celle-ci concerne l’ensemble du territoire métropolitain", a-t-il déclaré avant de nuancer immédiatement le constat d’une "mauvaise nouvelle" : certains départements – Le Grand-Est, l’Ile-de-France, la Bourgogne et la Franche-Comté, en rouge sur la carte du déconfinement continuellement actualisée par le gouvernement – ne présentent pas les mêmes résultats que les autres dans la lutte contre l’épidémie. En cause : le virus y reste actif, et l’accueil dans les hôpitaux sous tension. Parmi ces "mauvais élèves", deux régions, notamment, posent problèmes : Mayotte et l’Ile-de-France. Le premier, parce que, même s’il ne compte qu’un nombre restreint de cas, voit ce nombre augmenter. Le second parce que, même si le nombre de cas diminue, celui-ci reste encore trop élevé. Face à ce constat, le gouvernement a tranché : ce sera un déconfinement retardé à Mayotte et un déconfinement sous haute surveillance en île-de-France… "En Ile-de-France on peut déconfiner, a expliqué le Édouard Philippe. Mais comme il reste du virus en circulation, que la région est très dense et les échanges nombreux, cela impose une discipline renforcée". Discipline qui, a-t-il insisté, passera, à compter du 11 mai, moins pas des obligations que des recommandations et par des appels répétés à la responsabilité de chacun.

En Ile-de-France, un déconfinement sous haute surveillance

Ainsi, si le gouvernement écarte définitivement la possibilité – un temps évoquée – d’un confinement prolongé à destination des personnes les plus vulnérables, le Premier ministre appelle celles-ci à une vigilance renforcée et insiste pour que, dans la mesure du possible, elles continuent à respecter les règles de distanciation sociale imposées ces deux derniers mois. Autre point clé du déconfinement sous haute surveillance prévu en Ile-de-France : les transports en commun dans lesquels seront imposées des "règles très strictes pour qu’ils ne se transforment pas en vecteurs de l’épidémie".

Pour cela, la ministre des transports, Elizabeth Borne, entend à la fois "augmenter l’offre" des transports en commun et "maîtriser la demande" en organisant la circulation de plus de métro, bus, RER et TER de manière à limiter au maximum le risque d’affluence aux heures de pointe, les employeurs étant, pour cela, appelés à continuer à privilégier le télétravail pour leurs salariés et, lorsque cela s’avère impossible, à avoir recours aux horaires décalés. Objectif : maintenir les règles de distanciation sociale et assurer la sécurité des usagers autant que du personnel. Comme prévu, le port d’un masque grand public sera obligatoire pour les usagers de plus 11 ans, faute de quoi ils s’exposeront à une amende de 135 euros.

Retour à l’école : "un impératif social"

Autre volet très attendu de l’intervention gouvernementale :  le déconfinement scolaire. Appelé à s’exprimer sur ce point, le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a confirmé qu’à compter du 11 mai l’école primaire réouvrira ses portes – selon des modalités qui restent encore à affiner toutefois – ainsi que, dès la semaine suivante, les collèges des départements verts, chaque fois "selon un protocole sanitaire stricte" et des aménagements locaux. Ainsi, pas question, a précisé le ministre, "d’accueillir tous les élèves en même temps". Certains niveaux de primaire et de maternelle seront prioritaires ainsi que les enfants de soignants, ceux dont les parents se trouvent "sans solution de garde" et ceux – estimés à 4 % des élèves – considérés comme étant en en cours de décrochage. Pour eux comme pour les autres, le déconfinement scolaire s’impose comme répondant "à un impératif social". Pour l’heure, a précisé le ministre, "entre 87 et 90 % des communes ont préparé un programme de reprise à partir du 11 mai". Résultat : 1 million d’élèves et 130 000 d’enseignants reprendront le chemin de l’école à partir de la semaine prochaine.

Une économie qui "doit" redémarrer  

Même amorce de retour à la normale annoncée dans les entreprises où Bruno Le Maire a évoqué la nécessité, après deux mois de confinement et la perte importante en croissance et en emplois générée, de relancer l’activité. "La situation économique est d’une gravité sans précédent dans notre histoire récente. Il faut redémarrer", a déclaré le ministre de l’économie et des finances qui a confirmé qu’à compter de la semaine prochaine, tous les commerces rouvriront "à l’exception des lieux de convivialité : café, bars, restaurants, etc" et que cela devrait avoir lieu "dans des conditions sanitaires pleinement assurées, la santé des salariés ne devant jamais être une variable d’ajustement". Pour cela, un protocole national de déconfinement a été élaboré auquel s’ajoutent pour l’heure 54 guides métiers validés par les ministères du travail et de la santé, 60 d’ici dimanche a promis le ministre. "Le 11 mai : 400 000 entreprises vont rouvrir, qui représentent 875 000 emplois, a-t-il déclaré. C’est la vie sociale et économique qui va pouvoir redémarrer". Les centres commerciaux de plus de 40 000 m2 pourront rouvrir "en accord avec le préfet", sauf en Ile-de-France. Concernant les secteurs qui "tournaient jusqu’alors au ralenti", comme le bâtiment et les travaux public, Bruno Le Maire espère une activité revenue à la normale pour début juin, et promet, par ailleurs, que l’État poursuivra son soutien aux entrepreneurs. "Nous maintenons le fond de solidarité pour tous les bénéficiaires jusqu’à la fin du mois de mai pour compléter," a-t-il déclaré avant d’ajouter que les charges sociales et patronales pour les mois de mars, avril et mai seront supprimées pour tous les secteurs ayant été contraints à la fermeture.

Nouvelle autorisation de déplacement, nouvelle attestation

Concernant le retour à une relative liberté de circulation, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, l’a assurée : celle-ci va être rétablie, "quel que soit le département à l’exception de Mayotte". Concrètement, il devient à nouveau possible de se déplacer mais les infractions aux règles continueront à être sanctionnées. À commencer par celle, très attendue à l’approche des vacances, des 100 kms. Impossible, en effet, de s’éloigner de plus de 100 kms de son lieu d’habitation si cela implique de sortir de son département de résidence. En revanche, les déplacements ayant lieu dans son département de résidence, sont autorisés "sans restriction". Dans tous les cas, une nouvelle attestation est dores et déjà disponible, à imprimer ou télécharger, selon les mêmes modalités que celle des deux derniers mois. Autres précisions d’importance, les plages, lacs et centres nautiques, restent fermés (sauf autorisation spéciale du préfet), ainsi que les salles de cinéma, de sport et de concert. Enfin, les rassemblements demeurent limités à dix personnes, un nouveau seuil devant être examiné début juin.

Personnes contaminées et "cas contacts"

Plus encore que les autres membres du gouvernement, le ministre de la santé, Olivier Véran, a insisté sur la responsabilité individuelle. "On peut enclencher une levée progressive du confinement mais on doit maintenir notre vigilance" a-t-il répété, en insistant sur la nécessité de maintenir les gestes barrière et de continuer à limiter les sorties. "Nous voulons à tout prix éviter une reprise de l’épidémie qui viendrait encore alourdir la situation des territoires les plus touchés" a-t-il déclaré avant de rappeler que "L’épidémie est évolutive, la vérité d’un jour peut ne pas être celle du lendemain."  Le Ministre est ensuite revenu en détail sur les capacités de dépistage – "aujourd’hui à la hauteur des besoins" et devant permettre aux territoires, dès la semaine prochaine, "de tester massivement" - ainsi que sur leurs modalités. Toute personne testée positif au virus fera l’objet d’une enquête pour identifier les "cas contacts" - les personnes qu’elle serait susceptible d’avoir contaminées – puis sera mise en isolement durant 8 à 10 jours. Quant à celles identifiées comme "cas contact", elles seront contactées par l’assurance maladie ou les autorités sanitaires et, en cas de "risque avéré", invitées à rester chez elles en isolement, puis testées après un délai de sept jours après le dernier contact avec la personne malade – "c’est le bon moment pour débusquer le virus, même en l’absence de symptômes" a rappelé le ministre -. Et même en cas de test négatif, leur isolement sera prolongé de sept jours, avant qu’un nouveau test ne vienne confirmer le diagnostic. Concernant le personnel soignant, le ministre a annoncé 100 millions de masques distribués aux soignants et personnes malades et fragiles sur cette semaine du 11 mai et des primes - de 1500 euros dans les 33 départements les plus touchées, de 1000 euros dans les autres – accordées à chaque membre du personnel des Ehpad.

Point d’étape

Pour Édouard Philippe, l’objectif du dispositif annoncé est clair. Il consiste à "faire en sorte que nous puissions vivre avec ce virus". Ce qui implique d’"apprendre à nous en protéger, car tant qu’on n’aura ni vaccin, ni traitement, ni immunité collective, la seule façon de vivre avec est de nous protéger". Pour cela, le Premier Ministre s’est montré ferme : le 11 mai sera le premier jour d’un redémarrage de notre vie sociale, certes, pour autant, "le déconfinement ne devra pas être le signe d’un relâchement de notre vigilance", a-t-il insisté avant de fixer un nouveau point d’étape à début juin. "Dans trois semaines, nous saurons si oui ou non nous avons réussi à contenir l’épidémie. Si les chiffres des entrées à l’hôpital et en réanimation restent bas, nous passerons à une nouvelle phase et élargirons les plages de libertés, a déclaré Edouard Philippe. Sinon, nous en tirerons les conséquences." Traduction, on renouera avec les règles de vie des deux derniers mois.  "Nous devons en permanence préserver l’équilibre entre sécurité sanitaire et reprise de notre vie, a insisté le Premier ministre. Cet équilibre ne peut être atteint que si nous nous faisons confiance les uns les autres". Et sur ce point, au moins, Édouard Philippe, s’est voulu rassurant en l’affirmant : lui, a confiance.  

Caroline Castets

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