En l’espace de quinze ans seulement, Tikehau Capital a réussi à s’imposer comme l’un des acteurs incontournables de la place financière parisienne. Fort de plus de 25 milliards d’euros d’actifs sous gestion, l’investisseur paneuropéen coté a fait le choix de virer fortement vers le private equity. Une stratégie sur laquelle le responsable de ces métiers, Emmanuel Laillier, nous fait le plaisir de revenir.

Décideurs. Emmanuel Laillier, vous êtes responsable du private equity chez Tikehau Capital depuis 2018. Quel a été votre parcours avant de rejoindre cette « success story » de la finance?

Emmanuel Laillier. Ingénieur de formation, j’ai commencé ma carrière dans la banque d’affaires, en M&A chez Nomura. À la fin de cette mission de deux ans, j’ai tout de suite intégré l’univers du private equity : d’abord au sein de Fonds Partenaires Gestion, le véhicule LBO-mid market de Lazard, connu sous le nom de LFPI aujourd’hui, puis chez EPF, un fonds de capital-développement sponsorisé par Natixis, qui a plus tard été racheté pour devenir Apax Développement. En 2011, je rallie les équipes d’Eurazeo PME pour aider les petites et moyennes entreprises françaises à se transformer en ETI implantées à l’international. Riche de cette expérience de sept ans, c’est en tant que directeur du private equity que je rejoins Tikehau Capital en 2018. C’est une maison que je connais bien. Je suis actionnaire et membre de son Comité d’investissement depuis 2004, à l’occasion d’un tour de table « Friends & Family ». J’ai ainsi bénéficié d’une position privilégiée pour observer cette belle croissance.

Tikehau Capital est présent dans plusieurs classes d’actifs. Quelle est la place du private equity au sein du groupe?

Tikehau Capital est présent dans le private equity quasiment depuis sa création puisque le premier investissement remonte à 2005. Encore aujourd’hui, en position de minoritaire actif, nous sommes animés par la volonté de devenir un actionnaire partenaire d’une équipe de management au service d’un projet de développement. Si nous apportons bien sûr des moyens financiers, il s’agit surtout de fournir des expertises sectorielles fortes, un réseau accélérateur d’opportunités et une capacité à accompagner la consolidation d’un marché donné.

Une troisième voie d’accélération est tracée par notre fonds œuvrant en faveur de la transition énergétique

Fin 2017-début 2018, Tikehau Capital décide de se renforcer encore davantage dans les métiers du private equity. Pour commencer, les programmes d’investissement en capital sont ouverts aux investisseurs tiers, et des véhicules dédiés sortent de terre. Tikehau Capital se détache alors du modèle exclusif de l’investissement sur fonds propres. Par ailleurs, la réussite du capital-développement en France a vocation à trouver un écho à l’étranger, sur la base de méthodes similaires : des bureaux sont alors créés en Italie, en Espagne et au Royaume Uni, avec le recrutement d’experts. Enfin, une troisième voie d’accélération est tracée par notre fonds œuvrant en faveur de la transition énergétique. 

Pourquoi avoir structuré ce fonds spécialisé dans l’accompagnement de la transition énergétique?

Nous sommes partis du constat suivant : ce nouveau segment, complexe et régulé, nécessitait des spécialistes. Et des besoins significatifs en equity et autres capitaux. Compte tenu de cette demande de financement, alignée sur des perspectives de retour intéressantes, avec la bénédiction de LPs de plus en plus concernés par ces thématiques, nous avons décidé de nous lancer avec un produit sur mesure. Les secteurs précisément impliqués sont ceux des énergies renouvelables, de la mobilité bas carbone (véhicules électriques, etc.), et de l’efficacité énergétique. Ce fonds, au 31 décembre 2019, comptait pas moins de 510 millions d’euros sous gestion, démontrant le fort engouement des investisseurs sur ces thématiques d’investissement. 

Un exemple d’investissement?

Notre fonds dédié à la transition énergétique a déjà pris une participation de 24 % du capital de GreenYellow, conjointement avec Bpifrance, pour un investissement de 150 millions d’euros. Cet expert de l’efficacité énergétique a démontré à Casino (son actionnaire majoritaire) qu’il pouvait lui faire gagner 30 % d’économies sur sa facture énergétique en positionnant des panneaux photovoltaïques sur le toit des enseignes de distribution, en installant des portes aux réfrigérateurs, et en changeant les ampoules par des LED. Évidemment, à l’échelle d’un grand distributeur cela représente des sommes considérables. C’est l’archétype de l’entreprise que nous souhaitons soutenir avec ce fonds : un acteur non seulement capable de délivrer des résultats financiers durables mais aussi de faire évoluer le mindset d’une industrie sur la question de l’emploi énergétique.

Quel est l’avenir de l’investissement sur fonds propres chez Tikehau Capital?

L’investissement sur notre bilan n’a plus vocation à se développer. La priorité est donnée à la gestion pour compte de tiers. Cela dit, Tikehau Capital, fidèle à sa philosophie d’investir aux côtés de ses clients, continuera à investir ses fonds propres dans les fundraising de nos différents véhicules. Cela nous permet de créer un alignement d’intérêt avec nos investisseurs et c’est pour nous la clé d’un succès durable. La société pourra aussi, sous certaines conditions, utiliser ses fonds propres à des fins de co-investissement.

Justement, quelle est votre politique en matière de co-investissement? 

Le co-investissement n’est pas un axe de développement majeur chez nous. Cependant, nous en faisons, notamment dans des régions où nous souhaitons densifier nos relations d’affaires avec certains partenaires. En tant que LP, vous ne confiez jamais votre argent à un GP dans l’unique but de déployer votre capital. L’objectif est toujours de nouer un partenariat qui va pouvoir se renforcer au fil des millésimes, des investissements et de la connaissance réciproque entre les équipes. Parfois, cette relation d’affaires peut gagner en importance à l’occasion d’une opportunité de co-investissement GP-LP. Le cas échéant, c’est une bonne chose, et il faut y aller. Mais faire du co-investissement « pour en faire » n’est pas dans notre ADN.

Propos recueillis par Firmin Sylla.

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024