Mutuelle d’épargne, de retraite et de prévoyance, la Carac sait tirer son épingle du jeu lorsqu’il s’agit de performer tout en restant prudente. L’année 2020, bien que tumultueuse, nous a prouvé qu’il était possible de continuer à générer du rendement. À condition de se positionner sur les secteurs porteurs de croissance. Estelle Kerenflec’h, responsable du private equity à la Carac, décrypte la stratégie financière et les tendances de demain sur le non coté.

DECIDEURS. Pouvez-vous nous présenter la Carac ? 

Estelle Kerenflec’h. La Carac, créée il y a près d’un siècle, était historiquement destinée aux anciens combattants. Puis, avec le temps, nous avons élargi notre cercle d’épargnants. Aujourd’hui, l’ensemble de nos offres s’adresse aux particuliers français, essentiellement sur des produits en assurance-vie et d’épargne de long terme. Au total, le groupe compte près de 400 collaborateurs, dont 170 personnes au sein de notre propre réseau commercial présent sur toute la France. L’équipe investissement dont je fais partie est composée de huit personnes avec une répartition qui s’organise schématiquement par classe d’actifs. Chaque expertise est gérée par un collaborateur qui y est dédié, exception faite pour le pôle immobilier qui regroupe deux personnes.  

Quelle est votre allocation globale ?  

Nous gérons un peu plus de 12 milliards d’euros d’actifs avec une allocation assez classique au regard de notre activité d’épargne. Ainsi, la majorité de nos actifs sous gestion est obligataire (environ 70 %, principalement en gestion directe) et les principales poches de diversification sont les actions et l’immobilier qui représentent chacune 10 % de nos actifs. Le non coté est limité à 2 %. Dans l’ensemble, nous avons 2 milliards d’euros de plus-value latente sur les 12 milliards gérés. Par ailleurs, notre portefeuille global est très diversifié. À ce jour, toutes classes d’actifs confondues, nous comptons 200 fonds dont la moitié en immobilier et non coté, avec une exposition très européenne, en relation avec des partenaires bien souvent de proximité.  

Quelle est votre stratégie en matière de private equity ?  

Notre allocation sur cette classe d’actifs est maintenue à un niveau relativement constant, en légère progression depuis trois ans. Nous essayons de diversifier nos investissements, par rapport aux fonds que nous avons déjà en portefeuille, mais aussi dans nos choix d’investissement dans chaque millésime. Nous déterminons une enveloppe d’engagement annuelle, dont la stratégie de déploiement est établie en fonction de nos convictions et des tendances que nous observons sur le marché. Concernant cette année, nous avons souhaité apporter au portefeuille une diversification internationale au-delà de l’Europe, en Amérique du Nord principalement. Ayant peu, voire pas d’expérience sur ce continent, nous avons collaboré avec des partenaires auprès d’une implantation locale bien connue de la Carac. De plus, en 2021, partis du constat que les valorisations étaient très élevées dans un environnement de crise pandémique et une instabilité conjoncturelle, nous n’avons pas privilégié les fonds généralistes de LBO des segments mid-cap/ upper mid-cap. Nous avons plutôt opté pour des fonds de plus petite taille, ayant des valorisations d’acquisition moins élevées et une vraie spécificité sectorielle.  

"Nous avons souhaité apporter au portefeuille une diversification internationale au-delà de l’Europe"

Au-delà des tendances relatives aux secteurs et géographies, nous cherchons à nous prémunir d’une bulle potentielle de marché en privilégiant les stratégies "défensives" et plus protectrices. Enfin, nous nous intéressons de près aux fonds avec un prisme "impact" qui répondent aux exigences de l’article 9 de la SFDR, tout en veillant à maintenir un niveau de performance. Plus globalement, nous ne nous positionnons généralement pas dès le premier closing mais préférons intervenir lorsqu’un portefeuille est déjà constitué afin d’avoir de la visibilité sur les actifs, nous permettant ainsi une analyse plus fine. Cela a également l’avantage de bénéficier d’un déploiement plus rapide et de diminuer notre "dry powder". En ce qui concerne nos secteurs de prédilection, nous disposons d’un portefeuille très orienté sur la tech et la santé. Nous regardons également le B2B et la cybersécurité, tendances phares d’aujourd’hui très prisées et génératrices de valorisations plus élevées. Bien que nous privilégiions les secteurs les plus résilients aujourd’hui et si possible avec un angle "impact", nous ne faisons aucune exclusion dans l’absolu, afin de ne pas nous couper d’équipes "successful" qui ont fait preuve de leur savoir-faire. 

"Le marché de la dette privée est relativement récent, avec une généralisation qui date d’à peine dix ans"

Et de dette privée ?   

Le marché de la dette privée est relativement récent, avec une généralisation qui date d’à peine dix ans. Cette classe d’actifs est considérée comme une diversification obligataire ayant une allocation bien distincte de celle de l’equity non coté. Au sein du programme annuel, nous sélectionnons quelques fonds de dette privée, avec des stratégies bien distinctes telles que la dette corporate unitranche, de situation spéciale, ou encore de la dette infrastructure junior. Notre leitmotiv est le couple "rendement/risque" que nous devons estimer bien positionné, ainsi que la grande rigueur des équipes. Ces stratégies présentent peu, voire pas d’ "upside", donc les mécanismes de protection doivent être robustes pour éviter les pertes. Par ailleurs les offres de fonds "impacts" commencent à se multiplier au sein de la classe d’actifs, principalement en dette senior corporate, mais aussi sur la dette infrastructure portant sur des actifs de "transition énergétique". 

Quel est le contexte favorable pour capitaliser sur le private equity ?  

Plusieurs facteurs entrent en jeu. Premièrement, pour maintenir une performance conforme aux attentes, il est plus prudent d’investir en continu, avec une certaine régularité, dans les vintages successifs, ce qui permet de lisser le risque d’aléas conjoncturels. Typiquement, les fonds en période d’investissement pendant la crise de la Covid, des vintages 2018-2019 principalement, auront une période d’investissement probablement plus longue avec un déploiement moins aisé en sortie de confinement en raison des prix d’acquisition encore plus élevés, ce qui pèsera probablement sur la performance. Par ailleurs, les fonds plus matures, en "milieu de vie", prévoient des durées de détention rallongées d'une voire deux années, ce qui impactera mécaniquement le TRI. 

" L’évolution récente des autres classes d’actifs favorise le positionnement du private equity chez les investisseurs"

Ensuite, il est important d’avoir le bon et juste niveau de diversification en termes de stratégies, mais aussi au niveau des segments, des secteurs d’activité ou encore des localisations. Enfin, l’évolution récente des autres classes d’actifs favorise le positionnement du private equity chez les investisseurs et favorise implicitement une augmentation de sa quote-part au sein de l’allocation d’actifs. Aujourd’hui, les taux bas rendent très compliqués les investissements des assureurs sur l’obligataire. Les marchés actions sont soumis à une forte volatilité. Ces contextes poussent les institutionnels à s’intéresser au non-coté car certes, même en tenant compte de la contrainte de l’illiquidité en comparaison avec le marché actions, la classe d’actifs a fait preuve d’une certaine résilience lors de la crise sanitaire, essentiellement à la sortie du premier confinement de 2020.  

D’après vous, quelles seront les tendances pour 2022 ? 

Je pense que les tendances de 2021 sur le capital-investissement vont se poursuivre en 2022, toujours avec autant d’appétit pour les entreprises B2B, tech et santé, malgré les niveaux de pricing élevés. Les niveaux de liquidités, avec un « dry powder » élevé laissent place à une concurrence qui ne cesse d’augmenter, ce qui maintient les prix à des niveaux historiquement élevés. Par ailleurs, un nouveau marché, celui du growth equity, est en très forte croissance en Europe. J’entends par ce terme, des start-up devenues matures, rentables ou proches de la rentabilité, ayant un fort besoin en capitaux pour leur développement commercial. Ce segment devrait continuer à prendre de l’ampleur en 2022.  

Propos recueillis par Marine Fleury

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