Le cabinet Simon Associés a réalisé, au cours de l’année écoulée, plusieurs opérations significatives, notamment en restructuring, dont les dossiers Office Dépôt et Allo Bébé. Emmanuel Drai, Sophie Nayrolles et Kristell Quelennec reviennent sur les forces de la structure qui ont permis de les faire aboutir.

Décideurs. Comment s’organise le cabinet Simon Associés et particulièrement sa practice restructuring ?

Emmanuel Drai. Notre cabinet regroupe près de 200 avocats à travers nos équipes directes et le Réseau Simon Avocats. Cela nous permet d’avoir une bonne connaissance de l’écosystème en région et d’être proche du terrain. Notre système de fonctionnement est unifié pour offrir à nos clients une qualité similaire partout en France. Au-delà de la France, notre réseau international regroupe plus de 10 000 avocats, notamment en Chine où nous avons des liens contractuels forts. Nous disposons ainsi d’une base considérable pour traiter des dossiers de toute nature, qu’ils soient français ou internationaux.

Sophie Nayrolles. Le cabinet a bien évolué depuis mon arrivée en 2004. Il y réside toujours une volonté d’entreprendre et, dès 2009, nous avons souhaité nous développer et aller plus loin en accompagnant nos clients en régions mais également à l’international. Cette présence nous permet de connaître les acteurs, le business, les spécificités locales et d’aller chercher les pépites régionales.

E. D. Concernant l’équipe restructuring, celle-ci compte 8 associés répartis sur le territoire français avec une équipe de collaborateurs dédiée. Il s’agit, en taille, de l’équipe la plus importante du marché. De plus notre équipe se démarque, en France, car nous sommes les seuls à avoir un associé en droit social, Hubert de Frémont, exclusivement dédié au restructuring et dont la pratique est orientée vers la recherche de solutions rapidement opérationnelles, ce qui est essentiel en restructuring où le temps est un actif primordial des dossiers.

Notre practice restructuring peut également s’appuyer sur les autres équipes du cabinet couvrant tous les domaines du droit – corporate, private equity, finance, distribution, immobilier, etc. – et permettant ainsi d’offrir un accompagnement full service à nos clients.

S.N. Sur le restructuring, nous avons une réelle complémentarité au sein de l’équipe. Par exemple, je traite davantage des dossiers judiciaires alors qu’Emmanuel intervient principalement en prévention. Nous apportons ainsi un accompagnement et des solutions aux difficultés de nos clients, à quelque stade qu’elles se situent. Nous privilégions des échanges hebdomadaires avec toute l’équipe restructuring – Paris et régions – pour évoquer nos dossiers en cours et nos axes de développement. Nos écrits dans les différentes lettres diffusées auprès de nos clients et sur les réseaux nous permettent d’assurer une pratique à jour de l’évolution du Droit des entreprises en difficulté.

Kristell Quelennec. Notre expertise est bien sûr juridique mais la nature de nos dossiers nous conduit à nous adapter à chaque situation rencontrée de façon pragmatique et à définir conjointement avec nos clients les axes de stratégie, le traitement approprié des aspects sociaux du dossier et les solutions adéquates pour mieux redresser l’entreprise. Dans le cadre de l’accompagnement d’un repreneur, nous avons une totale implication dans les projets auxquels nous croyons.

"Sur le restructuring, nous avons une réelle complémentarité au sein de l’équipe."

Vous avez récemment accompagné le repreneur d’Office Dépôt dans le cadre de son redressement judiciaire. Quelles ont été les difficultés dans ce dossier ?

E. D.  Pour faire basculer un dossier en faveur de nos clients, nous nous efforçons toujours de trouver le point névralgique et de peser dessus. Pour l’opération d’Office Dépôt, notre client était un outsider par rapport aux autres candidats déclarés. Nous avons repéré une faille. Office Dépôt avait placé des immeubles en fiducie en garantie d’un crédit obligataire de 9 millions d’euros. Les immeubles ont une valeur de 23 millions d’euros Ce montage entraînait deux conséquences : tout d’abord, ces actifs immobiliers étaient sortis du patrimoine d’Office Dépôt, aucune offre de reprise ne pouvait donc être formulée dessus, le tribunal n’ayant ainsi plus aucun pouvoir d’attribution sur ces actifs.  Ensuite, en cas de défaut et cession des actifs mis en garantie du fait d’un défaut de paiement de la dette obligataire, la liquidation devait percevoir – de droit – une soulte de 14 millions, soit la valeur des actifs moins la dette. Les offres concurrentes n’ont pas tenu compte de ces conséquences et ont proposé le rachat de ces actifs à prix décoté. Leur recevabilité juridique était donc contestable et elles étaient économiquement inaudibles pour les liquidateurs car elles privaient ainsi la liquidation de plusieurs millions d’euros par rapport au montant de la soulte devant lui revenir. Dans le cadre de l’amélioration des offres, nous avons donc bâti en quelques jours avec la banque Thémis – dont il faut saluer ici l’efficacité – une solution juridique et financière permettant à nos clients : d’offrir le rachat de 100 % de la dette obligataire, diminuant ainsi de 9 M€ le passif de la liquidation ; de verser à la liquidation la soulte due ; le tout dans des conditions économiquement favorables à nos clients dans la durée.

C’est ce point qui a été déterminant et a permis de l’emporter, outre le fait que notre client présentait les meilleures garanties de pérennité pour l’activité reprise.

S’agissant des aspects sociaux sur lesquels les médias se sont axés, le dossier était rendu compliqué par la négociation par le CSCE de catégories professionnelles ne permettant pas d’optimiser le nombre d’emplois repris. Rappelons qu’en droit les catégories professionnelles doivent normalement regrouper des fonctions permutables entre elles. Or, à titre d’exemple, dans le cas d’Office Dépôt, les responsables RH étaient dans la même catégorie que le DRH de sorte que si l’on souhaitait reprendre un responsable RH, l’application des critères d’ordre de licenciement pouvait conduire à ce que le DRH soit transféré. Or, un DRH qui se voit proposer un poste de RH – dont les responsabilités et le salaire sont différents de son poste de DRH – se retrouve en droit de refuser son transfert, ce qui impose son licenciement aux frais du repreneur et non de la procédure collective.

Nos clients souhaitaient reprendre 700 emplois, 460 directement liés au périmètre d’activité repris, 240 liés à des fonctions supports. Mais ces derniers n’étaient pas transférables du fait de la problématique que je viens de rappeler. Nous avons donc été contraints de structurer notre offre en proposant le transfert des 460 emplois, plus une bourse à l’emploi sur les autres fonctions proposant, dans le mois suivant le jugement, la conclusion de contrats de travail aux mêmes conditions d’ancienneté et de salaire que celles d’Office Dépôt. Dis autrement, il suffisait aux salariés souhaitant conserver leur poste aux mêmes conditions de répondre à la bourse à l’emploi, ce qui a permis de considérer que notre offre était socialement équivalente aux offres concurrentes bien que le sauvetage de l’emploi dépende ici de l’initiative individuelle des salariés concernés et non d’un transfert "imposé" de leur contrat de travail. La bourse à l’emploi demeure en place pour 2 ans.

Enfin, nous avons mis en place un dispositif de maîtrise de la communication avec l’agence VPSTRAT qui nous a permis d’éviter de nombreux dérapages.

La Cour d’appel de Douai saisie par les délégués UNSA, majoritaires au sein du CSCE, a validé le jugement du Tribunal de commerce de Lille, le Parquet validant les points qui précèdent et rappelant que "c’est le caractère sérieux de l’offre du groupe Alkor dans ses différentes composantes qui a été retenu par le tribunal dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation".

"Pour faire basculer un dossier en faveur de nos clients, nous nous efforçons toujours de trouver le point névralgique et de peser dessus."

Vous étiez également aux côtés de Allo Bébé lors de leur reprise par le groupe Lulilo. Quels ont été les clés du succès de cette opération ?

K. Q. Made in bébé, du groupe Lulilo, a pris le virage du digital il y a désormais seize ans et la crise du Covid ne les a pas impactés ; au contraire, ils ont doublé leur chiffre d’affaires car ils étaient prêts. Le choix de réaliser l’offre de reprise a été fait dans des délais très restreints et les repreneurs se sont entièrement investis dans le projet. Lorsque nos clients se lancent dans une telle démarche cela renforce notre croyance dans la réussite de l’opération.

S. N. Ce qui a fait la différence, c’est l’engagement du dirigeant, son travail et sa connaissance du marché. Il faut que les équipes soient investies et sachent de quoi elles parlent, qu’elles connaissent leur projet et puissent l’expliquer. Lors des premiers rendez-vous, en visio, avec le CSE pour échanger, les salariés de Made in Bébé étaient présents. Cette implication est un véritable facteur de réussite d’une opération de reprise.

K. Q. Les équipes étaient basées dans le Nord mais toute la procédure se déroulait à Marseille et notre client était à Rodez. Il s’agissait d’une situation complexe au départ pour présenter le projet. Ici, l’approche sociale a beaucoup pesé dans la réussite du projet. Les salariés de Allo Bébé vivaient une deuxième reprise en deux ans. Le projet de reprise mené par les dirigeants de Made in bébé ne pouvait négliger cet aspect.

La qualité du candidat Lulilo et les synergies identifiées par la reprise ont également été des facteurs déterminants. Sur un même marché concurrentiel, les deux sociétés n’en restaient pas moins complémentaires. Le groupe Lulilo offre des prestations premium, Allo Bébé étant davantage sur des produits d’entrée de gamme. Une très large majorité des fournisseurs étaient les mêmes, nos clients connaissaient parfaitement l’activité reprise et disposaient d’une réelle solidité financière pour assurer la continuité de l’activité reprise.

"Ce qui a fait la différence, c’est l’engagement du dirigeant, son travail et sa connaissance du marché."

Quelles sont les forces de Simon Associé dans la gestion de ce type de dossier ?

E. D. Nous nous efforçons d’être des "dealmakers". Notre rôle n’est pas d’exposer la règle de droit. Le droit n’est qu’un outil au service d’une solution : la définition de celle-ci vient toujours avant le droit.  Nous bâtissons donc cette solution avec le client pour répondre à ses besoins stratégiques et à ses contraintes opérationnelles de manière compatible avec le droit. Ensuite, nous déchargeons au maximum les clients du déroulé technique de la solution afin qu’ils puissent se concentrer sur le "day to day business", un travail à plein temps qui est le socle fondamental sans lequel aucune solution de pérennité ne peut se bâtir.

Même si nous assumons parfaitement les situations de conflits quand elles sont inéluctables, nous évitons toujours de créer ou d’alimenter des antagonismes inutiles. Une entreprise en difficulté a besoin de créer un maximum de consensus entre ses différentes parties prenantes qui sont déjà suffisamment inquiétées par la situation de difficulté de leur partenaire. 

K. Q. Nos clients souhaitent que l’on s’investisse sur des opérations comme celles-ci. Ils n’attendent pas seulement d’être accompagnés dans un cadre juridique sécurisé mais souhaitent que nous leur proposions les bons arbitrages, les bonnes solutions aux risques identifiés et mesurés. Ils attendent aussi de notre expertise que nous soyons en mesure de les challenger sur les faiblesses de leur projet.

S. N. La force du cabinet ce sont aussi les hommes et femmes qui le composent. La bonne entente, l’entraide et l’excellence de ses avocats sont autant de facteurs qui nous permettent d’accompagner au mieux nos clients. Nous aimons ce que nous faisons et sommes tous impliqués dans les dossiers, chacun est important et a son rôle à jouer dans leur réussite. Le travail en équipe est essentiel et fait partie d’une des grandes forces de ce cabinet.

E. D. Lorsqu’un client vient nous voir, il se retrouve face à un commando soudé ayant à sa disposition des moyens d’un corps d’armée.

"La force du cabinet ce sont aussi les hommes et femmes qui le composent."

Quels sont les futurs projets et axes de développement pour Simon Associés ?

E. D.  Nous souhaitons nous intéresser à des dossiers plus importants, de place et avons déjà commencé ce développement. Outre les dossiers avec Office Dépôt et Allo Bébé, nous avons également travaillé ces 18 derniers mois sur les dossiers Flunch et Altéo, et d’autres dossiers confidentiels de même importance. C’est une dynamique qui est vraie pour le restructuring mais qui l’est aussi, plus généralement, pour toutes les practices de Simon Associés.

S. N. De plus, nous développons les équipes en recrutant des associés, avec la même ADN que nous, dans certains secteurs de niche ou encore pour venir créer une complémentarité avec une activité déjà existante.

Propos recueillis par David Glaser

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