La députée LREM de l’Isère souhaite succéder au Vert Éric Piolle à la tête de la capitale des Alpes. Lucide sur la perte d’attractivité de la ville, elle propose un programme complet pour changer la donne.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle de Grenoble ?

Émilie Chalas : Un regard objectif et chiffré. Je ne veux pas verser dans le Grenoble bashing, mais les indicateurs économiques et sociaux sont mauvais. Le taux de chômage est de 15,6%, le taux de pauvreté de 19% avec un pic à 27% chez les moins de 30 ans. Ajoutons également qu’entre 2007 et 2017, l’emploi salarié privé a diminué de 1,2% dans la métropole grenobloise, alors que dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, il est en hausse de 3,5%. La délinquance, notamment les incivilités et le trafic de drogue ternissent l’image de la ville dont le solde migratoire est d’ailleurs négatif. Toutes ces données permettent de dresser un tableau préoccupant : alors que toutes les métropoles régionales se développent, la ville suit le chemin inverse. Malgré son potentiel, Grenoble décline. 

Cette situation n’est pas uniquement liée au mandat d’Éric Piolle, soyons honnêtes. Elle est le fruit de plusieurs mauvais choix effectués depuis trente ans. Citons par exemple le fait de ne pas avoir relié la ville au TGV ; une décision qui a entravé le dynamisme de toute la métropole qui, il y a quelques décennies était l’une des plus attractives de France.

Ce manque de dynamisme a également un impact sur le centre-ville. Le taux de vacance des commerces est le double des communes de plus de 100 000 habitants…

Les politiques menées par d’autres villes peuvent servir d’inspiration. Statistiquement, le commerce entraîne le commerce. Créer de nouveaux mètres carrés commerciaux à proximité du stade des Alpes et dans la maison du tourisme qui sera démolie est au programme, tout comme une politique d’accompagnement pour les nouveaux commerçants qui s’installent.

Grenoble est au cœur d’une zone touristique, mais le centre n’en tire pas de bénéfices pour le moment. Redynamiser la ville passe donc par une politique valorisant le tourisme. Plusieurs mesures peuvent être mises en place : connecter Grenoble à la station de ski de Chamrousse via un téléphérique, requalifier La Bastille, agrandir le musée… La relance du commerce et de l’économie passent aussi par un embellissement de la ville.

Pour cela, quels projets d’aménagements urbains souhaitez-vous mettre en place ?

Grenoble compte 14 m2 de pleine terre par habitants contre 48 m2 pour des villes de taille comparable. Je propose un réaménagement pour introduire de la verdure et de l’eau dans la ville. D’une part pour améliorer la qualité de vie, d’autre part pour lutter contre les canicules qui seront de plus en plus fréquentes. Faire de Grenoble une ville nature suppose par exemple de planter 50 000 arbres en six ans, d’installer des miroirs d’eau pour créer des îlots de fraîcheur. Ainsi, la place Vaucansson a vocation à être réaménagée. Pour le moment, c’est un parking avec un petit square. L’objectif est d’enterrer le parking et, en surface, de le remplacer par deux tiers de pelouse, un tiers d’eau. Ces travaux permettront de mieux vivre, d’attirer de nouveaux habitants, des commerces plus variés et qualitatifs.

Au-delà de l’économie, Grenoble perd peu à peu son dynamisme culturel. Des bibliothèques ferment, le nombre de représentations est en déclin… Pourquoi ? Comment renverser la tendance ?

La majorité municipale actuelle est la première à avoir réduit les dépenses en faveur de la culture. Deux bibliothèques de quartier ont effectivement fermé, le festival du cirque s’est déplacé à Voiron même si, cette année, élection municipale oblige, il a été rapatrié. Les musiciens du Louvre, orchestre de renommée internationale sont pénalisés et le chef d’orchestre est parti à Bordeaux. Une ville dynamique est une ville qui crée. Mon programme prévoit donc de relancer la création artistique en augmentant le budget consacré à la culture. Comme cela était le cas avant 2014. J’ambitionne également de relancer des événements qui pourront apporter plus de vie dans la ville : festival de danse, festival des musiques actuelles…

Grenoble est une ville encaissée et polluée. Quelles actions concrètes pourriez-vous mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’air ?

J’observe qu’après six ans de municipalité écologiste la qualité de l’air ne s’est pas améliorée. Il faut sortir de l’idéologie et agir de manière pragmatique. L’agglomération possède un bon réseau de transports en commun. Autour des lignes, notamment des terminus, il serait pertinent de construire des parkings relais. Ils seraient habillés, végétalisés et entourés de services utiles à la population (pressings, commerces…) afin d’en faire des lieux de vie et d’emploi.

"Après six ans de municipalité écologiste, la qualité de l'air ne s'est pas améliorée. Il est temps de sortir de l'idéologie".

Il est également nécessaire d’aménager les zones à faible émission et d’assouplir les règles pour permettre aux véhicules utilitaires de circuler plus facilement. Car, soyons clairs, il n’existe pas pour le moment de véhicules utilitaires propres et la ville ne doit pas voir son dynamisme économique encore plus entravé. L’impact sur la qualité de l’air serait faible ; rappelons que la principale source de pollution provient des cheminées à foyers ouverts.

L’insécurité à Grenoble est une réalité. Que proposez-vous pour la réduire ?

La lutte contre l’insécurité est une compétence qui relève en partie de l’État, mais la municipalité à elle aussi un rôle important à jouer. Il est primordial d’utiliser la vidéo-surveillance qui permet de retrouver plus vite les auteurs de délits. Je propose la création d’un centre de surveillance urbain (CSU) qui est également un outil au service de la smart city. Le centre permettra d’identifier les problèmes liés aux déchets, à l’éclairage et d’agir plus rapidement.

Je préconise également une réforme de la police municipale qui sera divisée en deux brigades : l’une chargée de patrouiller avec la gendarmerie, l’autre qui sera dans une action de proximité avec de l’îlotage par quartier. Enfin, il est primordial d’agir au niveau des petites incivilités, souvent commises par des mineurs. Pour cela, systématisons les travaux d’intérêt général ! Cela relève des compétences du maire.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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