La proposition de directive européenne du 22 novembre 2016 sur la prévention des difficultés et l’insolvabilité est toujours en discussion. Pourtant, de grands principes se dessinent et déjà les experts s’interrogent sur la compatibilité des exigences européennes avec le droit français.

Le champ d’application de la proposition de directive du 22 novembre 2016 sur le droit des faillites se précise. Visant notamment à créer un socle juridique commun à tous les États-membres en matière de prévention des difficultés, le texte ne révolutionnera pas le droit français. En effet, en déployant un large panel d’outils pour traiter très en amont les difficultés des entreprises, « l’Hexagone fait plutôt figure de bon élève », reconnaît Lionel Corre, secrétaire général du Ciri. Mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde financière accélérée (SFA) ou sauvegarde accélérée (SA), les nombreuses options proposées par le droit français doivent permettre aux dirigeants de répondre à leurs besoins et d’espérer redresser la barre rapidement et efficacement.

Ajustements à la marge

Après s’être penché sur l’adéquation du droit français avec la proposition de directive, le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) confirme que l’arsenal juridique français ne devrait pas être bouleversé si la directive venait à être adoptée en l’état. En effet, « en combinant le mandat ad hoc ou la conciliation avec la SA et la SFA, la France semble satisfaire aux conditions définies par le projet de directive », confirme Claire Favre, vice-présidente de l’Autorité de la concurrence et membre du HCJP. Pourtant, quelques ajustements sont annoncés. L’un des points d’achoppement concerne l’absence de classes de créanciers dans le droit national. Or, le projet de directive prévoit que lorsque la restructuration met en présence des créanciers ayant des intérêts divergents, ceux-ci doivent être traités dans des classes distinctes. Le législateur français sera donc amené à revoir sa copie. Reste à définir les modalités de constitution de ces classes pour lesquelles deux inspirations antagonistes sont envisageables : le modèle allemand ou celui du Chapter 11 américain.

« À 80 %, le modèle français deviendra l’étalon en Europe »

Inspiration franco-allemande 

 « Le grand avantage du modèle allemand, c’est sa simplicité et sa flexibilité, explique Reinhard Dammann, associé chez Clifford Chance et membre du groupe d’experts qui a conseillé la Commission européenne dans le cadre de la rédaction du projet de directive. Au-delà des trois classes de créanciers imposées (subordonnés, chirographaires et privilégiés), la loi autorise à créer dans chacune d’elles des sous-catégories ». Une excellente façon de conserver une certaine flexibilité tout en se conformant aux exigences européennes. Confrontée aux différentes traditions et cultures juridiques des États-membres, la Commission cherche à trouver un terrain d’entente acceptable pour tous afin d’harmoniser les procédures de restructuration préventive dans l’Union. Au regard de la proposition de directive, il semble qu’elle ait trouvé son inspiration en France et en Allemagne. « À 80 %, le modèle français deviendra l’étalon en Europe », prédit Reinhard Dammann. « L’un des atouts majeurs du droit français des faillites réside dans l’efficacité de ses procédures de prévention des difficultés », abonde Claire Favre. Or, plus les problèmes sont traités tôt, plus les chances de stabiliser la situation financière et de pérenniser la société sont élevées. « Et c’est précisément ce à quoi s’attache la Commission européenne : faire du maintien de l’emploi une priorité », rappelle la spécialiste.

Un pas vers l’union des marchés de capitaux

L’harmonisation européenne est également un enjeu d’attractivité du Vieux Continent pour les investisseurs étrangers. « Des droits épars et complexes peuvent nuire à l’attrait de la place », confirme Claire Favre. « Le but de la Commission est d’avancer sur la voie de l’union des marchés de capitaux et harmoniser les différents droits des faillites est un premier pas dans ce sens », explique Lionel Corre. Une analyse partagée par les experts du plan de travail pour l’union des marchés de capitaux qui rappellent que l’une des conditions pour faciliter la diversification des sources de financement des entreprises européennes est la convergence des droits des faillites en Europe. La proposition de directive tombe donc à pic. Il faudra néanmoins encore attendre les derniers arbitrages de la Commission puis l’adoption du texte et enfin sa transposition pour qu’il entre en vigueur. L’harmonisation n’est pas pour demain.

Sybille Vié

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