L’association Parrainer la croissance a une mission : refonder notre société en s’appuyant sur les entrepreneurs et leurs entreprises. Sa méthode ? Combattre l’autocensure et oser l’international. Confidences sans concession de Denis Jacquet.

Décideurs. Pouvez-vous expliquer le concept de Parrainer la croissance ?

 

Denis Jacquet. Nous avons trop de petites sociétés et pas assez de champions. Je souhaite donner à la France des champions, des super-héros qui communiquent aux autres l'obsession de ce qui est grand, rapide et mondial. Comme en Israël par exemple. Nous devons éduquer les pouvoirs publics, qui veulent trop s'en mêler sans rien y comprendre. Éduquer les entrepreneurs que les multiples seuils et vexations, législations et instabilité législative ont pu persuader que grossir était synonyme de soucis supplémentaires. Éduquer les acteurs au risque face à la rente, citoyens inclus. Et rassembler, largement, notamment les générations, les grands et les petits, le public et le privé, afin de concentrer nos petits muscles pour en faire un corps d'athlète, compact et figé sur la réussite.

  

Décideurs. Comment intégrez-vous le capital-investissement à votre démarche ? 

 

Notre capital-risque est ridicule. S’il est dans la moyenne européenne, cela reste à pleurer. 1,8 milliard d’euros l'année passée. C’est gentil mais totalement hors sujet. Il est trente-cinq fois plus important à population égale aux USA, en Chine ou en Israël. Pour réussir l'entrepreneuriat, il faut miser gros et beaucoup. Nous avons des investisseurs assez moutonniers et conservateurs, avec des valorisations trop faibles et une incapacité à faire un véritable amorçage, ce par quoi tout démarre. Là où un Américain trouve 1,5 million, le Français peine à trouver 150 000. Pour le même projet. Les investisseurs ne sont pas les seuls à blâmer. Ils sont le produit d'une culture. Quelle politique pour les aider à faire mieux a-t-elle été déployée depuis vingt ans ? Aucune. L'assurance-vie reste l'alpha et l'oméga de la France des rentiers frileux. Nous essayons donc de trouver des investisseurs éclairés, qui dépassent les conventions et les lieux communs, et d'ouvrir aux nouvelles formes de financement également.

 

Calquer l'Allemagne n'a pas de sens

Décideurs. Le cadre réglementaire est-il suffisant pour aider les entreprises à se transformer ?

 

Rien n'existe pour inciter une entreprise à grossir en France. Peu en Europe. En dehors de la culture nationale des uns et des autres, en Italie, en Allemagne, au Royaume Uni...

 

Décideurs. Accompagnez-vous les entreprises à l'international ?

 

Ce fut la raison de la création de Parrainer la croissance, et c'est en filigrane la raison de la création de l'Observatoire de l'ubérisation. Le digital contient en lui-même une fibre universelle qui pourrait être l'occasion pour nos Français de (re)trouver une âme internationale. Nous les emmenons où l'innovation est nichée (Israël, USA, Corée, Japon) puis dans les pays où elle se vend. En tant que chef de file des Assises de l'entrepreneuriat, en charge de l'international, j'avais aussi lancé la première délégation vers le CES de Las Vegas, devenue depuis, un succès incroyable dont je suis fier.

 

Décideurs. Est-il possible de créer en France un écosystème tel que le Mittelstadt Allemand ?

 

Non. Pas tel quel. L'organisation d'un pays est liée à son histoire et à sa culture. Elle ne se réplique pas avec une feuille de calque. Comme la greffe d'un organe il faut un corps, un sang, une biochimie compatibles. Calquer l'Allemagne n'a pas de sens. Pas plus que l'Italie ou les USA ou Israël. Chaque organisation est le fruit d'un ancien et long processus. En revanche, adapter certains mécanismes et chercher par un chemin différent une efficacité identique est possible.

 

Propos recueillis par Pierre Bouchoux-Vedel

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