Par Stève Félix, associé. Lambert & Associés
Les entrepreneurs doivent sans cesse s’adapter au marché et lancer de nouvelles marques, de nouveaux logos, designs ou slogans qui capteront l’attention du consommateur et sont désormais sensibles à l’intérêt des dépôts de marques et modèles qui permettent de se ménager un avantage concurrentiel par le monopole légal qui en découle. Mais détiennent-ils vraiment tous les droits sur le signe déposé ?

Le non initié aura tendance à croire qu’une fois sa marque déposée, et a fortiori enregistrée, il bénéficie de tous les droits sur le signe concerné, comme si l’enregistrement purgeait le signe déposé de toute autre problématique. Cet optimisme doit cependant être tempéré face à l’omniprésence du droit d’auteur dans toutes les formes de la création et des difficultés qui en découlent. Ne pas anticiper aura des conséquences sévères.

La création de la marque, l’émergence d’un droit d’auteur

Rappelons dans un premier temps que le dépôt de marque ne protège pas contre les droits antérieurs, et parmi ceux-là, les marques, dénominations sociales, noms de domaine actifs identiques et similaires déjà enregistrés et susceptibles de générer un risque de confusion. Si les droits des tiers et des concurrents sont la partie visible de l’iceberg, les risques immergés ne doivent pas être mésestimés. En effet, le style, l’originalité et l’univers d’une marque sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur, ce qui signifie que le designer et auteur du signé déposé, pour autant qu’il démontrera l’avoir marquée de l’empreinte de sa personnalité et d’une certaine originalité, pourra revendiquer un droit sur la marque enregistrée ! Le champ de protection du droit d’auteur français est extrêmement étendu et protecteur en ce qu’il couvre toutes les œuvres de l’esprit ce qui inclut notamment les logos, textes, dessins, chartes graphiques, photographies, slogans, packaging… En effet, l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protège les droits des auteurs sur «?toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination?» et ce, dès leur création et sans aucun formalisme particulier (Art. L. 111-1 du CPI).
La définition est si large que la plupart du matériel utilisé par une entreprise pour commercialiser ses produits et services et communiquer sont susceptibles de tomber sous la protection du régime du droit d’auteur. Or, dès la création du signe/logo qui fera l’objet du dépôt de marque, son auteur jouira d’un droit exclusif sur l’«?œuvre?» et ce, qu’il s’agisse d’un salarié de la société déposante, d’un freelance ou d’une agence de communication.
Ce droit comporte des attributs d’ordre patrimonial et d’ordre moral qui, s’ils ne sont pas cédés et/ou aménagés (le droit moral reste inaliénable), pourront limiter sévèrement l’exploitation de l’œuvre devenue marque. L’auteur du logo pourrait ainsi interdire toute modification future de son travail voire purement et simplement toute reproduction et représentation de son logo si la cession de ses droits au profit de la société n’a pas été anticipée.

De l’importance de mettre en place une politique de cession de droits
On comprend dès lors l’importance de se ménager la titularité des droits sur l’œuvre/le logo déposé et exploité pour rester libre de poursuivre son exploitation et plus simplement, avoir la possibilité d’adapter son matériel aux évolutions du marché en le modifiant. Attention toutefois car la refonte totale d’un élément figuratif (logo) peut relever du droit moral de l’auteur qui lui, est incessible. Il convient, par conséquent, de contractualiser précisément la possibilité d’adapter et de modifier l’œuvre cédée afin de conserver une importante marge de manœuvre.
La mise en place d’une politique de cession de droits aura également pour intérêt de permettre d’obtenir certaines garanties qui ne sont pas automatiques et notamment la garantie que l’œuvre est bien une œuvre originale qui n’aura pas été inspirée d’une œuvre préexistante ou que le cédant est bien le seul et unique auteur de l’œuvre…
En toutes circonstances, et même s’il existe une présomption de titularité des droits au profit de celui qui divulgue l’œuvre, la recherche d’une sécurité juridique imposera la rédaction d’une clause de cession de droits précise et complète afin d’éviter toute contestation. Heureusement, lorsqu’il s’agit de traiter des relations entre professionnels de la communication et annonceurs, les tribunaux ont déjà pu considérer que la cession des droits se déduit de la commune intention des parties, permettant ainsi aux annonceurs de poursuivre l’usage de leurs slogans, photographies ou autre logos même en l’absence de cession formelle.
Bien évidemment, cette solution ne s’applique pas à toutes les situations et l’employeur, par exemple, ne pourra pas bénéficier de cette présomption de cession.

Le régime des œuvres des salariés
Si récupérer les droits des créations provenant de l’extérieur va de soi (bien que trop rarement formalisé correctement), organiser la cession des droits des auteurs salariés de sa propre société ne vient pas immédiatement à l’esprit. Or la question de la titularité des droits doit être posée le plus tôt possible pour s’assurer une exploitation paisible de ses droits.
Au-delà de la clause de cession de droits classique (qu’il conviendra de faire signer régulièrement à ses auteurs salariés pour y inclure les œuvres réalisées jusqu’alors et ainsi contourner l’interdiction de principe de la cession des œuvres futures), l’employeur pourrait se placer sous le régime de l’œuvre collective qui lui permettra de revendiquer, dès l’origine, l’ensemble des droits attachés à l’œuvre.
L’œuvre collective est définie comme celle «?créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui en assure la diffusion et qui rassemble les contributions de plusieurs auteurs qui se fondent dans l’ensemble. Ainsi, les contributions personnelles de chacun de ces auteurs ne sont pas identifiables et la propriété de l’œuvre bénéficie par conséquent exclusivement à la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée?» (art. L.?l13-5 CPI).
Il ressort de ce qui précède que la problématique des droits d’auteur dans la gestion de ses portefeuilles de droits doit être prise au sérieux. Et ce n’est pas Nike qui dira le contraire après la plainte déposée par M.?Jacobus Rentmeester visant à obtenir le retrait de l’ensemble des produits marqués du logo Air Jordan «?Jumpman?» (chiffre d’affaires de trois milliards en 2014). M.?Rentmeester est l’auteur de la célèbre photographie de Michael Jordan planant dans les airs qui a «?inspiré?» le logo au moment de sa création… en 1985.

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