Même dans les secteurs contraints par une forte réglementation, les métiers du recrutement évoluent à grande vitesse. David Mercier, CEO du cabinet Strammer, mise sur une pluralité d’expertises et un réseau à l’échelle EMEA pour accompagner industriels de santé, biotechs et fabricants de dispositifs médicaux. Il nous livre son analyse des nouveaux besoins de sa clientèle et les réponses qu’il y apporte.

Décideurs. Quelles sont les prestations que le cabinet Strammer propose à ses clients aujourd’hui ? 

David Mercier. Le recrutement représente 60 % de notre activité, exclusivement dans le secteur de la santé. Le coaching et la formation des membres du comité de direction compte pour 30 %, et le conseil stratégique 10 %. Cette dernière activité se développe à grande vitesse pour tous nos clients, petits et grands, et se fonde sur la conception de plans marketing ou sur l’utilisation optimale d’outils novateurs tels que Salesforce. Nos experts ont des années d’expérience sur ses sujets et peuvent accompagner nos clients vers un développement accéléré de leurs activités. Par ailleurs, Strammer réfléchit à la digitalisation accrue des recrutements pour gagner du temps et de la qualité. Le filtrage des compétences est aujourd’hui possible, notamment à travers les réseaux sociaux, or il est encore compliqué d’évaluer le véritable leadership d’un individu sans le rencontrer. Nos innovations en cours de développement pourraient bientôt résoudre ce problème.

Quels acteurs composent votre clientèle ?

Nous travaillons pour trois grands types d’acteur sur le marché de la santé : les industriels de la pharmaceutique, les biotechs et les fabricants de dispositifs médicaux. Dans le monde, 52 000 sociétés sont actives sur ces marchés et nous avons beaucoup à faire pour accompagner leurs différents projets de développement. La gestion équilibrée des ressources humaines et la conduite du changement sont essentielles pour la croissance de ces entités. Plus tard, nous pourrons peut-être travailler pour les clients de nos clients, c’est-à-dire les établissements de soins. Constituer un écosystème pertinent semble s’inscrire dans la logique attendue par les acteurs de la santé.

Quelles tendances de fond émergent dans l’univers professionnel des pharmaciens que vous accompagnez ?

Face aux difficultés des officines, notamment en zones rurales, les pharmaciens s’orientent de plus en plus vers l’industrie. De véritables carrières s’ouvrent à ces experts scientifiques dans cet univers en mouvement. Les plus entrepreneurs développent de nouvelles molécules ou de nouveaux concepts en lançant leurs biotechs, alors que d’autres se concentrent sur l’amélioration des activités réglementaires des big pharma. Au-delà de ces premières observations, la distribution des médicaments va bientôt connaître une révolution. Pour le retrait de médicaments OTC, les pharmacies robotisées vont certainement voir le jour d’ici peu et les officines pourraient disparaître au profit de la vente de médicaments en ligne. Dans le même ordre d’idées, les Gafa seront bientôt nos clients. Ils s’impliquent de plus en plus dans la vie de leurs clients, jusqu’à vouloir leur vendre des solutions de santé connectée et du matériel médical. Cela s’inscrit dans le sens de l’histoire.

« Avec notre multitude de clients, nous disposons d’une vision précise des meilleures pratiques du marché »

Comment les industriels se réorganisent-ils en interne, alors que leurs activités de sous-traitance progressent en R&D ?

Les grands laboratoires ne développent presque plus de projets de R&D en interne. Ils laissent désormais cette activité aux start-up et aux biotechs. Certaines sociétés comme Medtronic ou J&J investissent dans des pépinières afin de mieux repérer les nouveaux produits susceptibles de compléter leur offre. Bien souvent, ces collaborations s’achèvent avec un rachat de la jeune pépite par le grand acteur déjà en place. Notre vrai rôle dans ce cadre est d’accompagner les biotechs et start-up d’un point de vue humain. En plus de la pertinence stratégique du projet et des capacités financières, il est essentiel pour ces sociétés de pouvoir s’appuyer sur d’excellentes compétences en interne afin de développer leurs affaires. Le staffing du conseil d’administration est ainsi décisif pour rassembler des profils complémentaires. Depuis 10 ans, nous investissons aussi directement dans certaines start-up avec Angel Santé, avant de les aider à se développer. En se concentrant sur ces jeunes sociétés, nous montrons aux industriels plus établis que nous accompagnons leurs futures cibles d’acquisitions. Il y a enfin un rôle social à jouer pour les cabinets de conseils RH comme Strammer. Lorsque de formidables concepts sont développés, nos interventions en matière de marketing et de distribution aident les projets encore fragiles à grandir, et la société dans son ensemble pourra en bénéficier.

En matière de production et de développement marketing, quels sont les nouveaux besoins de vos clients ?

L’optimisation de la production passe aussi souvent par la sous-traitance mais la politique du zéro défaut, indispensable au sein de cet univers très régulé, limite les prises de risques dans ce domaine. Les nouveaux enjeux concernent davantage la commercialisation des produits. La nouvelle volonté des industriels est de s’adresser directement à leurs clients, à ceux qui vont être soignés. De nouveaux métiers se créent dans ce contexte, notamment autour des problématiques de digitalisation. Le marketing, surfant sur les nouvelles possibilités offertes par le numérique, doit se réinventer. Les opérations classiques où les laboratoires s’adressent aux médecins ne sont pas l’avenir de ce métier. Les industriels s’interrogent désormais sur les meilleures manières de toucher une population de masse. Le patient développe un pouvoir d’influence, voire un pouvoir décisionnaire, concernant le traitement qu’il va utiliser. Beaucoup de métiers éclosent, et si le nombre de commerciaux diminue, celui des experts en marketing et en digital progressent à grande vitesse.

Comment êtes-vous organisés pour accompagner vos clients sur ces différents aspects ?

Nous intervenons sur plusieurs facettes : le coaching individuel, le staffing, et les plans stratégiques et marketing à même d’accélérer la croissance des biotechs et start-up du secteur. L’une des spécificités de Strammer est de disposer de plusieurs expertises en interne pour répondre à ces besoins bien identifiés. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui vont s’occuper de la réorganisation de la R&D ou du coaching personnel. La spécialisation de nos consultants est source d’excellence.

En matière de talent acquisition, quelle plus-value offrez-vous aux directions des ressources humaines, tentées parfois d’internaliser ces activités ?

Nous avons remarqué cette mode de l’internalisation des activités de talent acquisition. Pourquoi ? Ce phénomène est lié aux réseaux sociaux professionnels, comme Linkedin. L’accès au candidat semble plus facilité que jamais. Si le candidat est si disponible, pourquoi faire appel aux services d’un cabinet extérieur ? Il faut l’avouer, si une société veut faire du copier-coller et filtrer par métier les utilisateurs de ces réseaux avant de rentrer en contact avec eux, alors l’internalisation est une bonne idée. Toutefois, lorsque certains groupes en ont marre de la « consanguinité » des candidats qu’ils rencontrent, cela peut se compliquer. Au-delà de l’examen des profils présents chez des concurrents directs, nous sommes en mesure d’aller chercher de nouveaux profils dans des secteurs connexes. Nous nous concentrons sur les compétences et nous conseillons sur la stratégie d’approche des candidats. Plutôt que de se concentrer sur un expert du diabète, nous pouvons chercher des experts de la gestion de grands comptes ou du market access, n’ayant pas nécessairement de longue expérience dans le secteur de la santé. Un professionnel de l’industrie du jouet, habitué à négocier avec de grandes centrales d’achat, peut ainsi se révéler être le meilleur candidat pour le poste. L’audace et l’expertise des experts de Strammer peuvent faire la différence. Au contraire, en interne, les directions des ressources humaines se montrent plus frileuses au moment de proposer ce type de profil. Avec notre multitude de clients, nous disposons d’une vision précise des meilleures pratiques du marché. Nous sommes ainsi complémentaires avec nos clients.

« La confiance des candidats envers Strammer peut servir aux jeunes marques sans notoriété »

Comment accompagnez-vous les sociétés aux projets ambitieux, mais qui souffrent de leur manque de notoriété pour attirer les meilleurs candidats ?

Si le branding de nos clients n’est pas connu, nous intervenons pour vendre le projet auprès des candidats pertinents. La confiance des candidats envers Strammer peut servir aux jeunes marques sans notoriété. Comme les grands noms du secteur, ces sociétés vont devoir attirer de nouvelles compétences et de nouveaux profils, notamment parmi les Millenials. Comment faire ? Dans l’univers de la santé, 7,1 millions d’emplois vont être détruits et autant seront créés mais avec d’autres compétences attendues. Il est essentiel d’étudier les goûts en matière d’organisation et de management des jeunes diplômés pour les attirer plus facilement. Nous éduquons nos clients dans ce sens pour qu’ils ne passent pas à côté des compétences nécessaires à leur développement futur.

Comment soignez-vous vos relations avec les candidats du marché et comment vous assurez-vous de la mise à jour de vos bases de données ?

Le candidat est traité chez Strammer comme un client, et nous sommes en permanence à son service. Nouer de nombreuses relations de partenariats, dans le même univers, cela s’inscrit dans notre intérêt direct afin de couvrir au mieux notre écosystème. Nous suivons certains candidats depuis dix, quinze, voire vingt ans et ils nous font confiance pour les accompagner dans les grandes évolutions de leurs carrières. Notre démarche, qui ne se conçoit pas sans valeurs d’éthique, de diversité et de non-discrimination, séduit. Le respect des différentes facettes du candidat est très important à nos yeux. Notre valeur ajoutée repose sur notre fichier de 250 000 candidats qualifiés. Responsable de 700 missions de recrutement chaque année, Strammer renforce son attractivité et reçoit toujours plus de CV.

Vous menez de nombreux projets de coaching et des programmes de leadership pour vos clients. Comment ces sessions fonctionnent-elles et quels résultats vos clients peuvent-ils en espérer ?

Les sociétés prennent conscience qu’elles évoluent dans un univers en pleine mutation. Il est désormais impossible de rester statique ou de ne pas chercher à faire évoluer ses compétences. Notre parti pris est d’accompagner les meilleurs managers et cadres pour les faire monter en puissance. Ces profils qui connaissent déjà le succès méritent d’être bien conseillés pour continuer de franchir les échelons. Les équipes en sous-performance ne rassemblent pas les compétences pertinentes, et le coaching ne sera pas la solution adéquate… Lorsque nous intervenons auprès d’une équipe de direction, nous les faisons réfléchir sur un objectif. En construisant des programmes ad hoc, nous leur proposons d’interagir pour résoudre un problème concret et inédit pour eux, afin de leur soumettre par la suite des suggestions comportementales et de juger leurs évolutions dans la durée. Le débrief est l’occasion de réappliquer la mise en situation originale, par exemple dans un cockpit d’avion, à l’univers business. La progression collective passe souvent par des ajustements individuels et nous sommes là pour identifier les besoins en la matière d’un groupe de professionnels déjà talentueux.

Strammer possède un réseau de dix bureaux répartis dans toute l’Europe. La mobilité des professionnels en science de la vie peut-elle se développer à l’échelle continentale ?

Nous sommes effectivement implantés dans toute l’Europe. Ce positionnement répond à un objectif précis : l’accompagnement de nos clients qui adoptent des logiques de marché à l’échelle EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique). Pour renforcer notre emprise régionale, nous allons d’ailleurs ouvrir un bureau à Dubaï fin 2018. La France n’est qu’une brique dans cet ensemble. Sur notre marché du recrutement et du talent acquisition, il est vital d’être en mesure d’agir au-delà de nos frontières d’origine. La mobilité professionnelle de nos candidats apparait alors comme une conséquence heureuse, mais elle n’est pas à l’origine de notre déploiement multinational.

Propos recueillis par Thomas Bastin (@ThBastin)

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