Entre opérations de croissance externe structurante, poursuite de la digitalisation et optimisation des financements, David Bourg est sur tous les fronts. Nommé directeur général finance et administration du groupe JCDecaux en 2014, il revient sur ses missions et ses objectifs et détaille la façon dont il imagine son métier à moyen terme.

Décideurs. Quel est le périmètre de votre direction financière ?

David Bourg. Mon périmètre est assez étendu puisqu’il englobe l’ensemble de fonctions supports de back-office, à savoir les services financiers corporate dont la production et le contrôle de l’information financière, les relations avec les investisseurs et la communication financière, le M&A, la fiscalité, le juridique, le développement durable et les systèmes d’information. Nous avons opté pour un périmètre assez large des prérogatives de la direction financière du groupe afin de privilégier l’intégration, la coordination et la cohérence des fonctions supports au service des opérationnels.

Cette architecture a-t-elle beaucoup évolué au cours des dernières années ?

La DAF s’est progressivement enrichie au fil des années et c’est tout naturellement que les systèmes d’information et la direction juridique ont rejoint le reste des fonctions plus « classiques » de la direction financière il y a une dizaine d’année. Son périmètre n’a pas fondamentalement évolué depuis ma prise de fonction et, aujourd’hui, au niveau corporate, elle regroupe environ 240 collaborateurs dont 150 à la DSI auxquelles s’ajoutent 150 prestataires informatiques externes.

« La conformité est devenue un enjeu central qui réclame des compétences : financières, juridiques, fiscales, RH, data, etc. »

Quels sont vos principaux défis à ce poste ?

J’ai pris ce poste dans une période de fort développement à l’international pour notre groupe, d’accélération de la consolidation de notre secteur et de la transformation digitale de nos métiers, de cycles économiques de plus en plus courts et de prolifération des normes et réglementations de plus en plus complexes. Dans un tel environnement, en constante évolution, il fallait impérativement veiller à toujours nous adapter et à gagner en réactivité. Les chantiers menés à bien pour y parvenir sont nombreux et de nature très diverse allant de la digitalisation de nos outils et de nos processus à la gestion en mode agile et transversal des opérations de M&A en passant par le renforcement de notre conformité légale et réglementaire.

Justement, quelles sont les principales réalisations que vous avez menées depuis quatre ans ?

L’un des premiers chantiers a consisté à faire évoluer notre processus budgétaire. Jusqu’alors, il était entièrement établi entre septembre et novembre pour l’exercice à venir. Aujourd’hui, nous avons fait le choix de le scinder en deux sessions. La première, toujours à la même période, consiste à établir un budget préliminaire qui est dorénavant réactualisé à la fin du premier trimestre de l’année en cours pour tenir compte des principaux événements qui se sont produits entre novembre et le début de l’année, période bien souvent déterminante dans notre secteur pour bien appréhender le reste de l’année. Nos prévisions budgétaires sont ensuite ajustées mensuellement aux réalités du terrain afin d’optimiser le suivi des performances financières du groupe. Nous avons également intégré dans ce processus la mise en place de BBZ ciblés par fonction et/ou par géographie (« Budget Base Zéro ») permettant de réduire notre base de coûts et d’améliorer notre compétitivité. Au-delà de cet exemple particulier, l’objectif in fine est de parvenir à la meilleure allocation possible de nos ressources sachant que nous devons en permanence démontrer la pertinence de nos arbitrages entre, d’un côté, les investissements indispensables pour assurer l’évolution et la transformation de notre business et, de l’autre côté, des attentes en matière de performances financières et de retour sur investissements toujours plus exigeantes.

« Le M&A constitue un axe majeur de croissance du groupe. La DAF est un maillon essentiel dans la mise en œuvre de cette stratégie »

Avez-vous d’autres exemples de réalisations ?

Dans une période d’investissements significatifs tant en croissance externe qu’en croissance organique, nous nous sommes également attachés à optimiser nos financements. Nous avons ainsi renégocié nos lignes de crédit pour les étendre et élargir leurs montants tout en désintermédiant et en diversifiant nos sources de financement pour aligner la maturité de notre dette par rapport à nos flux de trésorerie. Nous avons réduit ainsi notre coût de financement de plus de 2 % à moins de 1 % à date.

Vous évoquez la conformité à la réglementation comme une mission centrale…

Effectivement! L’inflation des nouvelles réglementations, qu’il s’agisse de la loi Sapin, du devoir de vigilance ou du RGPD – essentiel pour un groupe comme le nôtre dans lequel la data est au cœur de la transformation de notre média –, est une préoccupation constante et nous invite à être particulièrement vigilant pour toujours s’y conformer. Les normes comptables nous occupent aussi beaucoup, à l’image de la norme IFRS 16 relative à nos loyers et redevances, avec notamment la constitution d’une base de données de plus de 20 000 contrats, dont l’application est prévue au 1er janvier 2019 et sur laquelle nous travaillons depuis plus d’un an. La conformité est donc devenue un enjeu central ces dernières années qui réclame de pouvoir réquisitionner de nombreuses compétences : financières, juridiques, fiscales, RH, data, etc.

L’évolution du business passe notamment par la digitalisation de la fonction finance. Où en êtes-vous en la matière ?

Bien entendu, le véritable challenge de la fonction finance étant d’assurer et de faire converger ses fonctions régaliennes (production de l’information financière, contrôle financier, trésorerie et financement, fiscalité…) avec les enjeux de transformation de l’entreprise (nouveaux usages, nouvelles méthodes de ventes, digitalisation, dématérialisation…etc). Pour ce faire, il est primordial de recourir aux nouvelles technologies et à des solutions IT innovantes pour digitaliser et automatiser nos processus financiers et administratifs. Nous avons ainsi accelérer la transformation de nos systèmes d’information (SI) avec notamment l’enrichissement de notre plateforme financière et logistique sur SAP/HANA en cours de déploiement dans plus de vingt pays, de notre plateforme Digital Management System pour accompagner nos opérations digitales sur plus de 20 000 écrans dans cinquante pays et de nos outils liés aux nouvelles méthodes de vente reposant sur les données d’audience et la programmatique. Nous avons également renforcé nos infrastructures IT avec un « cloud by design » massivement étendu en 2018 au profit de la plupart de nos filiales permettant ainsi de réduire significativement les coûts et d’apporter flexibilité et performance aux logiciels que nous utilisons.

« Dans une période d’investissements significatifs tant en croissance externe qu’organique, nous nous sommes attachés à optimiser nos financements »

Le groupe vient de boucler sa plus grande acquisition depuis 2001 en achetant l’australien APN Outdoor pour 714 M€. Quel fut votre rôle dans une telle opération ?

Le M&A et le développement à l’international constituent des axes majeurs de croissance du groupe. La direction financière est un maillon essentiel dans la mise en œuvre de cette stratégie. Dans le cas de l’acquisition d’APN Outdoor, il s’agissait d’une OPA amicale qui a abouti à une forte concentration du secteur puisqu’à l’issue de la transaction, plus de 80 % des parts de marché étaient détenues par  deux acteurs, dont JCDecaux. Dans ce contexte, nous avons dû gérer de front les problématiques juridiques, notamment en matière d’antitrust, mais également tout le volet financier de l’opération : valorisation, élaboration du business plan, identification des synergies escomptées, gestion de la couverture de change entre la date de la remise de l’offre et la levée des conditions suspensives intervenue des mois plus tard… le closing de la transaction et l’intégration dans nos processus financiers, juridiques, administratifs et informatiques.

Comment imaginez-vous votre métier dans cinq ou dix ans ? 

Le CFO continuera toujours d’assurer ses fonctions régaliennes. En revanche, la façon dont il s’en acquittera va évoluer au gré de la digitalisation et de l’automatisation de certaines tâches qui en découlent. Tous les métiers de la DAF vont peu à peu se concentrer sur les missions à forte valeur ajoutée. Ainsi, les contrôleurs financiers vont se muer en financial data analysts en se concentrant davantage sur l’analyse des données, notamment prédictives, que sur les reportings de données historiques. Dans ce contexte, les grands défis qui nous attendent concernent à mon avis la gestion des talents – essentiels pour accompagner la transformation des entreprises –, la capacité à anticiper les évolutions et les besoins du business et la recherche d’une allocation des ressources toujours plus optimisée.

Propos recueillis par Sybille Vié

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