Avec la crise du covid-19, les entreprises doivent faire face tant à la paralysie des chaînes de production qu’aux fermetures obligatoires des lieux recevant du public non indispensables et au confinement de la population. Elles se retournent ainsi vers leur assurance dans l’espoir obtenir l’indemnisation des pertes financières subies.

Si une garantie de perte d’exploitation a été souscrite par une entreprise, elle ne "sera classiquement mise en œuvre qu’à supposer qu’il y ait en amont un dommage matériel garant par le contrat d’assurance, ce qui, par hypothèse n’est pas le cas", nous explique l’associé d’un grand cabinet d’avocats spécialisé en droit des assurances. "Il n’y a pas de sujet là-dessus, les points de discussion pouvant le cas échéant et au cas par cas concerner certaines extensions n’imposant pas les conditions du dommage matériel", précise-t-il. Dans le cadre du risque sanitaire, les assureurs sont donc formels : les garanties de perte d’exploitation ne pourront donc pas jouer, étant purement contractuelles et leurs conditions d’application et leurs exclusions étant fixées directement dans le contrat. Et il n’est pas rare d’y retrouver le risque épidémique dans la liste des événements non couverts. En effet, par définition, une pandémie affecte tout le monde en même temps, peu importe le secteur d’activité, et a un impact significatif sur l’activité économique globale. En effet, le risque pandémique est "par nature inassurable puisqu’il n’y a plus d’aléa", comme l’explique dans nos colonnes Brigitte Bouquot, présidente de l’Amrae. Et Florence Lustman, présidente de la FFA, complète sur RTL : "Si tout le monde a un sinistre au même moment, la mutualisation ne fonctionne pas." C’est l’une des raisons pour lesquelles la pandémie est généralement exclue des contrats d’assurance couvrants les pertes d’exploitation sans dommages. 

Un manque de données statistiques, une mutualisation impossible

Par ailleurs, "l’assurance fonctionne sur deux piliers fondamentaux, explique Olivier Moustacakis, cofondateur d’Assurland.com. Dans un premier temps, les assureurs ont besoin de statistiques pour pouvoir évaluer le risque, sa fréquence de survenance et modéliser un tarif. Ensuite, tous les assurés paient une cotisation pour indemniser l’un d’entre eux lorsqu’il subira un sinistre : c’est le principe de la mutualisation." Or, les compagnies n’ont quasiment aucune donnée sur le risque pandémique, qui est heureusement peu fréquent même si son ampleur effraie, et ne peuvent donc pas chiffrer son coût, contrairement aux catastrophes naturelles qu’elles maîtrisent maintenant très bien.

Au vu des multiples pressions exercées par le pouvoir, les assureurs craignent cependant que le gouvernement leur demande d’assurer les pertes d’exploitation sans dommage liées à la pandémie de Covid-19. Mais selon Jean-Luc Granier, PDG de Generali France, leur prise en charge représenterait un coût de 50 milliards d’euros, ce qui représente "l’équivalent de la somme des fonds propres de l’ensemble des assureurs dommages [en France]" révèle-t-il au micro de BFM Business le 2 avril 2020. Cette prise en charge par les assureurs semble donc impossible, à moins de créer un régime particulier pour les catastrophes sanitaires.

Margaux Savarit-Cornali

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