L’année 2020 restera dans les annales comme celle de la première crise sanitaire mondiale. Pour les cabinets d’avocats, c’est aussi l’accélération de la digitalisation du lien entre l’avocat et son client. Mais également l’année de nouveaux grands changements en matière de lutte contre l’évasion fiscale sur les plans national et européen. Entretien avec Me Amandine Allix-Cieutat, Lara Despicht, Nicolas Billotte et Marc Vaslin, du cabinet Vaslin Associés.

Quel bilan dressez-vous de votre année ?

Il y a beaucoup à dire sur cette année totalement inédite pour tous, qui va laisser de nombreuses marques.

Pour notre cabinet, l’année a commencé de façon très positive, marquée par la cooptation de deux nouveaux associés : Lara Despicht au sein de l’équipe patrimoine et Nicolas Billotte chargé de notre équipe fiscalité des sociétés.

Le mois de janvier a été très dynamique.  Nous avons signé plusieurs mandats de cession d’entreprises et de structurations de patrimoines importants afin de préparer la transmission à la génération suivante.

Malgré les inquiétudes que nous avons eues au début du confinement et la reprise moins rapide qu’escomptée au second trimestre, l’activité est fortement repartie en septembre et nous laisse présager une excellente fin d’année. Je pense que l’on s’est tous fait à l’idée que la situation sanitaire va durer encore un certain temps et que par résilience, les affaires courantes ont repris. Malheureusement, une bonne part des dossiers de cession d’entreprise qui étaient en pourparlers avant la crise du Covid a été reportée sine die et ceux qui sont toujours en cours suivent un calendrier plus long qu’initialement prévu. Nos missions de gouvernance sont aussi fortement ralenties, faute de pouvoir réunir la famille autrement que par visio.

La façon de travailler a bien entendu significativement évolué, la plupart des réunions physiques se déroulant maintenant en visioconférence ou au téléphone. Si cette nouvelle façon de faire  apporte un certain confort de travail (gain de temps en raison de moindres déplacements, souplesse et confort d’organisation pour nos équipes), elle ralentit le développement de nouveaux clients car la distanciation ne permet pas de rencontrer les prospects avec la même qualité qu’un rendez-vous en personne. Toutefois, les acteurs étant tous frappés de la même façon, nous serons rapidement  habitués à utiliser plus couramment ces modes de communication.

"Une bonne part des dossiers de cession d’entreprise qui étaient en pourparlers avant la crise du Covid a été reportée sine die" 

La matière pénale-fiscale s'est considérablement développée ces dernières années, notamment avec la suppression du verrou de Bercy. Quel bilan dressez-vous de cette réforme ?

En effet, l’environnement a beaucoup évolué de façon assez préoccupante. Nous pouvons évidemment faire un rapprochement avec un durcissement considérable des textes anti-abus et de la transposition de la directive européenne en matière d’abus de droit qui a donné naissance aux articles 205 A et L 64 A du CGI. Le "motif fiscal principal" a finalement réussi à apparaître dans le corpus législatif et crée beaucoup d’incertitudes et d’insécurité juridique pour les contribuables et leurs conseils. Les opérations réalisées ont toujours des motifs à la fois fiscaux et non fiscaux. Pour autant, il est très difficile de réaliser une mesure quantitative comparative du poids des objectifs fiscaux et non fiscaux. Les premiers sont par définition aisés à mesurer car il suffit de comparer le montant de l’impôt effectivement acquitté et celui qui aurait été dû si l’opération n’avait pas été faite. En revanche, comment comparer à cela, la valeur des avantages juridiques et patrimoniaux obtenus (organisation de la gouvernance, regroupement d’actifs au sein d’une entité unique, éviter la création d’une indivision…). Les commentaires de l’administration sont pour le moins parcimonieux et par définition, nous ne savons pas encore comment l’administration fera application de ces textes in concreto. Il faudra du temps avant de disposer d’une jurisprudence permettant de dégager des règles de lecture.  Pour l’heure, il nous est malheureusement impossible d’apporter des garanties à nos clients quant aux opérations envisagées.

Bien que le texte du "mini abus de droit" ne prévoit pas de majoration, on voit mal comment celles-ci ne seraient pas exigées puisque le dispositif suppose "une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs", laquelle sous-entend une intention délibérée. Avec la levée du verrou de Bercy et de potentielles sanctions pénales tant à l’encontre du contribuable que de son conseil, force est de constater que notre métier est devenu particulièrement risqué. Une grande vigilance doit être portée à notre devoir de conseil !  Nous allons certainement assister à un recours plus régulier aux rescrits, lesquels pour être à la fois compatibles avec la vie des affaires et utiles, devront néanmoins être traités plus rapidement qu’à l’accoutumée et avec une relative bienveillance et objectivité de la part de l’administration. La relation de confiance étant dans l’air du temps, nous verrons ce qu’il en est.

"La directive DAC 6 est une source de grande complexité et d’incertitude" 

Quel jugement portez-vous sur l’entrée en vigueur de la directive DAC 6 ?

Voilà encore une source de grande complexité et d’incertitude. Le texte de la directive et son application sont extraordinairement complexes. Cette directive pose par ailleurs une réelle difficulté pour notre profession au regard du secret professionnel auquel nous sommes tenus.

En matière patrimoniale par exemple, le marqueur de catégorie B.2 visant les opérations ayant pour effet de convertir un revenu en capital ou en une autre catégorie de revenus moins ou pas taxés, vise  de nombreux schémas patrimoniaux usuels. Là encore, la mesure du caractère principal de l’effet fiscal soulève des questions. Peuvent entrer dans ce champ les opérations de donation-cession par exemple. Comment peut-on être certain qu’une donation transfrontalière avant cession sera bien analysée comme principalement motivée par un souci de transmission du patrimoine plutôt que fiscal ? En France, les amandes plafonnées par année civile à 100000 euros par contribuable ne sont pas négligeables. Dans d’autres pays, les sanctions financières peuvent s’accompagner de poursuites pénales. Ce texte visant par définition des situations transfrontières, il convient de tenir compte de l’application qu’en fera chaque État concerné.

On peut également légitimement s’interroger sur l’utilisation qui pourrait être faite d’une telle déclaration dans le cadre d’un contentieux. Si le marqueur, comme celui précédemment cité, compte parmi ceux qui nécessitent la présence d’un motif principalement fiscal, l’administration y verrait-elle un aveu pour les besoins de l’application des dispositifs de l’article L 64 A ou 205 A du CGI ?

Le cabinet dispose de plusieurs bureaux à l'étranger, notamment à Londres. La mise en œuvre du Brexit a-t-elle un impact sur votre activité ? Les retours d’expatriés français se multiplient-ils ?

Oui, avec le Brexit nous avons eu de nombreuses demandes en relation avec des retours en France. Il s’agit essentiellement de cadres de l’industrie bancaire et de managers de fonds d’investissement qui sont rentrés ou rentrent prendre de nouvelles fonctions en France. Nous avons également des entrepreneurs établis au Royaume-Uni qui souhaitent créer une structure en France afin de continuer à librement commercer au sein de l’Union européenne. Cela concerne moins les contribuables fortunés qui gèrent leur propre patrimoine et investissements, pour qui le Brexit n’a finalement, pour le moment, que peu d’impact.

"Nous souhaitons poursuivre et renforcer notre accompagnement des entrepreneurs dans leurs opérations de croissance ainsi que lors de la cession de l’entreprise"

Sur quels axes de développement comptez-vous capitaliser pour les prochaines années ?

Nous souhaitons poursuivre et renforcer notre accompagnement des entrepreneurs dans leurs opérations de croissance ainsi que lors de la cession de l’entreprise. La nomination de Nicolas Billotte à la tête de notre équipe fiscalité des sociétés s’inscrit directement dans cette ligne. Les intérêts professionnels et privés pour cette typologie de clients sont si étroitement mêlés que l’on ne peut traiter efficacement l’un sans l’autre. Chacune de ces matières constitue également une porte d’entrée pour l’autre.

Nous avons dans ce cadre développé des partenariats informels avec quelques cabinets indépendants qui sont spécialisés en M&A afin d’accompagner nos clients respectifs avec une offre globale et parfaitement intégrée, couvrant les aspects corporate, M&A et fiscaux, adaptée selon la taille du dossier ou son contexte.

Lara Despicht et Nicolas Billotte ont développé une offre d’accompagnement des dirigeants, artistes, sportifs et talents indépendants quant à la définition de leur rémunération qui connaît un bel accueil et sur lequel le cabinet va capitaliser. L’idée est de les assister à la fois sur leur "package" et leur structuration professionnelle, mais également sur leurs problématiques patrimoniales dans leur ensemble.

Nous développons notre offre en matière de gouvernance familiale que nous appliquons, au-delà des entreprises familiales, également aux familles disposant d’un patrimoine non centré autour d’une entreprise.

Enfin, bien évidemment nous allons poursuivre nos activités en matière de contentieux fiscal !

Amandine Allix-Cieutat, Lara Despicht, Nicolas Billotte et Marc Vaslin, Cabinet d'Avocats Vaslin Associés

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