INFLUENCEUR. Après avoir lutté toute sa vie en faveur d’un développement véritablement durable, Corinne Lepage s’inscrit aujourd’hui comme une référence en matière d’écologie. Portrait d’une militante libre, pragmatique et pionnière du droit de l’environnement en France.

Ce qui fait la force de cette écologiste de la première heure ? Sa liberté, son indépendance et sa lucidité. Dès le début des années 1970, alors que la protection de l’environnement n’intéresse ni la sphère économique ni l’univers politique, l’avocate en est convaincue : l’écologie sera le grand sujet du XXIe siècle. À l’initiative de l’un des premiers cabinets dédiés au droit public, Corinne Lepage s’inscrit au fur et à mesure de sa carrière comme la référence en matière de protection de l’environnement, jusqu’à devenir la bête noire des lobbies automobiles et nucléaires. « Nous sommes passés en quelques années de la simple nuisance locale à un enjeu sanitaire mondial et irréversible », alerte l’experte engagée en politique depuis les années 1980.

Porter des idées

« Le but n’était pas forcément d’être élue, mais de porter des idées », raconte celle qui a toujours milité en faveur d’une écologie pragmatique, résolument ancrée dans le réel. Devenue adjointe au maire de Cabourg, elle est choisie par Alain Juppé pour prendre la tête du ministère de l’Environnement en 1995. « Il s’agissait à l’époque d’un petit portefeuille ministériel, se souvient l’avocate. Rien à voir avec aujourd’hui. » 

Dès le début des années 1970,  l’avocate en est convaincue : l’écologie sera le grand sujet du XXIe siècle. 

Un an après son arrivée au gouvernement, Corinne Lepage fait voter la première loi sur l’air. Un texte visant à prévenir et lutter contre la pollution atmosphérique —  prévoyant notamment la possibilité d’instaurer une circulation alternée dans certaines agglomérations en cas de pic de pollution —, qui mettra plus de vingt ans à être appliqué. En cause : le manque de « détermination » de son successeur Dominique Voynet, et la pression des lobbies automobiles, « qui ne veulent pas entendre parler de protection de l’air ». Pas question pour autant d’y voir un échec. « C’est simplement une grande perte de temps », estime celle qui, consciente des limites de l’action gouvernementale, depuis 1996, multiplie les « fronts d’action » au sein de la société civile.

« Changer nos priorités »

Présidente du Criigren (comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique), du parti politique Cap 21 ou encore du think tank « 2 degrees investing »… Corinne Lepage travaille, bouscule, interpelle, jusqu’à plaider en faveur d’un « new deal écologique » en 2006. En l’espace de 15 ans, elle aura porté au total près de 500 propositions économiques en faveur de la protection de l’environnement.

Corinne Lepage travaille, bouscule, interpelle, jusqu’à plaider en faveur d’un « new deal écologique » en 2006

Son souhait pour l’avenir ? Que nous arrivions collectivement à « changer nos priorités » et à « compter autrement »« Il faut arrêter de calculer la croissance en fonction du PNB », estime cette ancienne proche de François Bayrou, qui a très vite apporté son soutien à Emmanuel Macron. Et si elle reconnaît à son ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, les qualités d’un « homme sincère et authentique », elle craint que son champ d’action soit limité. « Il ne s’engage que sur du long terme, or nous avons besoin d’actions immédiates », alerte-t-elle. Fière des combats remportés, mais consciente qu’il reste encore beaucoup à faire pour un développement véritablement durable, l’avocate s’emploie dorénavant à « passer le relais ». Humble et optimiste, Corinne Lepage le sait : elle n’a plus rien à prouver, mais tout à transmettre. 

 

@CapucineCoquand

 

Sa plus grande fierté ? Lorsqu’en 1996, alors ministre de l’Écologie, elle refuse de signer le décret d’autorisation de redémarrage du réacteur nucléaire de Creys-Malville en raison d’irrégularités juridiques. « J’ai tenu bon » se souvient celle qui ne craint ni les critiques ni les attaques. 

Déclaration universelle des droits de l’humanité - Charte pilotée par Corinne Lepage en 2015 qui comprend quatre grands principes : la responsabilité, la dignité, l’équité intergénérationnelle et la continuité de l’espèce humaine et qui a vocation à être signée à la fois par les États et par les entreprises. 

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