TRIBUNE. Ce jeudi 21 octobre, une commission mixte paritaire se réunira autour du projet de loi Confiance dans la justice, porté par le garde des Sceaux. Au cœur des débats : la protection de la relation avocat/client puisqu’il est envisagé de permettre la saisie de consultations en cas de corruption, de fraude fiscale ou de blanchiment. Une mesure néfaste pour l’attractivité de la France et notre État de droit.

Par Thomas Baudesson, avocat associé, Clifford Chance

Un patient ne se confie pleinement à son médecin que s'il a la certitude d’une confidentialité des échanges. Il en va en matière juridique comme en matière médicale : pour permettre à l'avocat de délivrer le meilleur conseil, ses clients doivent pouvoir se confier à lui sans craindre que les avis reçus soient un jour utilisés contre eux. Ce principe de bon sens est pourtant aujourd’hui menacé par la potentielle suppression de la confidentialité des consultations d’avocats.

La raison ? Permettre aux enquêteurs de caractériser l’élément moral de l’infraction pour ceux qui s'aviseraient de ne pas suivre à la lettre le conseil de leur avocat ! Face à cette mesure, il est permis de se demander si l'activité de conseil doit être protégée sans réserve au même titre que l'activité de défense.

Protéger un confident nécessaire

L’avocat, comme le prêtre ou le médecin, en tant que confident nécessaire, se voit protégé par un secret professionnel d'ordre public. Cela signifie non seulement que l'avocat est tenu au silence, mais aussi que la confidence que lui fait son client et le conseil qu'il prodigue ne pourront être appréhendés par les tiers. Et pour cause : les entreprises, comme les particuliers, évoluent dans un environnement juridique complexe dans lequel l'avocat a une fonction sociale d'intérêt public car il aide ses clients à agir dans le respect de la loi. C'est tout l'enjeu de la compliance.

Cette protection du conseil est donc vertueuse. Mais, désormais, comment une entreprise qui doute de ses pratiques, ou souhaite les améliorer, osera-t-elle consulter un professionnel de la conformité si elle doit craindre que ses échanges soient un jour appréhendés ?  Les grandes démocraties reconnaissent depuis longtemps à tout justiciable un droit opposable aux tiers de ne pas connaître du conseil qu'ils ont sollicité comme de celui qui leur a été donné par un professionnel du droit. C'est le legal privilege dans les pays de common law et le secret professionnel opposable dans les pays civilistes.

Éviter un déclassement juridique et économique

La protection du conseil juridique est l'un des fondements de la démocratie, et la France ne doit pas rentrer dans la catégorie des pays dans lesquels on n'ose plus demander par écrit conseil à un avocat. Il est illusoire de penser que permettre la saisie d'avis juridiques non suivis aidera les enquêteurs. Les entreprises ne solliciteront plus d'avis ou les avis seront formulés oralement. Le texte proposé envisage également d'autoriser la saisie de consultations d'avocats pour les opposer à leurs clients. Une telle évolution constitue une atteinte grave à l'État de droit et rabaisserait la France au rang des régimes totalitaires qu'elle dénonce à juste titre. À ce déclassement juridique risquent de s'ajouter des conséquences négatives sur l'attractivité internationale de la France.

Dans un contexte de compétition économique où les pays mettent en avant les atouts de leurs systèmes de droit respectifs, priver les entreprises françaises de la possibilité d'opposer aux enquêteurs le secret dont elles disposeraient dans de nombreux pays (États-Unis, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse, etc.), c'est rendre notre pays moins attractif économiquement. Avec, à la clé, un risque de transfert de sièges sociaux, d’organes de décision ou de directions juridiques dans des pays plus respectueux du droit.  Le texte proposé ne peut donc qu'accélérer la perte de l'influence française. Si la France veut demeurer dans le groupe des grandes nations, il est urgent de retirer l'amendement apporté par le Sénat à l'article 3 du projet de loi voté par l'Assemblée Nationale. Et d’organiser un "Grenelle du secret professionnel" qui réunirait les meilleurs spécialistes français et étrangers, pour replacer ainsi le citoyen au centre du jeu. 

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