La fonction consistant à s’assurer du respect par l’entreprise des réglementations sectorielles, de concurrence, de protection des données personnelles, antifraude, anticorruption… a pris une ampleur inédite en France. Dans la course à la conformité, chaque société a construit son propre modèle. Existe-t-il une organisation plus efficace qu’une autre ?

Le responsable de la conformité doit-il être rattaché à la direction générale ? Pour le moment, ce n’est généralement pas le cas. La dernière cartographie des directions juridiques, publiée par le Cercle Montesquieu et le cabinet de conseil Lexqi, montre que les responsables de la compliance dépendent de la direction juridique dans 68 % des entreprises. Plusieurs grands groupes français sont concernés. Chez Airbus, par exemple, la priorité en 2015 était de constituer une équipe capable de se préparer aux enquêtes des différents procureurs nationaux face aux soupçons de corruption et de fraude. Au sein de la direction juridique de John Harrison, les moyens humains et financiers sont déployés. L’enjeu : la réalisation de l’audit des comportements susceptibles de constituer des infractions, du programme de compliance, de sa diffusion dans tout le groupe et pour la formation des opérationnels. L’ancienne directrice juridique de Technip Sylvie Kandé de Beaupuy a été recrutée dans ce but. Chez Alstom, la direction de la compliance est également rattachée à la direction juridique. Les ETI suivent fréquemment le même modèle.


« Il n’y a pas de meilleur modèle »
« Les choses changent », tempère Hélène Trink, qui dirige l’étude précitée. Le discours ambiant fait de la direction compliance un pôle si stratégique qu’il devrait être rattaché à la présidence. C’est la thèse soutenue dès 2016 par Blandine Cordier-Palasse, auteure d’un article intitulé « La compliance, une fonction en pleine évolution », dans lequel la vice-présidente du Cercle de la compliance indiquait : « Davantage proche de la direction générale, le chief compliance officer devient membre du comité exécutif. » Et Hélène Trink d’ajouter : « Depuis 2018, des moyens renforcés lui ont été accordés. »


La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 y est pour beaucoup, en faisant porter sur le dirigeant d’entreprise la responsabilité personnelle du défaut de mise en place des dispositions de lutte contre la corruption. Face à ce nouveau risque pénal, la prise de conscience des présidents et des PDG a été générale : la solution est de se doter d’un directeur de la conformité impliqué dans les projets de l’entreprise afin de prévenir tout risque qui pourrait être mal évalué. Cela ne vaut pas seulement pour la réglementation antifraude et anticorruption. Le respect des règles de concurrence, celui des règles de protection des données personnelles, du devoir de vigilance… sont autant de missions confiées au compliance officer. « Il n’y a pas de meilleur modèle, estime Hélène Trink. L’essentiel est de ne pas réduire la fonction compliance à une liste de cases à cocher mais, au contraire, de faire correspondre son action aux particularités de l’entreprise. »


Pour le conseil en stratégie spécialiste des professions du droit Olivier Chaduteau, la taille de l’entreprise peut être déterminante : « Dans les entreprises les plus matures et ayant une taille critique, les fonctions juridique et compliance sont distinctes, explique l’associé de Day One. Ensuite, il importe peu qu’elles soient dirigées par une seule ou par deux personnes. » Selon cet expert, la fonction conformité est souvent créée au sein de la direction juridique parce que les premières questions qui se posent sont relatives au droit. Puis, lorsque s’ajoutent des problèmes d’éthique et des programmes à mettre en place, il devient préférable de leur donner leur spécificité et leur indépendance. Et ce, d’autant plus que des éléments de corporate social responsibility s’intensifient et arrivent aux portes de la direction de la compliance en provenance du service communication ou du pôle financier. « Dans le secteur pharmaceutique par exemple, il s’agit de toutes les questions de droits humains, des animaux, de respect de l’environnement, d’impact sociétal… », illustre Olivier Chaduteau. Des sujets éthiques comportant de vrais écueils : leur non-respect peut rapidement avoir des conséquences pénales, financières et réputationnelles.

Pascale D'Amore

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