Si Alcatel-Lucent, Safran, Saint-Gobain et Arkema restent dans le peloton des cent premiers innovateurs mondiaux en 2014, d'autres décrochent. Décryptage.
Les entreprises françaises boudent-elles la recherche ? L’Oréal, Michelin, EADS, Thales et Valeo ont en tout cas quitté cette année le club fermé des entreprises et organismes publics les plus prolifiques en brevets. Recensés par Thomson Reuters parmi les cent premiers innovateurs mondiaux en 2012, ces cinq groupes n’ont pas déposé et validé suffisamment de brevets en 2013 pour faire face à la concurrence des entreprises japonaises et américaines. Surtout, l’influence et la portée internationales de leur portefeuille s’affaiblit. Aujourd’hui, seuls Arkema, Saint-Gobain, Safran et Alcatel-Lucent, ainsi que trois centres de recherche français¹, sont encore comptabilisés dans l’édition 2014 du Global Innovators 100. Panorama des stratégies d’innovation qui permettent de durer.

Des brevets en quantité
Arkema dépose en moyenne 150 familles de brevets par an à l’Office européen des brevets (OEB). En 2014, Alcatel-Lucent a délivré trois mille titres, et quinze mille demandes sont en attente de validation. Snecma, filiale du groupe Safran, fait breveter en moyenne 350 innovations par an tandis qu’au cours des dix dernières années, Saint-Gobain a multiplié par deux le nombre de ses familles de brevets. Membres du Global Innovators 100 depuis 2011, ces quatre entreprises doivent leur place dans l’édition 2014 au développement massif de leurs centres de recherche.

Multiplication des centres de recherche dans le monde
« Un produit sur quatre vendus par Saint-Gobain aujourd’hui n’existait pas il y a cinq ans », observe Didier Roux, directeur R&D et innovation de l’entreprise. Pour rester à la pointe de l’innovation des matériaux de construction, le groupe a organisé sa R&D entre une centaine d’unités de développement spécifiques à chaque marché et sept centres de recherche transversaux. « Ce fonctionnement propre à Saint-Gobain nous permet de répondre à des besoins locaux dans chaque région du monde, tout en bénéficiant d'une organisation mondiale », insiste Didier Roux.

Chez Alcatel-Lucent, c’est dans les cinq Bell-Labs implantés en France, aux États-Unis ou encore en Israël que les chercheurs ont mis au point les quelque 32 000 brevets du groupe actifs aujourd’hui dans le monde. La particularité de ces structures de recherche réside dans l’innovation collaborative : quand les ingénieurs associent les universités, les centres de recherche publics et les entreprises à leurs projets.

Innovation ouverte
Inaugurée en octobre dernier dans l’Essonne, la Cité de l’innovation de l’équipementier téléphonique accueille start-up, universitaires mais aussi grandes entreprises comme Orange et Qualcomm pour développer la virtualisation des réseaux. Parmi les adeptes de l’innovation ouverte, citons également Snecma qui a collaboré avec son fournisseur d’acier pour mettre au point le moteur ML340 Leap utilisé dans les nouveaux modèles d’Airbus et de Boeing. Même constat chez Saint-Gobain, où 15 % du budget annuel de R&D est alloué à la recherche externe. Si elle porte ses fruits, cette politique d’innovation a un coût élevé.

Innover à tout prix
Chaque année, le programme Phi-Zéro de Saint-Gobain évalue et finance trente nouvelles idées émises par les chercheurs du groupe. Mais qui dit innovation et dépôt de brevet dit dépenses de R&D. Alcatel-Lucent a provisionné 2,3 milliards d’euros pour sa politique d’innovation en 2012, soit l’équivalent de 16 % de son chiffre d’affaires. Pour concurrencer les groupes asiatiques qui portent une attention croissante à leur R&D, les entreprises françaises doivent redoubler d’efforts. Pour la première fois en 2014, le budget cumulé des entreprises chinoises alloué à la recherche devrait en effet dépasser celui de l’Europe souligne l’OCDE². La répercussion de ces dépenses sur le nombre de brevets déposés ne devrait pas se faire attendre. « Si nous sommes toujours dans le Global Innovators 100 cette année, c’est sans doute parce que nous avons pris conscience de la nécessité de construire une propriété intellectuelle pour chacun de nos métiers. Cela montre également la pertinence d'une stratégie qui place l'innovation au coeur du développement du groupe », conclut Didier Roux.

Juliette Boulay

¹Le CNRS, le commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’IFP Énergies nouvelles font également partie du Global Innovators 100 2014.
²« Sciences, technologies et industrie : perspectives de l’OCDE 2014 », publié le 12 novembre 2014.

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