Christine Lagarde a été désignée pour prendre la succession de Mario Draghi à la Banque centrale européenne, en décembre prochain. L’économiste Jean-Hervé Lorenzi décrypte cette nomination.

Décideurs. Christine Lagarde arrive à la tête de la BCE en décembre prochain. À quel point cette nomination entérine-t-elle une politique économique autour de la dorsale franco-allemande ?

Jean-Hervé Lorenzi. Après Jean-Claude Juncker et Mario Draghi, respectivement luxembourgeois et italien, c’est une décision forte de redonner du poids au couple franco-allemand en Europe. On aura donc une présidence de la Commission européenne assumée par Ursula von der Leyen et Christine Lagarde en tête de proue de la Banque centrale européenne (BCE). Depuis 6 mois, tout le monde s’est rendu compte à quel point le désaccord franco-allemand était dramatique. Ses conséquences sont terribles. En fait, on s’est aperçu, en négatif, à quel point le couple franco-allemand était important en Europe. Ce duo est aujourd’hui une condition nécessaire. Nécessaire, mais pas suffisante.

Quel est le bilan de Christine Lagarde au FMI ?

Il est double. Tout d’abord, Christine Lagarde a suivi en partie la politique préconisée par son prédécesseur Dominique Strauss-Kahn. Des orientations évitant que la crise de 2008 devienne une nouvelle crise de 1929. Puis, il y a eu un certain infléchissement. Christine Lagarde a été très consciente des difficultés que pouvaient poser, pour les pays émergents, la violence des subcapitaux passant d’un endroit à un autre. Globalement, elle est restée fidèle à la logique strauss-kahnienne. Elle y a greffé une vision géostratégique qui était moins présente initialement. Son bilan n’est pas chiffré. Mais il est loin d’être négligeable.

Comment définiriez-vous ses actions économiques depuis le début de sa carrière ?

Son vrai talent, c’est la négociation : rassembler les parties prenantes et comprendre là où se situent les points de friction. Elle est très imaginative pour trouver les mots qui conviennent à une situation évolutive et changeante. On a ainsi pu la voir à l’œuvre sur le dossier grec, en dépit d’une dramaturgie excessive.

"Elle va arriver dans un climat de croissance modérée et devra maintenir une politique active à la barre de la BCE"

Sur quels dossiers est-elle attendue à la BCE ?

Même si l’on parle beaucoup du Brexit et de la situation de l‘Italie dans les médias, il ne s’agit pas là de dossiers sur lesquels elle interviendra. Le Brexit est davantage l’affaire de la Banque d’Angleterre, une institution indépendante. Quant à l’Italie, le dossier se négocie à la Commission européenne. Christine Lagarde doit être vigilante. Elle va arriver dans un climat de croissance modérée et elle devra maintenir une politique active à la barre de la BCE. Sa priorité sera de savoir si on maintient, développe ou ralentit le quantitative easing.

Au moment de son arrivée à la BCE fin 2019, la Fed aura achevé un cycle de hausse des taux courts que la BCE n’a pas intégrés. Quels outils sont à sa disposition pour soutenir ses actions ?

Elle peut tenter d’appliquer la même stratégie que le Japon. La Banque centrale japonaise a racheté massivement la dette obligatoire publique et a incité les banquiers à acheter la dette des privés. Cette tactique pourrait faire le jeu de la BCE.

Quelle attitude la BCE adopte-t-elle avec les Etats-Unis et la Chine ?

Il faut faire très attention à ce que l’Euro ne remonte pas trop. La politique des taux d’intérêt ne devra pas bouger dans la mesure où la Fed va peut-être baisser ses taux. Ce qui entraînera un affaiblissement du dollar. C’est un problème majeur pour l’économie réelle de l’Europe, qui influe notamment sur les exportations.

Nicolas Bauche

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