Pour succéder à Mounir Mahjoubi à la tête du secrétariat d’État au numérique, le président de la République a fait appel à un proche conseiller, marcheur de la première heure, familier du digital et des politiques publiques.

Le 31 mars 2019, un nouveau remaniement ministériel est annoncé. Parmi les nouveaux entrants, un nom se distingue par sa simplicité : Cédric O, nommé secrétaire d’État au numérique. Il succède au médiatique Mounir Mahjoubi, qui a quitté le gouvernement pour se consacrer à ses ambitions parisiennes. Si Cédric O est pour le moment peu connu du grand public, il fait partie du cercle très rapproché d’Emmanuel Macron.

L’école DSK

Né en 1982 dans le Rhône d’une enseignante française et d’un cadre coréen, il décroche son baccalauréat dans le prestigieux lycée du Parc à Lyon puis intègre HEC. C’est dans la célèbre école de commerce que se développe son goût pour la politique et les campagnes électorales. En 2006, année où il décroche son diplôme, il s’investit en politique et fait partie des « petites mains » de l’équipe de Dominique Strauss-Kahn qui cherche à remporter la primaire socialiste. Le positionnement social-libéral de l’ancien ministre des Finances attire de nombreux jeunes diplômés qui se dépensent sans compter pour leur candidat qu’ils nomment parfois « Dieu » sur le ton de l’humour. Le siège de campagne est un véritable « vivier » de futurs macronistes. Cédric O y côtoie son condisciple de HEC Stanislas Guerini, désormais à la tête de LREM, mais aussi le tout jeune Ismaël Emelien, éminence grise d’Emmanuel Macron, jusqu’à son départ de l’Élysée en mars 2019. Sont également présents Sibeth Ndiaye, actuelle porte-parole du gouvernement, et Benjamin Griveaux qui joue le rôle de « grand frère » bienveillant.

Mais c’est Ségolène Royal qui l’emporte. Et le jeune diplômé entre dans la vie active en 2007 comme communicant dans la société Opérationnelle. La politique est toutefois un virus dont il est difficile de se débarrasser. En 2008, lors des élections cantonales, il aide son ami Benjamin Griveaux à s’implanter en Saône-et-Loire sous les couleurs socialistes. Puis, en 2010, il devient conseiller parlementaire de Pierre Moscovici, alors député du Doubs. Il le suit lors de sa nomination à Bercy en 2012. Cette année-là, Libération le classe parmi les « cadors juniors ministrables ». Ce parcours à l’ombre d’un des leaders de l’aile droite du PS lui permet de mieux comprendre les arcanes des institutions. En 2014, Pierre Moscovici est nommé commissaire européen. Et Cédric O retourne dans le privé. Il intègre Safran en qualité de responsable de l’usine du futur puis responsable de production chez Safran Aircraft Engines.

En 2012, Libération considère Cédric O comme un "cador ministrable junior"

Ces années passées entre politique et secteur privé donnent à Cédric O une armature politique et intellectuelle : socialiste, libéral, pro entreprenariat, intéressé par les nouvelles technologies. Lorsqu’en avril 2016 Emmanuel Macron lance son mouvement En Marche en promouvant toutes ces valeurs, Cédric O, immédiatement intéressé, rejoint l’aventure. Il y retrouve ses anciens amis des années DSK. Cette fois-ci, ils se le jurent, la victoire ne leur échappera pas. Durant la campagne électorale, il occupe le poste ultra-stratégique de trésorier. Objectif : éviter les dépassements de budgets et les affaires politiquement sensibles comme Bygmalion. Il y fait preuve de professionnalisme et de clairvoyance, notamment en refusant à plusieurs reprises de céder aux demandes parfois étranges du service d’ordre dirigé par un certain Alexandre Benalla…

L’homme qui murmure à l’oreille des Gafa

Tout se passe comme prévu. Emmanuel Macron l’emporte. Et le nouveau président de la République, n’oublie pas de récompenser ses fidèles. Cédric O rejoint l’Élysée au poste de conseiller participations publiques et économie numérique. Il y déploie une fois encore ses talents d’organisateur. C’est lui qui est notamment à l’origine du sommet Tech for Good qui, en mai 2018, a réuni à Paris une soixantaine des dirigeants de la tech mondiale. Cela lui a notamment permis d’être l’interlocuteur privilégié des Gafa. Un atout de taille puisque ces derniers sont concernés par de nombreuses politiques publiques (protection des données personnelles, fiscalité, lutte contre les fake news…). Mais, durant ces années passées à l’Élysée, il n’a pas non plus négligé les start-up de l’Hexagone. « Emmanuel Macron, depuis son élection, défend et promeut les jeunes pousses françaises, notamment à l’étranger », témoigne l’entrepreneur Clément Meslin à la tête du groupe d’Edtech My Mooc. Selon lui, ce discours est « en partie lié au travail de l’ombre de Cédric O, qui de ce fait a la confiance des entrepreneurs ». Ce qui est indispensable pour mener à bien des missions qui nécessitent des compétences techniques, un sens politique affuté.

Pédagogue

Car le secrétariat d’État au numérique n’est pas un strapontin dévolu aux geeks, loin de là. « C’est une administration très transversale », affirme Paula Forteza, députée LREM des Français d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Selon l’élue spécialisée dans les sujets tech : « Il faut s’occuper de l’audiovisuel, de la mobilité, de la santé, des services publics, de la croissance des start-up… ». Occuper ce poste demande donc un savoir-faire particulier.

D’après elle, pour se démarquer, « il est indispensable d’être un facilitateur, un coordinateur un outilleur ainsi qu’un vrai pédagogue ». Un avis partagé par Clément Meslin qui estime que « la classe politique dans son ensemble est en retard sur le digital. Il en est de même pour les administrations qui sont parfois effrayées par la dématérialisation des services publics. Il faut évangéliser et rassurer ces acteurs. »

"Cédric O a travaillé avec Mounir Mahjoubi, connaît les dossiers et est immédiatement opérationnel"

Par chance, la force de persuasion de Cédric O ne semble plus à démontrer. Paula Forteza, qui est habituée à travailler avec lui, souligne ainsi « sa capacité à parler à tout le monde de manière simple sur des sujets techniques ». Elle insiste également sur « son accessibilité et sa capacité à conduire des négociations qui incluent des acteurs variés ». Des qualités indispensables pour mener à bien une série de réformes qui touchent à des sujets économiques mais aussi sociétaux.

Continuité

L’action de Cédric O s’inscrit dans la continuité de celle de son prédécesseur. Pas de « rupture » au programme donc. Sous la Ve République, ministres et secrétaires d’État sont habitués à collaborer étroitement avec les conseillers thématiques de l’Élysée ou de Matignon, dans une moindre mesure. « Cédric O est donc associé à l’action de Mounir Mahjoubi. Ils ont travaillé étroitement ensemble et se connaissent très bien. Il a suivi les dossiers, il est immédiatement opérationnel ». Ce qui est primordial pour assurer la continuité des actions mises en place. Un autre élément rapproche les deux macronistes : député de Paris, Mounir Mahjoubi a pour suppléante Delphine O, petite sœur du nouveau secrétaire d’État.

À l’agenda de Cédric O se trouve la régulation des réseaux sociaux ou encore le projet de loi contre les contenus haineux, autant d’actions lancées avant sa nomination. Mais Cédric O entend aussi imposer son empreinte. « Il a indiqué qu’il souhaitait des résultats concrets sur deux chantiers : la lutte contre la fracture numérique et l’émergence d’un maximum de licornes françaises », détaille Paula Forteza.

Sa nomination est liée à des compétences techniques et à des considérations politiques

Pour relever les défis, Cédric O peut compter sur un soutien de poids : celui d’Emmanuel Macron. « Il a la confiance du Président. C’est un très proche », reconnaît la députée LREM. Sa nomination est donc liée à des compétences techniques mais également à des considérations hautement politiques. Une première dans l’histoire du secrétariat d’État au numérique. Une preuve supplémentaire de l’importance de Cédric O dans le dispositif élyséen.

Lucas Jakubowicz

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