La fusion de CBS et Viacom accouche d’un des plus puissants acteurs de l’audiovisuel mondial. Un rapprochement au forceps dont l’ambition est de changer la dynamique du secteur.

Tant de pugnacité méritait d’être couronné de succès. Après trois tentatives infructueuses depuis 2016, les groupes CBS et Viacom annoncent leur fusion prochaine en une nouvelle entité, ViacomCBS. Sous réserve du feu vert de l’autorité de la concurrence américaine, ce rapprochement accouchera d’un géant de l’entertainment mondial. Sa capitalisation boursière et son chiffre d’affaires florissant (respectivement 30 milliards et 28 milliards de dollars) sont les fruits d’une stratégie payante. ViacomCBS, c’est une addition de chaînes de télévision et de producteurs prescripteurs dans l’industrie de la télévision et du cinéma (CBS, MTV, Nickelodeon, Paramount) des marques phares auprès des millennials. Son catalogue se constitue de près de 140 000 émissions télévisées et de 3 600 films, dont des franchises à succès comme Mission impossible ou les séries NCIS, The Big Bang Theory et les sempiternels Feux de l’amour.

Remariage

Viacom et CBS partagent une histoire commune assez mouvementée. Chapeautés par la holding National Amusements que dirige aujourd’hui l’héritière Shari Redstone, les deux groupes de médias ne faisaient qu’un jusqu’en 2006. En dix ans, le contexte économique a changé du tout au tout, la tendance étant à la consolidation du secteur. Ainsi, AT&T, le puissant opérateur de télécommunication, a constitué un pôle audiovisuel de poids, en rachetant Time Warner et ses entités le studio Warner Bros., la très créative chaîne HBO ou CNN, ténor de l’information en continu. Quant à Netflix et autres acteurs « plateformisés » tels que Hulu, Amazon Prime Video, ils ont disrupté un marché où les habitudes d’achat héritées du e-commerce contaminent la consommation d’images. La fusion ViacomCBS s’impose donc comme une union des forces vives à un moment où le business model dominant des recettes publicitaires s’asphyxie inéluctablement.

Soap opera

Voulu par National Amusements, ce rapprochement est loin de faire l’unanimité chez les principaux intéressés. Il y a quelques mois, Leslie Moonves, alors PDG de CBS, se prononce publiquement contre. Les esprits s’échauffent rapidement, avant que les coups bas ne se mettent à pleuvoir, alimentant un feuilleton médiatique tenant davantage du soap opera que de la restructuration financière. Le summum ? La vidéo de Sumner Redstone, nonagénaire bredouillant, hagard, et… tête pensante de la holding ! Un dirigeant de CBS tourne cette scène à son insu en plein été 2018, puis la viralise auprès des actionnaires, médusés, et du grand public qui se passionne soudain pour les échauffourées entre beautiful people de l’audiovisuel. Depuis, Leslie Moonves a étrangement été écarté à la suite de plaintes pour harcèlement sexuel ; ce qui, évidemment, a scandalisé les Redstone…

Ce rapprochement est loin de faire l'unanimité chez les principaux intéressés

L’ambition du conglomérat ViacomCBS n’est pas des moindres. Selon les mots de Robert Bakish qui dirige Viacom depuis trois ans, il s'agit ni plus ni moins de « façonner l’avenir de notre secteur ». Avec des concurrents comme Jeff Bezos (Amazon), Robert Iger (Disney) et Reed Hastings (Netflix), la bataille des contenus s’annonce rude. Espérons qu’elle ne donnera pas lieu à de nouveaux règlements de comptes par posts interposés.

Nicolas Bauche

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