Présidente du Cercle de la compliance, Catherine Delhaye revient sur l’organisation qu’elle a mise en place au sein du groupe Valeo.

Décideurs. Valeo a remporté récemment le grand prix de la Transparence. Parmi les critères d’attribution, on retrouve l’éthique. Quelles sont les valeurs de Valeo à ce propos ? Comment ont-elles été définies ?
Catherine Delhaye. Pour Valeo, une culture forte d’intégrité personnelle et professionnelle, combinée à des règles et procédures claires de conformité, constitue les bases indispensables d’une croissance durable et profitable. Le code d’éthique, dont l’intégrité constitue la colonne vertébrale, est en la matière, notre document de référence. Il exprime l’ensemble des valeurs et des règles, que tout collaborateur se doit de connaître et de respecter. Il représente la volonté profonde du management de l’entreprise et a d’ailleurs été établi en lien étroit avec lui. Le code d’éthique, c’est au fond l’empreinte ADN de l’entreprise, le reflet de sa personnalité, sa signature… ce pour quoi elle veut être connue et reconnue. Il est le fondement de tous nos programmes de compliance : le code d’éthique donne la direction et la tonalité, les programmes donnent les règles.


Comment se traduisent l’éthique et la conformité au sein de votre gouvernance ?
Chez Valeo, l’éthique et la conformité irriguent l’ensemble de la gouvernance. Le comité d’audit et des risques s’assure de la mise en œuvre par Valeo d’un programme complet lui permettant de se conformer aux législations et réglementations applicables à ses activités.
Créée à l’initiative de la direction générale, la direction de l’éthique et de la conformité est chargée d’inspirer, de proposer, de piloter et de coordonner la mise en œuvre du programme de conformité. Elle définit également et met en place l’organisation et le dispositif nécessaires. Le comité opérationnel valide les programmes de compliance et affecte les moyens et ressources nécessaires. Nous avons également trente et un compliance champions qui sont les relais de la direction éthique et conformité au sein de chaque business group, direction pays et fonctions ; ils favorisent le déploiement du programme en faisant connaître et comprendre les politiques de conformité, les enjeux, les outils existants. La direction éthique et conformité définit avec eux les besoins, les options, et les outils et méthodes spécifiques de déploiement. Je travaille en outre en lien étroit avec les directeurs nationaux, les ressources humaines, l’audit interne, la direction financière, la direction juridique ainsi que les différentes fonctions de l’entreprise, selon les sujets. Par exemple, je collabore étroitement avec la direction logistique au titre du programme anticorruption. De manière générale, l’éthique et la conformité sont des notions totalement intégrées aux opérations et partagées de façon parfaitement transversale.


Quels sont vos domaines d’intervention ?
Les domaines d’intervention sont vastes : la lutte contre la corruption, l’antitrust, le contrôle des exportations et les sanctions économiques, l’intégrité des produits et de la production. D’autres sujets plus récents sont également à l’ordre du jour.


Quel est l’enjeu principal de la conformité pour votre entreprise ?
Dans un groupe comme Valeo qui recrute quelque 10 000 personnes par an, l’enjeu principal réside dans le maintien d’un niveau optimal de conscience parmi nos effectifs et dans notre capacité à acculturer les nouveaux entrants aux enjeux et règles de la compliance. Il faut autant veiller à former les plus jeunes qui pourraient pécher par ignorance que les plus expérimentés dont les pratiques anciennes pourraient être contraires aux nôtres.


Rencontrez-vous des difficultés particulières dans l’application de votre politique de compliance ?
Le choc de la nouveauté est passé. La compliance est rentrée dans les mœurs. Il y a beaucoup moins de scepticisme que par le passé. Toute entreprise qui met en place de nouvelles règles est confrontée à une problématique de change management. Mais cette étape est dépassée. L’avantage, c’est que nous n’avons pas été pris de court par la loi Sapin 2 puisque nous avions déjà mis en place une politique de compliance répondant aux standards internationaux les plus élevés depuis 2012. Avec la loi Sapin 2, nous poursuivons, avec quelques ajustements aux spécificités françaises, un programme bien en place.

 

Ce qui est en jeu, c’est la pérennité de l’entreprise et non le business à court terme ou les intérêts individuels


Dans la mise en avant de son programme de conformité, Valeo évoque une « tolérance zéro ». Comment cela se traduit-il en pratique ? Quels dispositifs l’entreprise a-t-elle mis en place (formation, information, ligne d’alerte…) ?
Nous avons mis en place un dispositif de formation très important. En premier lieu, tout nouvel arrivant chez Valeo se voit remettre le code d’éthique. Ensuite, dans les trente jours suivant son arrivée, tout ingénieur, cadre et personne exposée de par sa fonction, doit obligatoirement suivre un programme de formation à la compliance, avec des sessions dédiées au code d’éthique, à l’antitrust et à l’anticorruption. On souhaite ainsi les sensibiliser à notre culture et couper court sans délai, à tout risque de pratiques qui seraient contraires à nos règles. En outre, 25 000 collaborateurs suivent une formation compliance obligatoire chaque année. Nous assurons également des formations spécifiques par métier. Ainsi, par exemple, les formations pour ceux travaillant en R&D sont davantage focalisées sur l’antitrust et celles pour ceux qui travaillent dans la supply chain sont largement axées sur la lutte contre la corruption. Le programme de formation évolue également selon le degré de maturité. Les formations pour les plus jeunes sont assez générales ; et celles pour les managers sont plutôt construites autour de cas pratiques très concrets. Nous avons également développé une série d’outils, de manuels et présentations adaptés aux différentes fonctions. On privilégie le sur-mesure en la matière. Tout est à disposition sur un portail dédié et relayé par nos compliance champions. Nous avons également mis en place depuis quatre ans une ligne d’alerte, disponible en plus de trente langues, gratuite, confidentielle voire anonyme si les collaborateurs le souhaitent vraiment ; tous nos outils en assurent la promotion. Le contrôle interne est chargé de vérifier l’effectivité du déploiement du programme de compliance tandis que l’audit interne en mesure l’efficacité. Les manquements sont sanctionnés à la hauteur de la gravité des faits, la sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Des mesures correctives complémentaires peuvent être mises en place.


Quelles sont les compétences et qualités essentielles qu’un chief compliance officer doit avoir pour mener à bien ses missions ?
Le chief compliance officer (CCO) doit disposer de compétences humaines et techniques. Il doit à la fois bien connaître ses sujets et parfaitement comprendre l’entreprise, ses enjeux, son profil de risques. Cela lui permet de proposer des programmes adaptés aux objectifs, aux priorités et au mode opératoire de l’entreprise. Il doit être doté d’une grande capacité d’écoute et de conviction. Cela lui permet de comprendre les inquiétudes, les doutes, les facteurs de résistance ou d’incompréhension de ses interlocuteurs et de les aider à les dépasser. La compliance, c’est finalement un change management continu, une forme d’évangélisation. L’adhésion est essentielle.
Le CCO doit aussi faire preuve de souplesse et de créativité. Cela lui permet de trouver ou construire, avec les opérationnels, des compromis s’ils sont possibles. En revanche, il doit savoir faire preuve de fermeté et ne pas flancher lorsqu’aucune flexibilité n’est permise : ce qui est en jeu, c’est la pérennité de l’entreprise et non le business à court terme ou les intérêts individuels. Enfin, le compliance officer doit être courageux et résilient. Ce qui signifie accepter de ne pas être populaire et de savoir faire remonter les risques ou les comportements inadaptés lorsqu’il y en a, au besoin jusqu’au président ou au comité des risques.

Interview réalisée par Mathieu Marcinkiewicz

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