Devenue déontologue en mai 2018 après huit années passées à la tête de la direction des affaires européennes du groupe La Poste, Catherine Coppo prend son nouveau rôle très à cœur. Elle revient pour Décideurs sur les enjeux éthiques auxquels elle est confrontée et présente les actions mises en place.

Décideurs. Quelles sont les valeurs du groupe   ?

Catherine Coppo. Nous comptons six valeurs : la considération, l’ouverture, la proximité, l’équité, l’accessibilité et le sens du service. Elles ont été déterminées il y a une dizaine d’années avec un sociologue, Alain Berger, qui a fait travailler l’entreprise en interne et organisé des groupes de travail en externe pour définir les valeurs de l’entreprise. Ce qui en découle est la confiance qui a longtemps été la signature du groupe. De plus, l’éthique et la déontologie font historiquement partie de l’ADN du groupe La Poste et constituent un levier de confiance essentiel pour les relations avec les clients et avec les équipes en interne. Par exemple, la confidentialité des correspondances est essentielle et s’incarne dans la prestation de serment des postiers, un moment solennel fort qui perdure depuis 1790 !

 Comment se traduit l’éthique au sein de votre gouvernance ?

L’éthique est incarnée tout d’abord par la personne en charge de la déontologie du groupe. Ma direction est rattachée directement au secrétaire général, Philippe Bajou, également membre du Comex. Ce rattachement nous donne l’autonomie et l’indépendance nécessaires pour mener à bien notre mission, mais montre également l’importance que les dirigeants portent à ce sujet. Cela me permet également d’avoir un accès rapide et facile au président si j’ai un message à faire remonter.

J’ai créé un comité de pilotage éthique et déontologique qui réunit un réseau composé de sept déontologues que j’anime et coordonne. Je m’assure alors que le déploiement du dispositif anticorruption se poursuit et réponds à leurs interrogations. Un comité éthique, présidé par Philippe Bajou, se tient également une à deux fois par an et réunit les déontologues du groupe pour traiter des sujets éthiques et les faire remonter au plus haut niveau. Y participent aussi les fonctions supports avec lesquelles nous travaillons, telles que l’audit et la direction des achats.

Enfin, nous rédigeons un document de référence, un rapport éthique et déontologie annuel, qui reprend toutes les activités de l’année du groupe, explique la politique et les actions portées par notre président Philippe Wahl. Il est ensuite distribué aux cinq-cents top managers de l’entreprise.

Quels programmes avez-vous mis en place pour vos employés dans le cadre de votre politique éthique ? Quelles initiatives concrètes avez-vous lancées ?

Il est dans un premier temps nécessaire d’évoquer ce qui a été entrepris lors des dix années passées à la tête de la déontologie du groupe par Patrick Widloecher. Dès 2009, la direction de La Poste a saisi l’importance de mettre en place une politique éthique et déontologique efficace et dynamique. L’entreprise a ainsi été précurseur sur le sujet et a entrepris de nombreuses actions de communication et de sensibilisation, telles que la diffusion de newsletter et de guides sur ces problématiques, le développement d’outils spécifiques dont un site intranet sur le sujet, la création d’événements dont la journée de l’éthique. Notre document de base est d’ailleurs notre référentiel de déontologie qui réunit tous les comportements, les règles de conduite et les réflexes à adopter.

Nous avons également mis en place sept lignes d’alerte éthique depuis quelques années. Les salariés peuvent ainsi faire remonter facilement des dysfonctionnements et des comportements non-éthiques. En 2017, 183 alertes éthiques ont été traitées à l’échelle du groupe, ce qui montre le bon fonctionnement du programme. Nous devons cependant communiquer encore davantage sur le sujet.

« Facteur fait partie des métiers préférés des Français avec les infirmiers et les pompiers »

Quel a été pour vous l’impact de la loi Sapin 2 ?

Avec cette nouvelle réglementation, nous avons aujourd’hui des obligations réglementaires importantes et nous devons passer à la vitesse supérieure. Nous devons davantage structurer nos actions et renforcer notre politique de sensibilisation des postiers aux risques éthiques et assurer la traçabilité de nos dispositifs ainsi que le déploiement de notre plan anticorruption. Pour ce faire, en arrivant à la tête de la déontologie, j’ai lancé un diagnostic de notre plan anticorruption pour déterminer nos points faibles et nos points forts, dans le but d’améliorer notre dispositif. Cette évaluation est également une bonne répétition en vue d’un éventuel contrôle de l’Afa auquel nous devons nous préparer. Nous avons ainsi créé une « data room » pour mettre à disposition l’ensemble des documents demandés par l’Agence.

Pouvez-vous nous expliquer le principe de la journée de l’éthique organisée au sein du groupe La Poste ?

Nous organisons cette année la quatrième journée de l’éthique avec le parrainage de Michel Sapin. Nous en profiterons pour lancer notre nouveau plan de communication en matière d’éthique de notre entreprise, mais également pour déployer nos messages dans toutes les branches du groupe. Je travaille également avec le département de la communication sur un kit d’informations dédié à l’éthique que nous distribuerons dans tous les villages La Poste de l’Hexagone au sein desquels nous comptons également organiser des mini-sessions de sensibilisation à ces problématiques.

L’éthique est-elle un avantage compétitif ?

Elle l’est indéniablement. Il s’agit d’un atout essentiel pour le business et d’un levier de performance important. Le groupe La Poste perd son métier historique de distribution du courrier, mais se développe sur de nouveaux services, notamment ceux de proximité tels que l’assistance des personnes isolées et le passage du code de la route. Nous discutons également avec le gouvernement pour participer aux missions de recensement. Les Français ont confiance dans La Poste qui est l’une des seules entreprises de l’Hexagone à aller six jours sur sept au domicile des particuliers. À titre d’exemple, facteur fait partie des métiers préférés des Français avec les infirmiers et les pompiers et La Poste est régulièrement en tête du classement des entreprises les plus utiles aux Français.

« À La Poste, nous nous positionnons sur un numérique éthique »

Quel est l’enjeu de demain en matière d’éthique ?

La protection des données à caractère personnel est l’enjeu principal. À La Poste, nous nous positionnons sur un numérique éthique, en tant que tiers de confiance. Nous proposons ainsi l’utilisation d’un coffre-fort électronique pour stocker ses documents importants et avons récemment lancé une application de e-santé permettant d’avoir un carnet de santé numérique. Toutes ces données sont stockées en Europe, ce qui renforce la confiance de nos clients. La Poste existe depuis plus de quatre siècles et peut parier sur le fait qu’elle sera encore présente dans des dizaines d’années, à la différence des nombreuses start-up qui développent des services similaires.

De nombreuses personnes en France perçoivent le dispositif du whistleblowing (dispositif d’alerte interne) comme de  délation. Cette vision a-t-elle évolué depuis l’entrée en vigueur de  loi Sapin 2 ?

Ce dispositif sert à protéger les salariés et l’entreprise. Il nous est arrivé de recevoir des alertes concernant par exemple le comportement d’un  manager, nous recevons des demandes d’information ou encore, rarement, des soupçons de corruption. La loi Sapin 2 a ainsi permis de renforcer les outils déjà mis en place par le groupe et d’imposer les mêmes règles à toutes les entreprises.

Quelles sont vos relations avec la direction juridique et de la conformité ?

L’équipe en charge de la déontologie travaille main dans la main avec la direction juridique et conformité sur les risques de corruption. Nous échangeons sur de nombreuses problématiques et je leur demande leur avis lorsque j’ai un doute concernant le traitement d’une alerte éthique, tout en gardant la confidentialité des informations sur les faits rapportés et la personne mise en cause.

Margaux Savarit-Cornali

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