Le premier déplacement de la nouvelle ministre des Affaires étrangères ? Kiev le 30 mai. De quoi mettre en lumière Catherine Colonna, l’une des diplomates les plus chevronnées de l’Hexagone. La chiraquienne devra gérer de nombreux dossiers internationaux brûlants tout en ramenant le calme dans un Quai d’Orsay touché par la réforme de l’administration.

Quai d’Orsay, salon de l’Horloge le 21 mai. Lors de la cérémonie de passation de pouvoir, les premiers mots de Catherine Colonna, nouvelle ministre des Affaires étrangères, sont pour son prédécesseur Jean-Yves Le Drian et pour ses propres troupes : "Vous me connaissez depuis quelques années, vous pouvez compter sur moi pour ne jamais oublier qui je suis et d’où je viens, et je viens de cette maison". Une maison dont elle est l’un des éléments les plus chevronnés.

Au cœur du réacteur

La diplomate de carrière possède un cursus honorum dont peu de personnalités peuvent se targuer. La description de sa longue carrière prendrait plusieurs pages s’il fallait être exhaustif. Parmi les fonctions les plus prestigieuses occupées par l’énarque de 66 ans : porte-parole de la présidence de la République sous Jacques Chirac de 1995 à 2004, ministre déléguée aux Affaires européennes de 2005 à 2007, représentante de la France auprès de l’Unesco de 2008 à 2010, ambassadrice de France en Italie de 2014 à 2017, représentante de la France à l’OCDE de 2017 à 2019 puis ambassadrice de France au Royaume-Uni jusqu’à son entrée au gouvernement.

Dans tous ces postes, Catherine Colonna a été "au cœur du réacteur" pour gérer des dossiers politiquement et diplomatiquement sensibles. À l’Élysée, elle a assuré la communication du Président durant l’épisode de la guerre d’Irak où la France s’était démarquée des pays anglo-saxons. Déléguée aux affaires européennes, c’est à elle qu’est revenue la charge de rassurer les pays membres de l’UE sur les intentions d’une France qui venait de rejeter par référendum le projet de Constitution européenne. Lors de ses dernières fonctions à Londres, elle était en première ligne pour traiter l’épineux sujet des négociations sur la pêche, imposées par le Brexit. Au cours de toutes ces années, ses qualités diplomatiques ont été unanimement reconnues.

Otan, Ukraine et cuisine intérieure

Elles ne seront pas de trop pour mener à bien les vastes chantiers qui l’attendent. Si les affaires étrangères constituent traditionnellement la "chasse gardée" du président de la République, c’est au ministre de mettre en œuvre les grandes directives et d’imposer sa marque. Parmi les sujets brûlants, la gestion de la crise ukrainienne, l’obligation de maintenir le contact avec Moscou, l’accompagnement de la "renaissance" de l’Otan, la préservation des intérêts nationaux malmenés en Afrique et dans la zone indo-pacifique. Soit la promesse de nombreux voyages et de négociations tendues sur tous les continents. Le premier déplacement a d'ailleurs eu lieu à Kiev le lundi 30 mai. Elle est notamment allée se recueillir à Boutcha, ville martyre de la banlieue nord de la capitale ukrainienne.

Mais il se peut que sa mission la plus difficile se déroule entre les murs du vénérable Quai d’Orsay. Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, le décret du 16 avril 2022 prévoit la fin du corps des conseillers des affaires étrangères et de celui des ministres plénipotentiaires qui seront fondus dans le tout nouveau corps des administrateurs d’État. L’objectif est de diversifier le profil des diplomates français. Mais nombre de ceux déjà en poste ne l’entendent pas de cette oreille et la fronde couve. Ménager son administration s’annonce comme la mission la plus difficile pour Catherine Colonna qui devra défendre son administration tout en respectant la feuille de route confiée par Emmanuel Macron. Une forme de "en même temps" à laquelle est habituée cette diplomate capée.

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