Le Tour de France tient une place à part dans le patrimoine du pays. En raison notamment de l’engouement populaire qu’il suscite, son rôle dépasse le simple cadre du sport. Nous avons rencontré son directeur, Christian Prudhomme, pour évoquer avec lui le lien qui l’unit à la plus grande course cycliste du monde et la manière dont il aborde sa mission.

Décideurs Magazine. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir directeur du Tour de France ?

Christian Prudhomme. Je n’avais jamais eu envie de devenir directeur du Tour de France. Dès mon plus jeune âge, je n’aspirais qu’à une seule chose : être journaliste sportif et commenter le Tour de France. Un rêve que j’ai réalisé à la radio puis à la télévision. Ensuite, Patrice Clerc, l’ancien président d’ASO, et Jean-Marie Leblanc, qui était le directeur du Tour à l’époque, sont venus me proposer cette mission. Le journalisme est le métier de ma vie. Je n’imaginais pas faire un autre chose. Seul le poste de directeur du Tour de France pouvait me faire changer de voie. Il y a quelques années, mon nom avait également été placé dans la short-list pour le poste de directeur du Tournoi des six nations. Pour moi, ce n’était absolument pas envisageable.

Comme Jean-Marie Leblanc avant vous, vous avez été journaliste. Cela vous a-t-il aidé au moment d’aborder votre fonction actuelle ? Et de quelle manière cela a-t-il conditionné votre approche ?

C’est essentiel. Il est impossible d’assumer un tel poste sans connaître le monde des médias et de la communication. J’ai aussi la chance de pouvoir m’appuyer sur des professionnels issus d’univers différents : ancien coureur, élu ou diplômé d’école de commerce. Cette diversité fait notre force. Nous ne sommes pas monoculture. Dans notre action, nous sommes en prise directe avec la vie. Le Tour de France est locataire des routes empruntées par les coureurs. Les contacts avec les élus sont donc essentiels.

Peut-on occuper ce poste sans être passionné de cyclisme ? La passion guide-t-elle votre action ?

Le Tour, c’est de la ferveur, de l’enthousiasme. Il faut de la passion. La Grande Boucle a créé un lien charnel avec le pays. Par ailleurs, si on n’aime pas son pays, son patrimoine, sa culture, son histoire, on ne peut pas exercer cette mission. Cette course va, en effet, bien au-delà du sport. Nombreux sont les personnes que je rencontre lors de mes déplacements à me remercier. C’est une vraie chance !

"Ma mission est donc de respecter les fondements du Tour tout en apportant des innovations" 

Dans quelle mesure l’histoire de la Grande Boucle (cols mythiques, hauts lieux de légende, mémoire ou faits sportifs …) régit-elle vos décisions au moment d’imaginer le parcours ?

Lors de ma prise de fonction, j’ai lu un audit sur le Tour. En conclusion, il était dit que, pour que l’événement puisse continuer à se développer, il fallait changer des choses tout en préservant ses racines. Ma mission est donc de respecter les fondements du Tour tout en apportant des innovations. Pour les étapes de montagne, nous essayons de trouver le meilleur équilibre possible entre des cols de légende (arrivée au Galibier ou à l’Izoard) et des nouveautés telles que le passage au col de la Loze ou à la Planche-des-Belles-Filles. Les progrès et adaptations techniques nous permettent d’ailleurs d’organiser des arrivées sur des lieux et des routes plus étroites, où il était jusqu’ici impossible d’accéder.

Au cours d’une étape du Tour de France, lorsque la sécurité de la course et des coureurs est en jeu, vos décisions doivent être prises très rapidement. Comment avez-vous pris celle d’arrêter l’étape de Tignes 2019 alors qu’un violent orage de grêle s’étant abattu sur les routes du tour, provoquait une immense coulée de bout en bas de la descente de l’Iseran ?

Dans la montée de l’Iseran, nous avons reçu un message de notre centre de coordination nous indiquant de l’intensité de l’orage de grêle qui avait lieu en bas de la descente. Pierre-Yves Thouault, directeur adjoint du Tour de France, Thierry Gouvenou, le directeur technique, ainsi que le président du Collège des commissaires de l’union cycliste international (UCI) et moi-même avons très rapidement échangé ensemble. Lorsque l’on s’est rendu compte de l’impossibilité de terminer l’étape, nous avons fait le choix de stopper la course et de prévenir les coureurs le plus vite possible. Cette décision a également été prise en lien avec le préfet et les services de l’État. Elle ne peut d’ailleurs l’être que si les différentes parties prenantes entretiennent des relations de confiance. Nous avons tous une vérité partielle à un instant T. Les choses peuvent bouger très vite. Bien sûr les procédures sont indispensables, mais il faut savoir s’adapter en permanence.

"Le champion des champions est incontestablement Eddy Merckx" 

Quel est le coureur qui a, à votre sens, fait la preuve du plus grand leadership dans l’histoire du Tour de France ?

Le champion des champions est incontestablement Eddy Merckx. Il symbolise le mieux le maillot jaune. Le « Cannibale » est en effet celui qui l’a porté le plus souvent (111 jours avec ce maillot).  

Le Tour de France ne doit-il pas faire preuve de plus de leadership dans la prise de conscience du Grand public des questions sur le développement durable ?

Nous sommes convaincus de l’importance du sujet. Nous relayons de nombreux messages de sensibilisation sur les réseaux sociaux, à la radio et dans la presse régionale. Ces dernières années, nous avons créé des zones de collecte de papiers et d’emballages pour les coureurs du Tour. Pour la prochaine édition, nous ferons en sorte que ces zones soient encore plus visibles pour les médias et le grand public. L’année dernière, nous avons supprimé 48 000 bracelets plastiques habituellement distribués par la caravane au cours des trois semaines de course. Dans le cadre de l’édition 2020 du Critérium du Dauphiné, l’organisation bénéficiera de 20 véhicules hybrides. Une quarantaine de voitures supplémentaires seront livrées l’année suivante. Il est difficile de tout changer du jour au lendemain. Les choses prennent du temps.

N’avez-vous jamais pensé à être dirigeant d’une équipe professionnelle ? 

Cela n’est pas possible. Je n’y pas pensé un seul instant.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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