Ce lundi, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, s'est prêté à l'exercice des questions-réponses des internautes sur le réseau social professionnel LinkedIn. L'occasion d'évoquer les dispositifs qui accompagneront les entreprises après le 11 mai, ainsi que le plan de relance qui sera mis en œuvre à la rentrée.

"La reprise va être progressive". Bruno Le Maire l'a martelé tout au long de son interview par la rédaction de LinkedIn : il va falloir faire preuve de patience et de résilience au cours des prochains mois, voire des prochaines années. Pour le ministre de l'Économie, le défi est simple à énoncer : il s’agit de parvenir à "conjuguer la vie économique avec un virus qui continue à circuler".

"Pas d’économie sous transfusion"

Face aux nombreuses interrogations des internautes sur le maintien des aides de l'État après le déconfinement, le ministre a prévenu : "Les aides vont continuer mais nous ne pouvons pas vivre avec une économie sous perfusion". Dès l’ouverture de la phase de transition qui débutera le 11 mai, le gouvernement entend flécher en priorité l'argent public vers les entreprises qui seront toujours fermées.

Pour Bercy, trois situations sont à distinguer. La première concerne les entreprises qui sont restées ouvertes durant le confinement et qui vont devoir reprendre une activité économique plus dynamique. La seconde vise les sociétés fermées durant le confinement mais autorisées à rouvrir le 11 mai. Pour elles, un protocole national de déconfinement a été publié le 3 mai par le ministère du Travail. Il s'accompagne de quarante-huit guides métiers disponibles sur le site du ministère. Enfin, le troisième cas est celui des entreprises qui ne pourront pas rouvrir le 11 mai, notamment dans le tourisme, l'industrie automobile ou l'industrie aéronautique. Pour elles, la date de réouverture devrait être dévoilée fin mai et les dispositifs d'aide financière seront maintenus.

Bruno Le Maire a, par exemple, souligné la nécessité d'une réduction progressive du recours au chômage partiel à compter du 1er juin pour qu'il ne bénéficie plus qu'en priorité à la troisième catégorie d'entreprises. Pour ce qui est du fonds de solidarité, le ministre de l'Économie a affirmé qu'il perdurera jusqu'à la fin du mois de mai même si les entreprises bénéficiaires reprennent leur activité le 11 mai. Ensuite, il sera maintenu pour les activités qui ne pourront pas redémarrer lors du déconfinement. De même, les autres dispositifs tels que le prêt garanti par l'État (PGE) ou les avances remboursables vont rester en vigueur.

Allégement des charges

Interrogé sur les allégements de charges, Bruno Le Maire a rappelé trois soutiens distincts. En premier lieu, l'annulation sur trois mois des charges sociales et fiscales pour les entreprises qui ont été fermées. Dans un deuxième temps, il a été demandé aux grandes foncières d'annuler sur une durée de trois mois les loyers des très petites entreprises (moins de dix salariés). Pour celles dont le loyer ne bénéficie pas à de grandes foncières, le deuxième étage d'aide du fonds de solidarité allant jusqu’à 5 000 euros versé par les régions est désormais élargi aux entreprises sans salariés et aux indépendants qui ont été obligés de fermer sur décision administrative. Enfin, le ministre de l'Économie a confirmé que le gouvernement étudiait actuellement la question du remboursement du PGE. À ce titre, il a rappelé que les 300 milliards d'euros du PGE étaient encore loin d'avoir été épuisés, qu'il bénéficiait dans 90 % des cas aux très petites entreprises (TPE) et qu'actuellement seulement 2 % de refus avaient été enregistrés.

Cette phase de transition s’annonce cruciale pour l’économie nationale. Comme l’a rappelé le ministre, il faut relever un double défi : "éviter les licenciements" ainsi que "les risques de faillites car des problèmes de trésorerie peuvent se transformer en risque de solvabilité".

Le cas particulier des compagnies aériennes françaises

Alors que le prêt de sept milliards d'euros de l'État à Air France a été autorisé par Bruxelles, Bruno Le Maire a confirmé aux internautes que le gouvernement serait prêt à soutenir les autres compagnies aériennes françaises et en particulier Corsair, "à la condition que les actionnaires fassent une part du chemin". Il en a profité pour rappeler que l'aide accordée à Air France était conditionnée à un travail du groupe aérien sur sa rentabilité économique et, surtout, sur son impact écologique.

Un plan de relance pour septembre

Bruno Le Maire l'a annoncé : "le plan de relance est pour septembre" et il passera par quatre dispositifs majeurs : l'investissement des entreprises, le soutien à la demande (depuis le début du confinement, 55 milliards d'euros ont été épargnés par les particuliers ce qui alimentera la consommation), l’aide à certains secteurs spécifiques et la coordination européenne. Le ministre n’a d’ailleurs pas hésité à rappeler que l'Allemagne et la France avançaient main dans la main dans ce processus de reprise économique. "On peut faire de cette crise une chance pour l'économie française" a-t-il affirmé tout en admettant qu’il s’agit d’une "affaire d'années avant de pouvoir retrouver des équilibres économiques plus favorables".

"La relance sera verte ou ne sera pas" a également assuré le ministre de l'Économie. Il a insisté à de nombreuses reprises sur la volonté du gouvernement de mettre l'écologie au centre du plan de relance : "Nous pouvons sortir plus forts de cette crise avec un modèle économique meilleur, plus durable et plus respectueux de l'environnement. Une relance verte et décarbonnée nous permettra de profiter de cette crise pour prendre un temps d'avance dans la course économique".

La relocalisation de certaines productions en France a également été évoquée par le ministre qui a pris pour exemple le secteur du médicament pour illustrer la volonté française de faire revenir sur son territoire les usines stratégiques délocalisées.

Accélérer sur la taxation des GAFA

Concernant les discussions européennes en cours, Bruno Le Maire s'est dit "convaincu" que la bonne solution pour financer les futurs investissements serait un fonds de relance financé par de la dette commune car "moins chère et plus efficace". Ce mode de soutien fait actuellement débat entre les membres du Conseil européen.

Il est également revenu sur la nécessité d'accélérer le processus européen pour la taxation des géants du numérique et des grandes multinationales. "Cette crise montre que ceux qui s'en sortent aujourd'hui le mieux ce sont les géants du numérique, simplement car leurs activités se poursuivent, y compris pendant la crise, et pourtant ce sont les moins taxés", a-t-il souligné, estimant que sa proposition était "plus d'actualité que jamais". Cent trente-sept États négocient actuellement sous l'égide de OCDE un nouvel accord international sur la fiscalité du numérique d'ici fin 2020. Alors que Bruno Le Maire a insisté sur l'urgence de la mise en place de cette taxe GAFA européenne, l'OCDE a annoncé, la même journée, que l'accord politique sur la fiscalité du numérique n’interviendrait pas en juillet comme prévu mais qu'il serait repoussé au mois d'octobre à cause de la pandémie du Covid-19. Par ailleurs, Bruno Le Maire a ajouté : "Il est juste que les multinationales n'échappent pas à l'impôt" réaffirmant la nécessité de mettre en place une taxation minimale.

Insistant sur ces deux chantiers européens, il a rassuré les internautes en affirmant qu'il n'était pas favorable à la taxation des ménages estimant qu'il faudrait compter sur eux pour faire repartir la machine économique.

Béatrice Constans

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