Décideurs. De quels ingrédients le leadership en politique se nourrit-il ?

Bruno Le Maire. Le leadership concentre plusieurs ingrédients. C’est tout d’abord savoir où l’on va et où l’on veut emmener les gens. Avec l’équipe constituée autour de moi, nous avons un objectif politique – incarner le renouveau à droite – vers lequel nous tendons. Ensuite il faut expliquer le chemin que l’on va emprunter et savoir distribuer les rôles en fonction des qualités. Le leadership, ce n’est pas tout faire à la place des autres, mais bien plutôt confier à chacun la tâche qu’il pourra accomplir. Enfin, cela requiert une capacité à s’occuper de chacun et à faire attention à tous, au plus fort comme au plus faible. Toute la difficulté réside dans la capacité à projeter une vision de long terme et à être attentif au moindre détail. Napoléon prêtait attention au moindre bouton de guêtre de ses soldats.

 

Décideurs. Le paternalisme est-il un ingrédient caché ?

B. Le M. Je ne crois pas au paternalisme. Il s’agit en réalité de donner son rôle à chacun. L’État ou le président de la République ou les pouvoirs publics ne feront pas tout, mais ils confieront à chacun le rôle qui lui permettra de tout faire. Tout devient possible dès lors que l’on ne fait pas les choses à la place des autres. Ministre de l’agriculture, j’avais fixé comme cap d’exporter le plus de produits agricoles, notamment la viande bovine. Mais c’est aux exportateurs, aux marchands de bestiaux, aux commerçants de viande et aux abatteurs que revient cette tâche. En même temps, il ne faut pas renoncer à sa vision. S’agissant du mariage pour tous, je me suis prononcé en faveur du mariage homosexuel, mais j’ai fait le choix de m’abstenir de voter le texte de loi car il allait trop loin. Une partie de mon électorat n’a pas compris cette position. Je la tiens pourtant et continue à l’expliquer, tout en demeurant très attentif aux inquiétudes des uns et des autres. Un leader ne doit pas suivre le courant dominant. Il en va de même pour la Centrafrique : j’ai voté contre le maintien des troupes françaises sur place. Nous sommes peu à avoir pensé de la sorte. Mais un leader ne suit pas la majorité ambiante et doit savoir dire non dès lors qu’il croit à ses idées.

 

Décideurs. Comment transformer son ambition individuelle en cause collective ?

B. Le M. Les ambitions personnelles n’ont aucun avenir si elles ne rencontrent pas une ambition collective. Les ambitions personnelles étant mort-nées, elles ne vont jamais nulle part et ne rencontrent pas l’adhésion du peuple. Et si l’ambition personnelle permet d’obtenir un poste, elle n’assure pas sa réussite. Le leader y parvient quand on reconnaît qu’il sert et non qu’il se sert.

 

Décideurs. Et l’altruisme ? Peut-on révéler le leadership de quelqu’un d’autre ?

B. Le M. C’est une question d’attention. Je crois beaucoup à cela en politique. L’avenir de la politique passe moins par le chef charismatique que le leader, capable de prêter suffisamment attention aux autres. Ce qui redressera demain la France ne sera pas d’avoir un chef tout-puissant, mais un chef qui fait attention aux autres et révèle leur talent. Au quotidien, ce qui me plaît le plus, c’est de révéler les talents, non des insatisfaits de la politique en place, mais des enthousiastes du renouveau que nous portons.

 

Décideurs. Un leader devant fonder sa relation aux autres sur la confiance et encourager leur adhésion, comment éviter l’écueil de la soumission et plus particulièrement de la société de cour, très présente en politique ?

B. Le M. Rappelons-nous La Fontaine : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Les flatteurs sont en effet nombreux en politique et j’ai rencontré, moi aussi, des conseillers qui approuvaient tout ce que je disais. Il faut confier et non soumettre. Actuellement, notre pays est en proie à des déchirements très violents. La sérénité, la sincérité et la simplicité sont les qualités que l’on attend plus que tout d’un leader. Pourtant, je suis très surpris de l’invasion de la technique dans le discours politique. On n’y comprend plus rien et cela inquiète tout le monde. Un chef se doit de fixer un cap. C’est pourquoi François Hollande est si peu convaincant. Il est rattrapé par la technique. Sa boîte à outils n’est pas à mettre à son niveau, mais à celui du ministre concerné. Le cas échéant, il n’y a pas le chef. Preuve qu’il faut savoir confier.

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