Officiellement lancée durant la crise sanitaire du Covid-19, Bold house agence intégrée dédiée au gaming et à l’eSport, fondée par trois spécialistes de l’entertainment, Vincent Bruère, ancien de l’industrie du cinéma, Victor Levy, ex-consultant et Nathan Reznik, gameur et créateur du concept de parc d’aventures en réalité virtuelle Illucity, reviennent sur le coup d’envoi de leur agence et sur la question de créer la surprise dans un contexte de binge watching.

Décideurs. Pouvez-vous nous ­présenter Bold House ?

Les fondateurs. Bold House est une agence intégrée qui intervient dans l’univers de l’entertainment et plus spécifiquement dans le gaming et l’e-sport. Plusieurs métiers y sont représentés en son sein. Nous sommes tout d’abord spécialisés sur l’événementiel. À ce titre, nous organisons et créons des concepts d’événements compétitifs et des animations autour du jeu vidéo. Nous sommes capables de les produire et de les superviser, et d’activer des influenceurs afin de renforcer la visibilité de ces événements. L’agence est aussi présente dans la production de contenus en livestreaming, notamment en matière de ­gaming, sur des plateformes telles que Twitch. Nous produisons également des contenus « froids », proposés sur des plateformes comme YouTube. Pour finir, une activité de consulting est née de la demande de certains clients d’être accompagnés sur des problématiques touchant au gaming et sur les audiences liées à ce public cible que sont les joueurs de jeux vidéo.

Vous lancez votre offre en pleine crise sanitaire. Est-ce un choix stratégique ?

C’est un hasard de calendrier. Cependant, il y a une volonté de ne pas nous laisser dicter notre rythme de travail par les crises rencontrées. Notre métier dans l’événementiel est de faire face à l’imprévu. Nous voulions, avant d’annoncer notre lancement, réaliser quelques projets d’envergure. Nous avons ainsi organisé, avant le début du confinement, une compétition autour du jeu Fifa 20 pour le groupe Warner Media en partenariat avec l’éditeur Electronic Arts. Quatre jours de compétition dans un studio à Paris avec les soixante meilleurs joueurs de Fifa au monde. Depuis le début de la crise, le jeu vidéo est particulièrement mis en avant et son usage est même, parfois, détourné à l’image du buzz obtenu par le happening de Travis Scott dans le jeu Fortnite. Ce dernier a offert dix minutes de concert, dont un titre inédit révélé lors de cette manifestation. Cet exemple montre que le jeu vidéo est un medium qui permet de vivre des expériences qui n’ont pas forcément de lien direct avec le jeu lui-même. Cet écho nous a conforté dans l’idée de lancer notre offre à ce moment précis et d’annoncer tous les services que nous étions capables d’offrir à des annonceurs, des marques endémiques ou non de l’univers du jeu vidéo afin de faire vivre des expériences à travers le gaming et de toucher in fine des publics très différents.  

Existait-il un besoin de la part des annonceurs et des producteurs de contenus ?

Pour l’heure, il n’existe pas de profils type du « gameur ». Chaque jeu regroupe une communauté qui lui est propre et donc des cibles aux caractéristiques différentes. Les annonceurs veulent toucher ces cibles-là et plus précisément le jeune public de la génération Z. C’est une population que nous ne retrouvons plus ailleurs ; elle déserte les cinémas, ne regarde plus la télévision mais consomme du contenu à la carte. Cependant, ces publics jouent et c’est ce à quoi les annonceurs s’intéressent pour les conquérir mais sans trop savoir comment s’y prendre. C’est pour toutes ces raisons que Bold House est né. Nous nous sommes rendu compte que le jeu vidéo est un moyen de s’adresser à des populations auxquelles les annonceurs n’ont aujourd’hui plus vraiment accès. Avec notre agence, nous voulions proposer une alternative à ce qui existe ­aujourd’hui. Des agences spécialisées, de grands groupes travaillent dans le domaine, mais il y a un ­décalage entre ce que les annonceurs affichent comme ambition et les actions mises en place. Avec nos sensibilités et nos compétences en matière de gaming, nous sommes, aujourd’hui, à même de proposer des solutions efficaces, créatives et alternatives.

" Le jeu vidéo est un moyen de s’adresser à des populations auxquelles les annonceurs n’ont aujourd’hui plus vraiment accès"

Assiste-t-on à une nouvelle médiatisation du jeu vidéo ?

Le gaming et l’eSport sont des sujets médiatisés depuis bon nombre d’années. Ce n’est pas nouveau. Il est très amusant de constater que l’industrie du jeu vidéo est communément placée parmi les nouvelles tendances alors que ce secteur est déjà colossal, très développé et mûr. Souvent, quand nous pensons entertainment, nous faisons référence au cinéma et à la musique. Pourtant, c’est bien le jeu vidéo qui génère les recettes les plus importantes dans ce secteur. À l’heure où le cinéma, en 2019, enregistrait des recettes respectivement de 49 milliards de dollars et de 20 milliards pour la musique, le gaming, lui, capitalisait plus de 150 milliards de dollars. Soit deux fois plus que les deux autres industries réunies.

Vous êtes spécialisé dans le gaming et l’eSport. Comment s’en sortent ces deux secteurs dans ce contexte particulier ?

Il convient de distinguer deux choses. En premier lieu, le gaming, qui fonctionne bien en cette période de confinement compte tenu des dernières grosses audiences du secteur. Les personnes ont besoin de se divertir. Vient ensuite, l’industrie du eSport, bien différente. Généralement, les événements de ce secteur ont lieu physiquement. Ce sont de grosses productions avec de gros moyens engagés et des shows importants. Or, dans le contexte actuel, ils ne peuvent pas avoir lieu. Certains ont été purement et simplement annulés, ou reportés. D’autres ont pu avoir lieu mais en mode online. C’est le côté positif. Ce choix permet à cet univers de continuer à tourner et aux audiences d’être au rendez-vous. En revanche, tous les plans de communication événementielle ont été annulés ou transformés ce qui leur offre moins de visibilité à l’extérieur.

Le binge watching est encore plus à l’honneur durant la crise. Comment créer la surprise dans un contexte si particulier ?

Dans nos secteurs d’activité, le plus important est la connaissance fine du public et du spectateur. En matière de gaming, il est difficile de s’improviser spécialiste. Pour traiter ce sujet, il faut créer du contenu pertinent pour un public exigeant. Il faut trouver un ton, une identité. Nous nous adressons notamment à un public jeune, celui dit de la génération Z, qui connait le digital sur le bout des doigts et va même jusqu’à créer les usages de demain. II y a une réelle exigence quant à l’originalité du contenu et le caractère authentique de l’histoire racontée. C’est comme cela que sont nés plusieurs influenceurs, « streameur » et « ­youtubeur » à succès. En se filmant chez eux, sans artifices, c’est ça qui plaît. Il faut être en mesure de garder cette ADN-là. Il faut raconter une histoire ­cohérente, qui soit perçue comme légitime par l’audience.

" Dans nos secteurs d’activité, le plus important est la connaissance fine du public et du ­spectateur. En matière de gaming, il est difficile de s’improviser spécialiste "

Un exemple à nous partager ?

Lors du Z Event 2019, un marathon ­gaming mené par plusieurs streamers à succès, ces derniers se sont engagés à participer au marathon de Paris si les dons récoltés pour l’Institut Pasteur dépassaient leurs attentes. L’objectif a été largement atteint avec plus de 3 500 000 € récoltés. Nous avons alors décidé avec notre client Adidas d’accompagner le streamer ­Gotaga dans ce challenge. Il y avait une belle histoire à raconter et cela avait du sens pour Adidas de suivre ce Youtubeur dans ses efforts de préparation. Nous avons donc imaginé la création d’une websérie qui relate sa préparation physique pour le marathon de Paris. 

Quels sont vos projets et ambitions sur le secteur ?

Nous voulons continuer à démocratiser le gaming et l’eSport comme un moyen de communication. À court terme, nous souhaitons accompagner nos clients sur les événements physiques qui ont été annulés notamment avec Roland Garros décalé après l’été. Nous travaillons ainsi avec la fédération française de tennis sur l’organisation d’un Roland Garros eSeries qui devrait se dérouler prochainement. Notre ambition, jusqu’à la fin de l’année, est de démontrer que le jeu vidéo est un canal très indiqué pour faire vivre des expériences au public. Et que le jeu vidéo n’est pas un divertissement qui isole mais qu’il peut, a contrario, être vecteur de ­sociabilité en créant du lien et des ­émotions. C’est toute sa force.

Propos recueillis par Alexandre Lauret

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