Nul besoin de labels ou d’audits pour concilier entrepreneuriat et préservation de l’intérêt général. Ben Cohen et Jerry Greenfield en sont la preuve depuis quatre décennies.

B Corporation aux États-Unis, Socièta Benefit en Italie, entreprise à mission en France… Les statuts récompensant les sociétés les plus vertueuses fleurissent en ce début de siècle. Mais certains dirigeants n’ont pas attendu leur arrivée pour agir en faveur d’un capitalisme plus respectueux de l’environnement, de la qualité des produits proposés ou des conditions de travail des collaborateurs. Parmi les précurseurs, citons Ben Cohen et Jerry Greenfield qui se cachent derrière la multinationale Ben&Jerry’s. Les deux Américains, charismatiques et socialement engagés sont parvenus à imposer leur vision sur le long terme. Avec, à la clé, une croissance économique qui fait des envieux.

Une station service dans le Vermont

C’est en 1978 que les deux amis d’enfance ouvrent leur première boutique de crèmes glacées dans une station-service désaffectée située à Burlington. Cette petite ville, capitale du très progressiste État du Vermont, est le fief électoral de Bernie Sanders, porte-étendard de la gauche au pays de l’oncle Sam. Une zone parfaite, donc, pour créer une entreprise à mission avant l’heure. Les affaires sont florissantes, surtout à partir de 1981, année où le Time décerne à Ben&Jerry’s le titre de « meilleures glaces du monde ». Ces dernières sont fabriquées dans des lieux de  production au fonctionnement étonnant.

Les collaborateurs les mieux payés, en l’occurrence les patrons fondateurs, ne peuvent gagner plus de cinq fois le salaire minimum en vigueur dans la société (la règle sera suspendue en 1994). Sécurité sociale, mutuelles : les conditions de travail détonnent dans un pays où le libéralisme à la Reagan triomphe. L’entreprise met l’accent sur le local en achetant son lait aux petits producteurs des environs quitte à ce qu’il soit plus cher. 7,5 % des bénéfices de la marque sont reversés à une fondation qui mène des programmes scolaires et sociaux au service des plus démunis. Certes, la vision de Cohen et Greenfield est coûteuse. Mais les profits sont au rendez-vous.

Conquête d'Unilever

En 2000, le géant de l’agroalimentaire Unilever met la main sur Ben&Jerry’s pour 326 millions de dollars. Les fondateurs acceptent la transaction à une condition : on ne touche sous aucun prétexte aux valeurs originelles. La gestion opérationnelle du glacier passe alors entre les mains du Français Yves Couette puis du Norvégien Jostein Solheim qui marchent dans les traces des deux pionniers du capitalisme responsable.

Unilever s'engage à respecter les valeurs du groupe

En 2003, le  programme Caring Dairy s’engage à proposer des produits respectueux de l’environnement puis, dix ans plus tard, Ben&Jerry’s promet de bannir progressivement les OGM de ses sorbets. La firme de Burlington est également présente sur le terrain politique. Si elle ne soutient aucun parti, elle déploie des campagnes pour inciter les jeunes citoyens à s’inscrire sur les listes électorales, milite contre les forages pétroliers en Alaska ou contre les niches fiscales. Un engagement qui ne met pas pour autant le business de côté. En 2019, la marque a vendu pour 681 millions de dollars de glace, devançant son grand concurrent Häagen-Dazs.

Lucas Jakubowicz

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