En première ligne face à la crise économique, la direction financière doit rapidement s’adapter pour continuer à travailler quotidiennement, recentrer ses efforts sur sa trésorerie et réajuster ses prévisions et son bilan. Baptise Janiaud, DAF du spécialiste français du traitement des déchets dangereux Séché Environnement détaille les actions mises en place depuis le mois de mars.

Décideurs. Quelles ont été les conséquences immédiates de la crise sur l'organisation de la direction financière ?

Baptiste Janiaud. Concrètement, la crise a engendré un changement fondamental au sein de la DAF. Nous avons bien sûr suivi les conseils et recommandations du gouvernement, ce qui a conduit à placer chacun des membres de l’équipe en télétravail. C’était une grande première : ce n’est pas la première crise que nous traversons mais c’est la première qui impose un confinement. Nous avons donc dû adopter notre quotidien à ces nouvelles contraintes. Selon les métiers, la chose est plus ou moins facile et même pour ceux que cette méthode de travail ne devait pas gêner, encore fallait-il pouvoir compter sur des réseaux de qualité non saturés. Bref, la première urgence à traiter était organisationnelle.

Cette situation a-t-elle également induit un bouleversement stratégique dans la conduite des projets en cours ?

Bien sûr. Nous avons mis entre parenthèses plusieurs missions pour nous focaliser sur deux points fondamentaux. Le premier consiste à concentrer la DAF, mais aussi les opérationnels, sur la gestion du cash pour ne pas en manquer. Pour ce faire, nous avons institué un call de crise quotidien à ce sujet qui réunit les directeurs de sites, les opérationnels, les fonctions support et le directeur général. Après la santé et la sécurité de nos collaborateurs, la gestion de la trésorerie est notre priorité. Le reste – comme les investissements non directement indispensables – est gelé le temps que nous puissions avoir une vision plus précise de la crise, de son ampleur et de sa durée. La facturation est donc clé. Notre activité étant jugée « essentielle », elle n’est pas interrompue et nous continuons à facturer et à procéder au recouvrement. La seule vraie nouveauté consiste à informatiser les échanges et à informer le client de la possibilité de fractionner son paiement. La révision de notre budget demeure notre second point d’attention. Il nous faut l’ajuster au regard de la situation et parvenir à quantifier l’impact de la crise sur notre activité du second semestre en fonction de différents scénarios macroéconomiques de production industrielle, de croissance de PIB ou de durée du confinement.

" Les mesures annoncées par l’exécutif montrent une prise de conscience salutaire "

La survenance de cette crise modifiera-t-elle durablement votre façon de travailler ?

Une fois le confinement levé, viendra l’heure du bilan du télétravail. Même s’il n’est pas un système parfait, je pense qu’il sera impossible de revenir à une organisation exclusivement présentielle. Indéniablement, la crise aura été une expérience sur le mode de fonctionnement du groupe. Mais elle est aussi l’occasion de lancer des projets que nous n’avions pas pu inaugurer, trop occupés par notre quotidien. Ainsi, nous profitons du confinement pour changer d’ERP. Voilà typiquement le genre de chose qui peut parfaitement se mener depuis chez soi et qui nous fera gagner du temps, chacun pouvant suivre les ateliers de formation. Notre rôle de manager nous incombe aussi d’être optimiste et de savoir le transmettre. Le confinement est une période angoissante et pénible. Lancer de grands projets structurants nous fait avancer et nous concentrer sur le positif.

En tant que directeur financier, comment jugez-vous les mesures d'aides mises en place par le gouvernement ?

J’ai déjà traversé plusieurs crises dans lesquelles les entreprises ont beaucoup souffert. Les mesures annoncées par l’exécutif montrent une double prise de conscience salutaire. D’une part, assurer la liquidité des sociétés et du système bancaire. C’est une nécessité absolue que de maintenir à flots les entreprises et de leur permettre de payer les salaires en les aidant sur leur besoin en fonds de roulement. D’ailleurs, l’accès facilité aux liquidités fonctionne très bien. Le report à six mois des échéances fiscales et sociales, d’autre part, est une excellente chose pour mieux gérer sa trésorerie. La procédure pour en bénéficier est simple et efficace. Toutes ces mesures sont positives, même si, le choix de maintenir l’exigibilité de certains impôts et taxes et de reporter le paiement de certains autres me laisse perplexe. Par ailleurs, les montants injectés dans l’économie française sont significatifs. Ce qui est fait est de nature à répondre à la problématique de surmonter quelques semaines avec des facilités de trésorerie. Elles peuvent être suffisantes si l’activité reprend mi-mai. En revanche, elles ne le seront pas pour faire face à un redémarrage dynamique de l’activité dans notre pays ou si la crise s’avère bien plus profonde et plus longue, comme certains scénarios le laissent croire.

Propos recueillis par Sybille Vié

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