Benoît Boru, directeur général et associé fondateur d’Insti7, nous dévoile l’état d’esprit et les stratégies mises en œuvre par les investisseurs institutionnels dans un environnement qualifié d’incertain.

Créé en 2007, Insti7 est un cabinet de conseil en investissements financiers indépendant dédié aux investisseurs institutionnels. Ses équipes accompagnent aujourd’hui une soixantaine de clients – caisses de retraites, entreprises, fondations, assureurs, mutuelles, associations, fonds de garantie– et comptent près de 60 Md€ d’actifs sous conseil. Leur cœur de métier étant la stratégie financière et l’allocation d’actifs dans un environnement de risques contrôlés.

Décideurs. Un grand nombre d’incertitudes – économiques, politiques et financières – entourent actuellement les marchés financiers. Avez-vous le sentiment que les investisseurs institutionnels naviguent à vue ? Sont-ils inquiets ?

Benoît Boru. Les précédentes crises financières les ont poussés à mieux se préparer, à disposer d’outils plus performants. Ce travail a également été motivé par des changements réglementaires et l’application des nouvelles normes comme par exemple la directive Solvabilité II. Les investisseurs institutionnels appréhendent le risque d’une manière plus globale que les gérants d’actifs Le risque n’est pas uniquement financier, mais il est aussi comptable, réglementaire et politique. Les investisseurs pilotent leur stratégie financière à long terme en intégrant notamment les risques de marchés. Ils ne sont pas inquiets à court terme mais si l’environnement de taux négatifs était amené à perdurer, les assureurs pourraient en souffrir en raison de la hausse des provisions induite par l’actualisation à des taux nuls voire négatifs. Même si les institutionnels gèrent le risque dans leur allocation en actifs risqués, notamment les actions, sur les marchés de taux, le risque est difficile à appréhender et la gestion actif passif dans un environnement de taux négatifs est un casse-tête.

"Les institutionnels veulent être conscients du risque de perte maximale de leur portefeuille"

Comment le risque est-il pris en compte par ces investisseurs ? Quels outils utilisent-ils pour le contrôler, le gérer ?

En règle générale, ils veulent être conscients du risque de perte maximale de leur portefeuille. Ils s’évertuent à identifier et évaluer les risques de marché mais aussi à stresser leurs portefeuilles en augmentant virtuellement le taux de défaut, en stressant la liquidité, en simulant une hausse de taux ou une baisse du marché actions pour vérifier qu’ils soient bien en capacité d’assumer les risques en portefeuille.

La gestion active peine depuis quelques années à démontrer sa valeur ajoutée face à la gestion passive, notamment en ce qui concerne la performance. L’une des raisons évoquées est l’application de frais de gestion trop élevés. Comment les investisseurs réagissent-ils ?

Un ETF ou un fonds indiciel réplique un indice, or cela ne peut pas être une gestion passive pour la simple et bonne raison qu’un indice est déjà une stratégie en soi. Peu d’investisseurs se posent la question de l’opportunité de la stratégie de l’indice eu égard à des objectifs financiers. En effet, une stratégie n’a de sens que si elle répond à des objectifs et des besoins. Si le seul argument est la baisse des frais, cela ne me semble pas être un choix adéquat. Pour cette raison, nous proposons souvent des stratégies dédiées à nos clients. Et dans ce cadre-là, on peut demander aux gérants une gestion passive à faible tracking error. Les investisseurs institutionnels seront cependant toujours prêts à payer des frais élevés pour de la gestion active à forte valeur ajoutée.

"Concernant l'ISR, il faudra que le législateur mette en place de véritables standards de marché"

L’Investissement socialement responsable (ISR) est le leitmotiv des assureurs et mutuelles pour leur investissement. Leur politique ISR vous semble-t-elle efficace ?

La question est complexe. L'article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été un véritable électrochoc. Elle a poussé les investisseurs à mettre en œuvre une politique ESG, à définir en interne ce que représentait cette démarche pour leur institution. La politique d’exclusion est parfois compliquée à concrétiser. L’investissement en utilisant des critères ESG n’est pas manichéen. Les investisseurs doivent définir ce qui, au travers de leur investissement, pourrait répondre à leur politique et à leurs enjeux sociaux, de gouvernance ou de climat. Tous les investisseurs n’ont pas encore terminé ce travail., il doit illustrer une vraie stratégie de long terme.  Toujours est-il que l’ISR a entraîné un déploiement de capitaux dans le financement de l’économie régionale et de certaines industries dont il ne faut pas mésestimer l’impact social. En termes d’analyses et de notations extra-financières, L’élément le plus important n’est pas – à mon sens - la note en termes absolu mais la dynamique de ces analyses dans le temps. À terme, il faudra par ailleurs que le législateur mette en place de véritables standards de marché. La multiplication des labels est en train de noyer les investisseurs. Un label ISR européen pourrait être une solution.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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