En même temps que sa prise de fonction en qualité de vice-présidente exécutive du secrétariat général du groupe Servier le 1er avril dernier, Béatrice Bihr a rejoint le comité exécutif du géant pharmaceutique. Rencontre.

Décideurs. Vous venez d’entrer au comex du groupe Servier. Quel est votre parcours ? 

Béatrice Bihr. J’ai une double formation, en droit et commerce. Je suis diplômée de HEC (1998) et de Sciences Po (1995) et j’ai étudié le droit à la Sorbonne où j’ai suivi un troisième cycle en droit des affaires et droit économique. 

Ma carrière a commencé en droit des affaires dans un cabinet d’avocats à Paris. J’ai prêté serment au barreau de Paris en 2000. Puis au bout de cinq ans, je suis partie avec ma famille aux États-Unis où j’ai repris des études à l’Université de Chicago et passé le barreau de New York dans la foulée. C’est au sein du cabinet Debevoise & Plimpton LLP à New York que j’ai exercé avant de les rejoindre à Paris.  

La première partie de ma carrière a donc été dédiée au droit des affaires ainsi qu’aux fusions-acquisitions en accompagnant des clients internationaux, des fonds d’investissement ou encore de grandes banques. À la suite de cette expérience, j’ai décidé de rejoindre le monde de l’entreprise et le groupe Artémis, holding du groupe PPR dirigé par François Pinault. Une étape très enrichissante qui m’a permis de découvrir le métier de juriste d’entreprise.

J’ai poursuivi ma carrière en intégrant la société 118 218, opérateur de services de téléphonie, avant de rejoindre le secteur pharmaceutique et le groupe Teva en qualité de directrice juridique puis de secrétaire générale et directrice juridique exécutive. J’y ai découvert un secteur incroyable, à la fois sur le plan humain avec des personnes tournées vers la recherche et les patients, et très complexe car extrêmement réglementé, donc passionnant au regard des enjeux. 

Que vous a apporté votre première partie de carrière en tant qu’avocate en France et à l’international ? 

J’aime œuvrer à la résolution de problèmes complexes et le fait d’avoir exercé dans différents secteurs d’activité, dans différents pays, m’a exposée à beaucoup de situations très variées. Ce parcours a nourri mon expérience, ma créativité et ma curiosité. Surtout, j’ai toujours considéré le droit comme une boîte à outils dans laquelle je vais puiser les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs que se fixent mes clients.  

J’ai également la chance d’avoir pu développer une vision multiculturelle. D’abord à titre personnel, puisque j’ai grandi à Berlin et suis franco-allemande. Aussi parce que j’ai également étudié aux Pays-Bas dans le cadre d’un programme Erasmus, ainsi qu’au Canada en MBA à McGill lors de mon cursus à HEC avant de rejoindre des groupes internationaux.  

"J’ai toujours considéré le droit comme une boîte à outils dans laquelle je vais puiser les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs que se fixent mes clients"

Aujourd’hui, je mets cette expérience au service du groupe Servier. Un groupe pharmaceutique qui distribue des médicaments dans 150 pays, dispose de 66 filiales, et réalise près de 80 % de son chiffre d’affaires à l’international. Le groupe a par ailleurs accru sa présence aux États-Unis via deux acquisitions récentes : la branche oncologie de Shire en 2018 et la division oncologie d’Agios Pharmaceuticals en 2021. 

Vous avez également été directrice juridique pour les laboratoires Teva. Quels sont, selon vous, les grands enjeux ou les défis à venir pour les laboratoires pharmaceutiques ? 

Il est passionnant de travailler dans la pharma actuellement. La crise a mis un coup de projecteur sur le rôle essentiel de l’industrie pharmaceutique et de l’innovation thérapeutique. Les trois principaux défis auxquels est confrontée l’industrie pharmaceutique sont l’innovation, l’indépendance sanitaire de la France et de l’Europe et celui de l’accès au marché des médicaments innovants. 

L’innovation constitue le premier défi auquel notre industrie doit faire face. Elle a prouvé qu’elle était capable, en un temps très court, de développer des vaccins performants et de les produire en grande quantité. Il faut demain être en mesure d’accompagner cette innovation afin de créer les conditions favorables à son émergence.  

"Les trois principaux défis auxquels est confrontée l’industrie pharmaceutique sont l’innovation, l’indépendance sanitaire de la France et de l’Europe et celui de l’accès au marché des médicaments innovants"

Le deuxième grand défi touche à l’indépendance sanitaire de la France et de l’Europe. La crise de la Covid-19 a mis en évidence la forte dépendance de leurs systèmes sanitaires vis-à-vis du reste du monde. Une réflexion autour de l’attractivité du territoire français et de l’Union européenne doit être menée. La France a figuré pendant longtemps parmi les premiers pays producteurs de médicaments, elle a aujourd’hui perdu cette place de leader. Si l’activité de Servier est très internationale, le groupe a fait, depuis toujours, le choix de la France puisque 98 % des principes actifs des médicaments Servier sont produits sur le territoire national, malgré un coût de main-d’œuvre plus élevé. C’est un choix d’entreprise, au même titre que celui d’avoir investi significativement dans la création d’un institut de recherche et développement sur le plateau de Saclay qui ouvrira ses portes en 2023. 

Le troisième grand défi concerne l’accès au marché des médicaments innovants. À ce titre, la remise en cause actuelle de la propriété intellectuelle risque de fragiliser un modèle qui a fait ses preuves.  

Quelle est votre nouvelle feuille de route en tant que secrétaire générale du groupe Servier ? 

En qualité de secrétaire générale du groupe, j’ai la responsabilité de sept directions : la direction juridique, celles de la gestion du contentieux, de la compliance et des données personnelles, ainsi que celles des affaires publiques, des risques, assurances et contrôle interne, celle des marques, IT & lutte contre la falsification et enfin la direction de la performance du secrétariat général. Sept directions qui regroupent environ 180 personnes.  

Avec mes équipes, nous allons contribuer aux projets de transformation du groupe. 

Parmi les chantiers prioritaires : la recherche en oncologie, axe fort de la stratégie du groupe ; l’accompagnement de la transformation de la R&D, notamment avec le nouvel institut de R&D Servier à Paris-Saclay qui regroupera d’ici 2023 l’ensemble des activités de R&D du groupe basées en France. L’objectif de cet institut est très ambitieux puisque nous souhaitons développer une nouvelle entité moléculaire tous les trois ans, dont une d’ici 2025. Les autres chantiers prioritaires portent sur la transformation digitale du groupe, la poursuite du soutien de la politique de l’EFPIA [Fédération Européenne des Associations et Industries Pharmaceutiques, Ndlr] dont notre président, Olivier Laureau, vient d’être nommé le 16 juin dernier second vice-président. Enfin, dernier chantier, le groupe ayant une forte présence à l’international, je vais aller à la rencontre des équipes à travers le monde, pour recréer du lien humain après cette période complexe : j’ai hâte de faire leur connaissance ! 

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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