La vague verte observée lors des dernières élections municipales a été marquée, entre autres, par l’arrivée des écologistes à la tête de la Métropole de Lyon. Le nouveau président, Bruno Bernard, détaille sa feuille de route en matière de stratégies urbaines pour la mandature 2020-2026*.

Décideurs. Quels grands projets entendez-vous mener à bien en matière d’urbanisme pendant votre mandat ?

Bruno Bernard. Au niveau de l’urbanisme, nous souhaitons une métropole plus apaisée et plus végétalisée tout en densifiant les espaces qui se situent au niveau des axes denses des transports en commun. Nous allons poursuivre les projets immobiliers en cours à l’échelle de la métropole comme l’aménagement de la Saulaie à Oullins qui comprendra 650 logements (dont 50 % en social), 57 000 mètres carrés de bureaux, 6 000 mètres carrés de commerces et 6 000 mètres carrés d’activités. Il pourra être amendé à la marge mais verra bien le jour. À La Part-Dieu, les projets d’immeubles de bureaux qui ont été lancés iront eux-aussi à leur terme. Nous allons néanmoins fixer la fin de la construction tertiaire permanente et développer davantage de logements. À l’échelle de la métropole, nous avons l’ambition de réaliser 6 000 logements sociaux par an d’ici la fin de la mandature contre 4 000 actuellement. Ils seront construits dans des programmes comportant également des logements privés. Nous avons par ailleurs la volonté de revitaliser les centres de quartiers et le centre-ville grâce à l’urbanisme et en soutenant les commerces de proximité en contrôlant le foncier commercial.

Quelles relations de travail souhaitez-vous promouvoir avec les acteurs privés de la fabrique de la ville ?

Je suis en contact régulier avec eux, tout comme les vice-présidents en charge des sujets relatifs à la fabrique de la ville. Nous avons besoin de comprendre tous les paramètres et eux de saisir ce que nous comptons faire. Notre volonté est d’accélérer les projets pour en réaliser un maximum au cours de la mandature et pour relancer l’économie. Nous soumettrons notre programmation pluriannuelle des investissements (PPI) au vote du conseil de la Métropole en janvier 2021, soit six mois seulement après notre élection alors qu’il faut généralement un an pour l’élaborer et la faire adopter. En parallèle, nous comptons donner de la visibilité aux acteurs économiques en apportant de la lisibilité et de la stabilité. Nous allons par exemple procéder à la troisième modification du Plan local d’urbanisme de la Métropole de Lyon (PLU-H). Il traduira notre volonté politique dans la construction, à savoir la préservation de l’eau, la prise en compte des mobilités actuelles, la diminution de l’empreinte carbone, l’intégration de la biodiversité… Nous lancerons une consultation au printemps 2021 pour étudier les différentes options qui s’offrent à nous et déterminer le rythme auquel nous pourrons avancer. Notre objectif est d’adopter ce nouveau PLU-H en 2022.

"Nous allons déployer une politique globale qui permettra de construire davantage de logements tout en menant une action foncière forte"

Pourquoi voulez-vous mettre en place l’encadrement des loyers à Lyon et Villeurbanne ?

Nous constatons actuellement une forte hausse des prix des logements à l’acquisition dans le centre-ville de la métropole, de l’ordre de 6 % et plus par an. Les loyers progressent quant à eux de 1,5 % en moyenne. La tension est donc forte sur le marché immobilier. Pour éviter qu’une grande partie de la population ne se retrouve exclue de ces secteurs, nous allons déployer une politique globale qui permettra de construire davantage de logements tout en menant une action foncière forte afin de céder des terrains à des bailleurs sociaux et à des promoteurs privés dans le cadre de programmes avec des prix de sortie plafonnés. L’encadrement des loyers constitue un autre outil de cette politique globale. Nous ciblons en particulier les petites surfaces pour protéger les populations précaires. Cette mesure s’accompagne d’une politique de contrôle avec la mise en place d’une brigade du logement pour lutter contre l’habitat indigne, faire respecter l’encadrement des loyers, repérer les logements vacants et empêcher les dérives liées aux plateformes de location de courte durée.

Quelle politique globale de mobilité souhaitez-vous décliner au cours de votre mandat ?

L’une des priorités absolues est de lutter contre la pollution. Pour ce faire, nous devons muscler l’offre alternative à la voiture. Cette approche aura également pour vertu de permettre aux usagers de mieux se déplacer, ce qui va dans le sens de l’égalité territoriale, et de gagner du pouvoir d’achat. Concrètement, nous allons déployer un plan piéton métropolitain. Nous comptons également multiplier par trois les déplacements à vélo au cours de la mandature. Pour ce faire, nous renforcerons la sécurité en développant un réseau express vélo de 250 kilomètres d’ici 2026 et lutterons contre les vols avec l’aménagement de nouvelles places de stationnement sécurisées. Concernant les transports en commun, notre politique comprend trois temporalités. Nous augmenterons l’offre de bus de 20 % d’ici la mi-mandat en ouvrant davantage de lignes et en augmentant la fréquence de passage ainsi que les amplitudes horaires. À horizon moyen terme, nous aménagerons 60 kilomètres de lignes fortes de transports en commun, avec le développement du tramway et des lignes de bus à haut niveau de service. Enfin, nous avons lancé les études en vue de l’installation d’une première télécabine et organiserons un débat citoyen à l’automne 2021 pour étendre et/ou construire de nouvelles lignes de métro. Ce dernier volet s’inscrira dans une échelle de temps de quinze ans environ. Pour financer ces différents projets, nous investirons 2,5 milliards d’euros pendant notre mandature contre 1,1 milliard d’euros au cours de la précédente.

"Nous avons pour objectif d’investir 200 millions d’euros par an pour isoler 10 000 logements"

Vous avez annoncé votre volonté de créer une régie publique de l’eau. Où en est le projet ?

Nous devons préserver cette ressource car toutes les métropoles seront confrontées à des problèmes d’alimentation et de pénurie au cours du siècle en cours. Cette réduction de la consommation passe, notamment par l’agriculture, les bâtiments… Cela s’accompagne de la mise en place d’une régie publique de l’eau avec des motivations philosophiques et économiques. Premièrement, l’eau est un bien commun et elle ne peut pas être vendue comme une marchandise. Ensuite, la vision publique est plus adaptée pour gérer cette ressource sur plusieurs décennies. De plus, toutes les villes françaises qui ont fait le choix de repasser en régie publique ont constaté un bénéfice économique. Et cette configuration nous permettra de travailler sur une tarification sociale et progressive tout en associant les citoyens et les différents territoires à la gestion de l’eau. Le principe de cette évolution sera soumis au vote lors du prochain conseil de la Métropole de Lyon. La délégation de service public actuelle se terminant le 31 décembre 2022, la mesure sera effective le 1er janvier 2023.

Vers quel mix énergétique voulez-vous tendre au niveau métropolitain et comment prévoyez-vous d’y parvenir ?

Notre priorité est de diminuer la consommation d’énergie. Cela passe notamment par l’isolation des bâtiments résidentiels et publics. Nous avons pour objectif d’investir 200 millions d’euros par an pour isoler 10 000 logements, ce qui permettra également aux habitants de mieux vivre pendant les périodes de canicule et, in fine, de préserver le climat. La décarbonation des consommations d’énergie est justement un autre axe fort de notre politique. Nous n’achèterons plus de bus à motorisation diesel et ferons disparaître progressivement les véhicules les plus polluants dans la zone à faibles émissions de la Métropole de Lyon. Concernant le mix énergétique, nous voulons doubler la production d’énergies renouvelables du territoire d’ici 2030, notamment grâce au développement du photovoltaïque et à la récupération des ressources existantes telle que la chaleur produite par la plateforme industrielle de la Vallée de la Chimie. Quel regard portez-vous sur les propositions de la convention citoyenne pour le climat ? Comme nous avons pour objectif commun de préserver le climat, beaucoup de propositions de la convention citoyenne se retrouvent dans les projets que nous allons déployer. Ce sera le cas par exemple de l’alimentation plus locale, saine, et moins carnée avec les évolutions des menus dans les cantines des collèges. C’est également vrai dans l’agriculture avec l’accompagnement que nous proposerons à nos 350 exploitants pour leur permettre de travailler différemment, la limitation de la publicité dans les espaces publics, notre opposition à l’installation d’un nouvel entrepôt XXL d’Amazon à proximité de l’aéroport Saint-Exupéry et notre soutien au commerce de proximité pour mettre fin au développement du commerce de périphérie qui concourt à l’étalement urbain…

Propos recueillis par François Perrigault

*Cette interview est extraite du guide Acteurs Publics 2020

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