Éditeur de contenus dans des domaines aussi variés que le cinéma, les jeux vidéo, la cuisine ou la beauté, le spécialiste français des médias en ligne fait face à la transformation des relations avec les internautes. Son directeur des publications, Arnaud Métral, nous livre sa vision du métier et de son avenir, dans un univers marqué par l’arrivée permanente de nouveaux concurrents.

Décideurs. Quelle ligne éditoriale réussissez-vous à impulser avec des contenus aussi disparates que ceux couverts par les sites de Webedia ?

Arnaud Métral. Notre ligne éditoriale et nos stratégies de production de contenus sont spécifiques à chacun de nos verticaux. La manière de parler à nos audiences sur le cinéma, l’univers des jeux, les activités autour de la cuisine, de la mode-beauté ou des voyages sont évidemment des contenus distinctifs. Structurellement, ces activités sont séparées, même si nous travaillons sur un grand nombre de synergies, notamment dans la compréhension des nouveaux canaux de distribution. L’adaptation des contenus à l’expérience mobile s’impose, sachant que le mobile est devenu chez nous, comme pour beaucoup de médias, la première interface de contact avec notre public. Nos stratégies sont affinées sur les réseaux sociaux, via nos propositions de contenus sur Facebook, Instagram, Snapchat et Twitter. Et avec le déploiement sur les nouveaux points de contacts qui se produisent grâce aux progrès technologiques avec les bots ou robots conversationnels, par exemple, les interfaces vocales comme Google Home, ou Alexa, celle d’Amazon.

Comment coordonnez-vous ces stratégies entre vos différents sites ?

En analysant les facteurs de succès et les attentes de l’audience, sur le fond comme sur la forme. Les approches créatives, la compréhension de ces modèles, les process, les outils de production notamment autour de la vidéo sont au cœur de nos réflexions. La capacité à comprendre ce qu’attend une audience, en particulier lorsqu’elle est exposée à un contenu sur les réseaux sociaux est décisive. Il faut apporter une offre adaptée, là où les internautes consomment nos contenus, à savoir en mobilité et sur leurs points de contacts. En l’occurrence, de plus en plus hors de nos sites ou de nos applications. Ce qu’on appelle la plateformisation oblige nos marques à exister de plus en plus sur ces différents circuits de distribution.

Quels sont les grands enjeux des mois à venir pour Webedia ?

Nous avons quatre enjeux majeurs. Le premier est de transformer notre métier d’éditeur face à cette plateformisation. Si les contenus demeurent sur nos sites, ils doivent également continuer à vivre de plus en plus, en dehors. Nous devons nous adapter aux nouveaux modes de consommation et aux nouvelles formes d’interactions qui sont, pour certaines, rendues possibles grâce aux évolutions technologiques comme l’intelligence artificielle par exemple ou encore les bots ou les interfaces vocales. Nous avons créé notre bot sur AlloCiné  et aussi une skill  [NDLR : l’équivalent d’une application pour un smartphone permettant d’exécuter certaines commandes] sur Alexa qui offre une présentation de l’ensemble des sorties hebdomadaires au cinéma. Le deuxième enjeu est de devenir un acteur majeur de la production de contenus sur un spectre assez large à travers un certain nombre d’initiatives de production ou de coproduction de jeux vidéo, d’événements, de séries, voire des films pouvant être distribués sur les nouvelles plateformes.
Le troisième gravite autour de l’intensification et de la diversification de notre approche du e-commerce. Aujourd’hui, le portefeuille de Webedia compte un certain nombre d’activités d’e-commerce ou d’intermédiations avec des plateformes comme Pure Shopping ou des stores.Dans cette logique, nous éditons aussi trois box : la Wootbox orientée autour de la culture geek des jeux vidéo, Illicofresco avec ses paniers-recettes prêts à cuisiner livrés à domicile sur abonnement, et Prescription Lab dans l’univers de la beauté. Ce développement en France et à l’international va s’intensifier en renforçant nos activités de merchandising et de licensing.

Et le quatrième point ?

C’est l’internationalisation. Notre cycle de développement des trois ou quatre dernières années a vu un renforcement extrêmement fort de notre activité hors de nos frontières, notamment en Allemagne, en Espagne et au Moyen-Orient. Le Brésil est devenu notre premier pays en matière d’audience. En plus du Mexique où nous sommes déjà présents, nous nous déployons également dans un certain nombre de pays d’Amérique latine ainsi qu’aux États-Unis.

Pensez-vous que la communication généraliste, via des campagnes « institutionnelles » grand public, est dépassée ?

Sans être aussi définitif, le rapport à la publicité a changé, en particulier pour notre cible prioritaire que sont les milleniums [ndlr. :la génération née depuis 2000]. La publicité est souvent considérée comme intrusive, avec pour conséquence, l’essor des bloqueurs publicitaires. En outre, de manière complémentaire, le contenu est un relais très efficace, d’où nos initiatives autour de l’événementiel et de l’activation d’influenceurs dans les stratégies des marques. Notre filiale Mixicom, leader des réseaux d’influenceurs, regroupe un certain nombre leaders digitaux majeurs, comme les youtubeurs Norman et Cyprien.

Les spectateurs sont de plus en plus demandeurs d’interactions avec les diffuseurs et ne sont plus des consommateurs passifs. Quelle est votre stratégie d’innovation pour les satisfaire ?

Un autre de nos piliers est l’approche verticale. Nous cherchons sans cesse à nous développer et à créer des propositions de valeur autant pour les internautes que pour les annonceurs. L’objectif est de cibler les points de passion des spectateurs, de parler cinéma aux cinéphiles, de jeux vidéo aux passionnés de cet univers. Le critère de succès est de proposer une expérience fondée à la fois sur l’exhaustivité et la qualité de nos bases de données, ainsi que sur la force de nos contenus Au-delà de ces paramètres, une approche servicielle de plus en plus personnalisée prévaut.

Concrètement, qu’est-ce qu’une approche servicielle ?

Notre moteur de recommandation sur mesure sur Allo Ciné par exemple en est une. C’est aussi la capacité de développer un tel outil en utilisant toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies impliquant le traitement massif de données, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique. Cela permet à l’utilisateur d’organiser ses activités cinéma et séries avec des recommandations parfaitement personnalisées.

À l’heure où tout doit aller plus vite et où l’offre média est plus diversifiée que jamais, comment proposer un contenu qui retienne un internaute sur vos pages ?

La relation au temps est un élément de ce profond changement à l’ère du digital. Il faut être en mesure de proposer, ne serait-ce que d’un point de vue technique, des interfaces réactives et qui soient adaptées aux outils de consommation. Donc avec un focus très fort sur le mobile, pour que l’utilisateur bénéficie de l’immédiateté du chargement d’une page. Le second élément du changement de la relation au temps est la multiplication des points de contact. Le public est exposé à nos marques via notre site, les réseaux sociaux, les interfaces vocales. Il faut être partout, là où est l’internaute.

Le développement technologique est-il internalisé chez Webedia ?

Absolument. L’entreprise digitale que nous sommes s’articule autour de ces technologies avec la volonté stratégique de les maîtriser en totalité. Toutes nos équipes sont en interne. Les infrastructures techniques sont gérées in situ avec nos développeurs, nos data scientists. Et nous sommes parmi les seuls à développer notre propre serveur de publicité. Pour proposer ce service à nos clients, nous croyons beaucoup en l’apport de la technologie, au développement de solutions Saas, que ce soit autour de l’édition de contenus ou de stratégies sociales et de référencement. Toutes ces solutions sont destinées à être mises à disposition de nos clients. Aucune production de contenus, de médias et de stratégies performante sans une maîtrise totale de sa technologie et une synergie parfaite entre les deux ne peut être mise en œuvre.

Quel est votre élément marquant de différentiation dans l’univers ultra-concurrentiel des médias en ligne ?

La spécificité de nos marchés verticaux et l’analyse que nous avons faite nous apporte une connaissance très précise des communautés utilisatrices. Cela nous permet d’anticiper et de proposer à nos audiences les services dont ils ont besoin. Cela nous offre également la possibilité de mettre à disposition de nos clients et annonceurs l’apport de ces audiences avec les data récoltées et nos capacités d’activation de ces communautés. Nous sommes hyperspécialistes des univers que nous couvrons.

L’ambition affichée de l’actionnaire est de réaliser 500 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2020. Quels sont les développements envisagés pour y parvenir ?

Cela rejoint l’un de nos enjeux majeurs. Devenir une véritable entreprise de divertissement. Au-delà du renforcement de notre activité historique d’éditeur de contenus, en développant des marques de divertissement multiforme, c’est-à-dire des contenus audiovisuels, de l’événementiel, du e-commerce, du merchandising en se fondant sur nos savoir-faire. Ce déploiement ne se fera pas sans l’appui de l’ensemble de nos actifs dans le groupe et, en particulier, des influenceurs par le biais de notre label mondial Talent Web. Notre volonté est de déployer tout cela à l’international.

Propos recueillis par Philippe Labrunie

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