La bataille du vaccin est lancée

Pas moins de 150 projets de vaccins sont menés dans le monde face au nouveau coronavirus. Une bataille scientifique et géopolitique, qui cache toutefois d'immenses défis scientifiques.
"Seul un vaccin sûr et efficace permettra un retour du monde à un sentiment de normalité", assure le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Mais combien de temps faudra-t-il attendre ? Six mois, un an, deux ans, plus encore ? Rien n'est écrit aujourd'hui. Les objectifs sont particulièrement ambitieux : sept à dix ans sont habituellement nécessaires pour développer un vaccin. Sans compter que les mécanismes du Covid-19 ne sont pas encore bien compris par les chercheurs. L'immunité qu'il induit, et que doit simuler un vaccin, semble même se révéler très peu efficace à long terme.
Sept à dix ans sont habituellement nécessaires pour développer un vaccin
À travers le monde, 150 équipes de recherche tentent aujourd'hui de relever le défi. La plupart sont en phase préliminaire : il s'agit d'abord d'identifier la stratégie vaccinale la plus efficace pour susciter cette réponse immunitaire. La majorité utilise des fragments du coronavirus, couplés à un virus ordinaire, comme un adénovirus ou un virus du rhume, pour servir de vecteur viral. D'autres utilisent des versions synthétiques du Covid-19, une procédure beaucoup plus sûre, mais aussi plus complexe et plus coûteuse à fabriquer.
La sécurité avant tout
Parmi tous les projets en cours, une vingtaine ont aujourd'hui dépassé ce stade, et entamé des essais précliniques sur des animaux. Mais une poignée seulement est officiellement entrée en phase I d'essais, sur l'homme. Une étape qui, de façon un peu paradoxale, pourrait être la plus importante. Il s'agit en effet de déterminer non pas l'efficacité, mais la sûreté des injections en utilisant différentes doses sur un groupe restreint de personnes en bonne santé. Un point sur lequel les autorités de santé du monde entier seront intraitables, puisqu'il faut envisager de vacciner des centaines de millions, voire un milliard de personnes. Le moindre effet secondaire grave ressortirait forcément sur des milliers d'entre eux.
Il s'agit de déterminer non pas l'efficacité, mais la sûreté des injections
Face à l'urgence, certains laboratoires ont malgré tout obtenu des laissez-passer des autorités pour sauter l'étape des essais précliniques.
En Chine, où la bataille s'annonce plus politique que sanitaire, CanSino Bio a pu lancer une étude de phase II seulement trois semaines après le lancement de la phase I, dont les résultats n'ont pourtant pas été publiés : une situation sans précédent dans l'industrie pharmaceutique. Tandis que son compatriote Sinovac Biotech a lancé une double étude de phase I/II.
Deux projets prometteurs
Un peu avant la biotech chinoise, l'américain Moderna, en partenariat avec les National Institutes of Health, a été le premier à tester son produit sur 45 personnes. En cas de résultats positifs, les essais de phase II pourraient commencer au début de l'été. Son approche, presque inédite, est la plus prometteuse. Elle repose sur l'injection d'un morceau de patrimoine génétique synthétique du Covid, qui va entraîner chez la personne la production d'une des protéines du coronavirus, puis des anticorps neutralisants cette protéine.
Une technique également utilisée par la biotech allemande CureVac, qui a été l'objet de polémiques ces dernières semaines. Après la présentation de premiers résultats positifs en février, les États-Unis avaient proposé un pont d'or à l'équipe, à condition toutefois que le vaccin soit développé en priorité pour les États-Unis. La résistance s'est toutefois organisée côté allemand, avec le remplacement immédiat du dirigeant du laboratoire.
Le quatrième projet est porté par l'américain Inovio Pharmaceuticals, qui teste un cocktail de fragments d'ADN du coronavirus. Et le dernier par l'Université d'Oxford, qui a injecté pour la première fois le 23 avril à des hommes son vaccin basé sur un adénovirus modifié touchant les chimpanzés.
Les grands laboratoires en embuscade
La "Big Pharma", encore absente des essais cliniques, semble avoir pris un peu de retard dans cette course effrénée. Mais elle dispose d'atouts indéniables. Sanofi, qui s'est allié avec le britannique GSK, estime possible de commercialiser un vaccin dans deux ans au maximum. Le laboratoire français s'appuie notamment sur ses précédents travaux menés sur les autres coronavirus.
Sanofi, qui s'est allié avec le britannique GSK, estime possible de commercialiser un vaccin dans deux ans au maximum
Quant à Johnson & Johnson, à travers sa filiale Janssen, il devrait lancer ses premiers essais en septembre. Le groupe, qui présente sa recherche dans sa propre émission de télé-réalité "The Road to a Vaccine", est le premier à parier sur son propre succès. À tel point que le vaccin, alors qu’il n’a pas encore été testé, est déjà en production. Une stratégie audacieuse, qui permettra au groupe de répondre à une demande qui s'annonce massive une fois le feu vert des régulateurs obtenu.
Fabien Nizon
Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"
Vous avez apprécié cet article ? Likez Magazine Décideurs sur Facebook !

Tribune. Le Brexit a-t-il sauvé l’UE ?
Le départ du Royaume-Uni renforce le poids du moteur franco-allemand et devrait permettre à l'UE de sortir plus forte de la crise sanitaire estime Syl...

Politique étrangère : ce que prépare Joe Biden
Retour au multilatéralisme, changement de pied en matière de politique environnementale, priorité toujours accordée à la zone Asie-Pacifique au détrim...

Républicains : touchés mais pas coulés
Malgré la victoire de Joe Biden, tout n’est pas noir pour les républicains. Donald Trump laisse un héritage sur lequel son parti pourra bâtir des fond...

Joe Biden, qui sont les hommes du président ?
Janet Yellen, Antony Blinken, Tef Kaufman, Ron Klain...Le successeur de Donald Trump peut se reposer sur une équipe compétente qui maîtrise les dossie...

A.Mendel : "Les républicains garderont la plupart des idées de Trump, pas son attitude"
Journaliste et auteur, Alexandre Mendel a sillonné pendant plusieurs mois l’Amérique qui vote Trump. Il se penche sur l’avenir de l’ancien président e...

Infographie. Vaccin contre le coronavirus, où en est la France ?
Après quelques semaines, il est temps de tirer un premier bilan des stratégies de vaccination contre la Covid-19. Qui sont les bons élèves ? Où se sit...

Gilles Savary : "Politiquement, Territoires de progrès commence à peser"
Le mouvement souhaite défendre la social-démocratie française, tout en soutenant l’action du président de la République. Son délégué général, Gilles S...

Philanthropie : la France à la recherche de son modèle
Le tissu philanthropique français accélère sa mue. L’objectif ? Favoriser les projets d’intérêt général et faciliter les démarches des généreux donate...