La crise actuelle a fait de la force majeure et de l’imprévision des notions centrales pour les opérateurs économiques confrontés à des problématiques juridiques et économiques inédites. Si le recours au juge est parfois inévitable pour y faire face, l’accent doit toutefois est mis sur les avantages qu’offrent les modes alternatifs de règlement des différends.

En raison de l’épidémie de ­Covid-19, de nombreux acteurs ont connu une baisse de leur activité entraînant des difficultés financières, menaçant la bonne exécution d’engagements qu’ils avaient contractés envers leurs fournisseurs ­notamment.
Les enjeux se sont alors principalement concentrés sur la force majeure et l’imprévision. Si certains, notamment le ministre de l’Économie et des Finances, ont d’emblée affirmé que la Covid-19 constituait un événement de force majeure, la réalité est plus compliquée. Ce n’est que dans des situations exceptionnelles – un contractant atteint du Covid-19 qui ne peut de ce fait s’exécuter – que le virus constitue lui-même un événement de force majeure. Le plus souvent ce sont les mesures adoptées par le gouvernement qui sont susceptibles de constituer un tel événement.
L’exemple très médiatique du différend entre la Ligue de football professionnel et ses deux co-diffuseurs en fournit une bonne illustration : l’impossibilité d’exécuter n’était pas lors du confinement la conséquence directe du virus mais celle de la prohibition des compétitions sportives. La force majeure nécessite par ailleurs une appréciation des contrats au cas par cas, pour s’assurer de la réunion et de l’application des conditions requises. Les parties sont en effet libres de déroger aux conditions et conséquences de la force majeure par des clauses contractuelles, auxquelles elles portent souvent peu d’attention et qui peuvent donc poser des difficultés d’application. S’agissant de l’imprévision, la principale difficulté rencontrée a été celle de son exclusion, jusqu’alors quasi systématique. La crise sanitaire entraînera certainement une modification de cette pratique qui prive les parties d’un outil permettant une renégociation dans une situation exceptionnelle, telle que celle que nous connaissons aujourd’hui. Enfin, des difficultés importantes sont apparues quant à l’application des 
25 ordonnances adoptées par le gouvernement le 25 mars 2020, dans l’objectif de faire face aux conséquences économiques du confinement.
Outre le fait que certaines ont été ­modifiées à de nombreuses reprises, générant une insécurité juridique pour les justiciables, d’importantes difficultés d’interprétation se sont présentées. ­Gageons que ces incertitudes conduiront les cocontractants à préférer une issue amiable à un contentieux judiciaire plus ­aléatoire.

La différence avec le monde d’hier se situera dans l’exigence de rapidité de la résolution des litiges

En ce qui concerne les contentieux, l’assureur crédit Euler Hermès estime que le nombre de défaillances grimperait de 25 % d’ici à fin 2021, dépassant un niveau record de 64 000. Une première vague a eu lieu au printemps, touchant plutôt des grandes entreprises déjà en difficulté. Une vingtaine a été placée en redressement judiciaire, comme le chausseur André, l’enseigne de vêtements Camaïeu ou le distributeur de meubles Alinéa. Le risque majeur est identifié, c’est celui d’un effet domino sur les sous-traitants, intégrés dans des chaînes de production, sur lesquelles ils n’ont aucune maîtrise. Pour les PME, le pire reste peut-être à venir car les aides publiques, principalement le bénéfice du chômage partiel, ne suffiront pas à sauver leur trésorerie à court terme.
En outre et si au final les mesures prises au début de la crise par l’État ont permis d’éviter une crise plus profonde, les PGE permettent surtout de gagner du temps car il faudra à terme les rembourser et donc pour les entreprises de pouvoir se refinancer en accédant à nouveau à des liquidités. Dans un tel contexte, on ne peut qu’anticiper un accroissement des tensions entre les acteurs de notre économie, elle-même sous tension depuis mars dernier. L’on sait par ailleurs que certains opérateurs n’acceptent de s’asseoir à la table des négociations qu’après saisine d’une juridiction. Dans ce cas, le contentieux peut être un passage obligatoire pour résoudre un différend entre deux partenaires commerciaux. 
La différence avec le monde d’hier se situera nécessairement dans l’exigence de rapidité de la résolution de ces litiges qu’elle soit judiciaire ou amiable. Les tensions de trésorerie sont telles que le paramètre temps sera une priorité. Dans ce contexte, et si la voie amiable est fermée, le recours aux juridictions de référé est celui qui offre les meilleures garanties d’un traitement en adéquation avec les impératifs actuels : célérité et pragmatisme.

Dans ce contexte, nous assistons à une recrudescence des modes alternatifs de règlement des litiges. Les saisines de la cellule de médiation des entreprises ont commencé à bondir dès la mi-mars. De notre côté, certaines grandes directions juridiques nous ont, dès les premiers jours de la crise sanitaire, associés à leur mission de recenser les contrats sensibles dont l’exécution pouvait être impactée par le recours tous azimuts au concept, parfois mal maîtrisé, de force majeure. Dans le contexte extraordinaire que nous avons traversé, les priorités ont été données à une approche casuistique et à la recherche de solutions commerciales équitables afin d’éviter le recours à nos juridictions elles-mêmes paralysées. Il faut d’ailleurs souligner que les directions juridiques étaient plus que jamais soutenues par leurs équipes opérationnelles souvent très imaginatives pour faire naître des solutions rapidement efficaces. Alors que nous attendons un accroissement des litiges, il faut naturellement continuer à encourager les modes alternatifs de règlement des litiges car même si le concept de force majeure est maintenant mieux maîtrisé, son application nécessite une analyse au cas par cas qui ne permet que très difficilement d’anticiper une solution judiciaire. L’imprévision, très intéressante d’un point de vue conceptuel, pour autant que les conditions strictes de son application soient réunies, présente le même écueil. Nous ne pouvons à cet égard que souligner l’initiative de Paris Place de droit, sous l’égide du tribunal de commerce de Paris, qui, pendant la crise sanitaire, a mis en place la plateforme de tierce conciliation qui ouvre la possibilité aux parties, via une requête conjointe, de solliciter la nomination d’un tiers facilitateur qui leur permettra de trouver des solutions rapides et adaptées à leur différend et ainsi renouer ou maintenir le lien de confiance nécessaire à toutes relations contractuelles.

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