Après quinze années à la tête du gouvernement, Angela Merkel cédera son siège en septembre. Une alternance semble plus que jamais possible et pourrait bénéficier aux Verts menés par Annalena Baerbock.

Des Verts pragmatiques, centristes, habitués à travailler avec la gauche et la droite, rejetant toute forme de dogmatisme, cela existe. Mais en Allemagne. Une ligne qui semble gagnante puisque, selon les projections, les écologistes d’outre-Rhin pourraient tout à fait terminer en première position aux prochaines élections fédérales. Le 19 avril, les Grünen ont véritablement démarré leur campagne en désignant leur candidate : Annalena Baerbock.

"Le parti où l’on se tend la main"

Si cette mère de famille de 40 ans n’a jamais siégé dans un exécutif fédéral ou régional, elle possède pourtant une belle expérience politique et des succès indéniables. Trois fois médaillée aux championnats d’Allemagne de trampoline durant sa jeunesse, Annalena Baerbock est diplômée en sciences politiques et titulaire d’un master en droit public international à la London School of Economics. Députée du Brandebourg depuis 2013, elle se fait très vite remarquer de ses pairs au Bundestag où elle se démarque par sa force de travail et sa parfaite maîtrise des dossiers. Depuis janvier 2018, elle co-dirige les Verts allemands avec Robert Habeck. Le duo fait durablement triompher l’aile "réaliste", ce qui permet, en théorie, à l’un des deux de briguer la succession d’Angela Merkel. Il n’y aura pas de guerre des chefs puisque Robert Habeck se rallie très vite à sa cadette en déclarant : "Nous sommes le parti où l’on se tend la main quand d’autres se font des crocs en jambe." Une pique peu subtile envoyée à la CDU où aucun successeur d’Angela Merkel ne semble s’imposer.

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La députée du Brandebourg Annalena Baerbock pourrait succéder à Angela Merkel en septembre.

Tension à la CDU

Dans le grand mouvement de droite, la règle implicite est simple : c’est le président du parti qui brigue la chancellerie. Oui mais. Depuis janvier 2021, le poste est occupé par Armin Laschet, un soutien fervent d’Angela Merkel que les militants ont élu, en partie, pour faire barrage au très droitier et très libéral Friedrich Merz. Armin Laschet, ancien ministre fédéral, est président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le plus riche et le plus peuplé d’Allemagne. Si l’homme jouit d’une image de bon père de famille et de catholique pratiquant, beaucoup de conservateurs critiquent son profil trop "centriste" et son manque de leadership qui se serait, notamment, fait ressentir durant la crise sanitaire.

Résultat, Markus Söder, bouillonnant président du Land de Bavière et de la CSU (parti frère bavarois de la CDU), a tenté de s’imposer comme candidat. Fin avril, l’ambitieux s’est finalement rangé derrière son aîné. Mais les plaies et les rancœurs restent tenaces au sein de la CDU où la ligne politique n’est pas encore totalement définie. Faut-il faire un inventaire des années Merkel ? Tout assumer ? Se droitiser ? Courtiser les centristes ?

Des Verts respectables

Si la confusion règne à droite, chez les Verts, la machine semble se mettre en place sans accrocs. La candidate est désignée et les résultats électoraux des dernières années incitent à l’optimisme. Les Grünen sont désormais leaders à gauche, devant les sociaux-démocrates du SPD. Lors des dernières élections européennes, les écolos ont rassemblé 20% des suffrages, soit cinq points de plus que le SPD. Le programme des Grünen séduit les centristes, une large partie de la jeunesse et des milieux aisés. Ce qui confère au parti un électorat plutôt bourgeois et plus proche de la CDU que de la gauche de la gauche. Dans un pays où les gouvernements tiennent grâce à des coalitions, les écolos allemands sont habitués à gouverner avec tous les mouvements, y compris la droite comme c’est le cas dans le Land du Bade-Wurtemberg.

Bien loin du sectarisme des Verts français, les écolos allemands sont habitués à travailler avec la droite.

Sur le plan programmatique, les Verts allemands s’appuient sur leur dernière (et unique) participation à un gouvernement fédéral entre 1998 et 2005. Le mouvement avait gagné ses galons en respectabilité et en modération en soutenant la libéralisation du marché du travail (lois Hartz), les baisses d’impôts sur les sociétés, les interventions au Kosovo ou en Afghanistan ou encore la construction européenne. Les années passent et le parti a gardé cet ADN libéral sur le plan sociétal (défense d’une société multiculturelle, du mariage pour tous…) et pragmatique sur le plan économique. Ne pensez pas accuser les Verts allemands d’être des « Amishs », eux qui ont tout fait pour que la 5G soit l’un des piliers du plan de relance national. Annalena Baerbock compte bien poursuivre cette ligne de conduite en défendant le dépassement des clivages et le "ni droite ni gauche". À l’instar des Marcheurs français de 2017, la stratégie sera-t-elle gagnante ? Réponse en septembre.

Lucas Jakubowicz

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