Entrée pour la première fois chez Willkie Farr & Gallagher en avril 1991, Alexandra Bigot est récemment intervenue dans les dossiers de Cromology, Famar ou pour Hachette Livres dans sa négociation avec un fournisseur en difficulté. Elle revient sur la saga Vivarte, le groupe qui a connu trois restructurations depuis 2014.

Alexandra Bigot, Associée, Willkie Farr & Gallagher

  • Age : 51 ans
  • Passé par : Willkie Farr & Gallagher, puis directrice de participation pour le Fonds Partenaires Gestion, l’ancien fonds d’investissement de la banque Lazard
  • Dossiers récents : restructuration de Cromology, de Famar,
  • de Hachette Livres, de Vivarte…

 

L’endettement de Vivarte ne date pas d’hier. Au début des années 2000, le groupe tricolore rachète à tout va des enseignes telles que Naf Naf, Chevignon, Beryl, ou encore Pataugas, Minelli, San Marina, Cosmoparis, Besson, Merkal, Fosco.... Il augmente la taille du groupe mais ne parvient que très mal à façonner des synergies entre les différentes maisons. Le géant du textile s’endette lentement. En 2007 par exemple, il honore un troisième LBO pour un endettement d’un montant de 2,2 milliards d’euros, passé à 2,8 milliards après des rachats de réseaux. En 2014, il faut réagir. 

Vivarte : mission extinction de dette

Une première restructuration est mise en œuvre. Un comité de coordination des créanciers se crée. Il regroupe des investisseurs historiques du LBO qui veulent préserver leurs créances au maximum et des hedge funds qui ont acquis la dette à un prix décoté. Ces deux types d’acteurs présentent des états d’esprit très différents, ce qui conduit parfois à des comportements agressifs lors des discussions. C’est dans ce contexte tendu que l’équipe d’Alexandra Bigot intervient auprès des hedge funds afin d’équilibrer la situation bilancielle du groupe. À l’issue de ces premières négociations, l’endettement ne descend pas en dessous des 780 millions d’euros. En 2017, le groupe de prêt-à-porter subit de nouveaux coups durs en raison de la crise du retail et d’importants dysfonctionnements structurels. Lors de cette seconde restructuration, l’équipe juridique prépare le mécanisme de la fiducie. Il permet de prendre les clés du vaisseau au cas où la santé du groupe déclinerait. En juillet 2019, Vivarte annonce qu’il ne peut pas honorer l’échéance de sa dette en octobre. La fiducie qui transfère la propriété du groupe aux créanciers doit être mise en œuvre. « Il fallait être très minutieux car nous devions être au plus proche des accords signés afin d’être irréprochables en cas de contentieux ou d’exécution forcée », explique Alexandra Bigot. La signature des documents de transfert finit par intervenir pour certains fonds trois jours avant la date de closing. « La difficulté, c’était de concevoir et faire signer très rapidement tous les contrats, et la structuration mettant en œuvre les principes agréés antérieurement, et d’anticiper le moindre cas de figure de manière assez paranoïaque, en préparant chaque fois des plans B, se souvient l’associée du cabinet américain. C’était épuisant mais passionnant. » L’équipe boucle en moins d’une quarantaine de jours une opération habituellement menée en deux mois. Pour une vraie réussite : la dette de Vivarte a été aujourd’hui apurée et son bilan assaini.

Développer une relation de franchise

Pour accompagner des restructurations, « il faut avoir un esprit commando mais aussi nécessairement une approche très humaine, apprécie l’avocate qui a exercé dans un fonds d’investissement entre ses deux expériences chez Willkie Farr & Gallagher. Parfois nous sommes face à un dirigeant qui ne sait pas s’il va pouvoir payer ses salariés à la fin du mois », illustre-t-elle. Développer une relation de franchise entre conseil et client est essentiel pour faire avancer une restructuration. Dans ces situations de crise et de stress, elle souligne qu’« être une femme a parfois été un atout, car certains dirigeants, tenus d’insuffler à leurs troupes l’optimisme et l’énergie requis pour faire face à la crise et mener le redressement, ont davantage baissé la garde et ont eu sans doute moins de réticences à livrer leurs interrogations profondes et leurs doutes qu’ils ne l’auraient fait avec un “alter ego”. »

Un parcours hors norme

Titulaire d’un LLM de droit en fiscalité internationale de l’université Paris-Sud (1990) et d'HEC (1990), l’experte du restructuring débute chez Willkie Farr & Gallagher où elle exerce pendant huit ans d’abord en tax puis en corporate. C’est grâce à sa collaboration avec Daniel Payan, ancien managing partner du cabinet, qu’elle commence à travailler sur des LBO. La prise de risques ne lui fait pas peur, elle va vers ce qui l’intéresse et n’hésite pas à saisir les opportunités. Entre 1999 et 2003, elle raccroche la robe et devient directrice de participation pour le Fonds Partenaires Gestion, l’ancien fonds d’investissement de la banque Lazard. Forte de son expérience de juriste, elle prend en charge tous les LBO en crise. Elle rencontre Jean-Dominique Daudier de Cassini qui l’épaule sur ses dossiers et redécouvre le métier d’avocat sous l’angle du restructuring. Le duo fonctionne bien. En 2003, ils forment le pôle restructuring de Willkie Farr. Au quotidien, elle exerce aux côtés de son associé Lionel Spizzichino, et de 4 collaborateurs, dont deux seniors.

Romane Gagnant

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