Alain Dinin fait entendre sa voix pour défendre son pacte de constructibilité « mettant l’ensemble de la chaîne des acteurs autour de la table en travaillant sur l’offre, sur la demande et sur les prix ». Entretien. 
Décideurs. Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est rendu au Simi et a ouvert le Congrès de la Fnaim en décembre dernier. Est-ce un signal fort pour les professionnels de l’immobilier ?
Alain Dinin.
Depuis sa nomination, Manuel Valls montre qu’il a pris en compte la problématique du logement dans l’économie. Il annonce régulièrement de nouvelles mesures pour relancer la construction en France, il a donc manifestement compris l’indispensable besoin de logement neuf pour la démographie, l’emploi et la croissance. Mais, comme le diable est dans les détails, les mesures proposées ont, dans la pratique, des avantages et des inconvénients.

Décideurs. Qu’entendez-vous par là ?
A. D.
Nous avons, dans le même temps, d’un côté un discours politique fort et de l’autre un mode de fonctionnement qui ne nous permet pas de faire avancer les choses dans des délais courts. Prenons un exemple : un certain nombre de mesures sur la simplification des normes et en particulier sur la problématique des personnes à mobilité réduite a été voté. Leur mise en application est décalée à mi-2015 ce qui implique que la définition des produits ne pourra pas être faite avant cette date par les opérateurs privés ou publics et que la construction ne pourra démarrer que vers la fin 2015 compte tenu des délais nécessaires de mise en œuvre. Applicable au 1er janvier 2015, nous aurions pu démarrer les chantiers dans le premier semestre.

Décideurs. Quels sont, selon vous, les axes à suivre pour relancer la production de logements ?
A. D.
Il faut prendre un certain nombre de nouvelles mesures, en complément de ce qui a déjà été annoncé, portant à la fois sur l’offre et sur la demande. Pour l’instant, le Premier ministre s’est occupé de rendre la demande solvable. Il a amélioré par exemple le prêt à taux zéro sur le plan national mais l’a réduit dans les zones tendues A et A bis. Le besoin de logements étant principalement concentré dans ces zones, le problème n’est aujourd’hui pas réglé. Ces mesures dans leur ensemble permettent peut-être d’enrayer la baisse mais ne permettent pas de produire en quantité. Le gouvernement s’occupe également peu du problème du prix du terrain, de celui de la densité ou encore celui de la rapidité de mise en œuvre des projets, même s’il affiche sa volonté de faire accélérer les procédures. Il faut aussi se poser la question de « qui a l’autorité de la propriété du sol ». Est-ce le l’élu local ? Est-ce la communauté de communes ? Autre sujet encore : des textes ont été mis en place pour inciter les investisseurs institutionnels à se repositionner sur le logement intermédiaire. Pourquoi n’y viennent-ils pas ? Parce que le cadre réglementaire qu’on leur propose aujourd’hui n’est pas stabilisé. Ajoutez à cela un plafonnement des loyers, dont, au final, on ne connaît pas les règles du jeu.

Décideurs. À quelles conditions accepteriez-vous de vous positionner sur le logement intermédiaire ?
A. D.
Le logement intermédiaire se définit par un niveau de loyer entre le logement libre et le logement social. Il est destiné à une clientèle d’investisseurs institutionnels qui recherche ou le rendement ou la plus-value. Comme la plus-value est à long terme et qu’il n’y a pas de stabilité fiscale en France, les investisseurs ne regardent que le rendement. Le gouvernement a fait voter une loi qui pour ce type de produit exonère de la taxe foncière et réduit la TVA. Cela améliore sensiblement le rendement de l’investisseur mais le coût de fabrication du logement reste trop élevé. Il convient donc pour ces produits de plafonner le prix de vente, donc le prix de revient et donc le prix des terrains. Dans ce domaine, tout reste à faire.

Décideurs. Vous avez rencontré François Hollande, président de la République. Que lui avez-vous dit ?
A. D.
Je lui ai rappelé qu’en 2014 nous allions fabriquer, en France, moins de 300 000 logements et que les mesures que son gouvernement met en place ne permettraient pas de remonter très au-delà des 300 000 logements pour 2015. Nous sommes très loin des 500 000 logements nécessaires et, sur ces bases, je lui ai évoqué des mesures complémentaires à prendre.

Décideurs. Lesquelles ?
A. D.
Nous avons proposé un pacte de constructibilité mettant l’ensemble de la chaîne des acteurs autour de la table en travaillant sur l’offre, sur la demande et sur les prix. Le logement est un sujet extrêmement technique et très sensible politiquement. Ce sont les différents acteurs de la chaîne, en incluant les élus locaux, qui sont susceptibles de faire évoluer l’ensemble des dispositifs. Il faut leur proposer un pacte à cinq ans dans lequel et par exemple les opérateurs privés comme Nexity seraient prêts à s’engager à un plafonnement de leur marge si les élus locaux s’engageaient par exemple à empêcher la flambée des prix des terrains. Nous pourrions de même sur le logement intermédiaire, au lieu de le réserver aux institutionnels et à la location, le proposer, sous conditions de ressources et à prix plafonnés, aux particuliers qui pourraient ainsi devenir propriétaires de logements à TVA réduite et à taxe foncière exonérée.

Décideurs. Vous avez acquis 76 % du capital de Perl. L’investissement en nue-propriété est un marché d’avenir ?
A. D.
Perl est une très belle entreprise, qui va nous permettre de faire évoluer les mentalités. De façon plus théorique, chez Nexity, nous sommes en train de nous demander si la notion de propriété ne va pas être supplantée, dans les années à venir, par la notion d’usage. La nouvelle génération est moins désireuse de devenir propriétaire, plus incertaine sur l’avenir et a un rapport différent à la mobilité. Compte-tenu de la question de la durée des prêts, du coût, devenir propriétaire, pour une grande partie de la population, sera de plus en plus compliqué. Travailler sur la notion d’usage nous semble intéressant.

Décideurs. Dans un contexte plutôt morose pour l’immobilier résidentiel, Nexity affiche des perspectives plutôt optimistes. Comment y parvenez-vous ?
A. D.
Notre principe est de segmenter notre offre et de travailler sur toutes les niches de clientèle. Si l’une se porte moins bien, les autres compensent. Aujourd’hui, les investisseurs privés de type Pinel ou Duflot ne représentent plus que 30 % de notre production, là où il y a encore quelques années, ils en représentaient 51 %. C’est une importante baisse d’activités. Nous la compensons à travers le développement d’autres produits, comme les résidences pour étudiants ou pour personnes âgées.

Décideurs. Vous investissez dans de nombreuses start-up, à travers des fonds de capital-investissement. Comment ces opérations vont-elles servir la croissance de Nexity ?
A. D.
Nous avons une conviction : le futur de Nexity sera digital. C’est fondamental. Avant même de penser à la création de valeur pour notre entreprise, nous pensons à la création de valeur pour nos clients, à travers par exemple la digitalisation des métiers de syndic, la colocation… Cette stratégie nous amène à investir dans de nombreuses start-up, comme Weroom ou de nouveaux produits, tel que l’auto-partage. Nous avons investi dans des fonds qui ont eux-mêmes pour vocation d’investir massivement dans des start-up qui, pour certaines d’entre elles, sont connectées à nos métiers. L’un des fonds dans lesquels nous sommes entrés est ainsi actionnaire de Zenpark, qui organise la location de parking d’immeubles de bureaux vides le soir. Nous n’aurions jamais connu l’existence de cette société sans ce fonds. Aujourd’hui, nous nous posons la question d’être leur partenaire.

Décideurs. Ces sociétés participent-elles aussi à la digitalisation de Nexity ?
A. D.
Oui, c’est la stratégie du jeu de go : développer de nouveaux produits ou concepts en périphérie, qui vont émerger jusqu’à devenir suffisamment important pour être intégrés à l’entreprise. C’est un travail sur le long terme, pour lequel nous investissons 10 % de notre résultat d’exploitation. Mais c’est indispensable. Tout cela tient de l’expérimentation et certains marcheront probablement mieux que d’autres. Mais grâce à la diversité des métiers de Nexity, nous pouvons investir dans des domaines où d’autres ne vont pas.

Propos recueillis par Sophie Da Costa 

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