NG Biotech, la start-up bretonne qui a mis au point un test sérologique de détection rapide de l'infection au Covid-19, a été retenue par le ministère des Armées pour produire en nombre des kits de dépistage par prélèvement sanguin. La société, qui va produire des millions de tests à partir du mois de juillet, inaugure un nouveau centre de production. Son co-fondateur, le docteur Alain Calvo, revient sur le développement de ce dispositif médical simple, unique et innovant.

Décideurs. Comment vivez-vous cette situation exceptionnelle ?

Alain Calvo. Nous la vivons, comme tout un chacun, avec beaucoup de crainte et d’angoisse, mais aussi avec cette sensation de pouvoir apporter un outil indispensable de lutte contre ce virus. Notre expertise est la production de tests rapides. Nous avons profité du développement d’une innovation de tests rapides de grossesse avec goutte de sang pour passer, en trois mois, à la production de ces tests de dépistage sérologique du Covid-19. Nous avions le concept. Restait aux chercheurs à construire le schéma immunologique pour la détection des anticorps au Covid-19 par un test sérologique, partie la plus importante du travail. Par ailleurs, en tant que PME française, nous avons une grande réactivité par rapport aux grands groupes du domaine du diagnostic.

Comment avez-vous réorganisé vos process de production ?

La production de ces tests est le sujet qui cristallise notre attention. Nous avons modifié notre structure existante pour doubler la surface de production et nous en inaugurons actuellement une toute nouvelle dédiée à l’assemblage, dotée d’automates, afin d’optimiser et augmenter les cadences. Si nous disposions déjà des process de fabrication du fait de notre activité d’origine, nous avons multiplié la main-d’œuvre. De 38 salariés au départ en 2012, nous prévoyons de recruter plus de 200 personnes supplémentaires d’ici la fin de l’année pour répondre à tous les besoins.

"Nous avons modifié notre structure existante pour doubler la surface de production et nous en inaugurons actuellement une toute nouvelle dédiée à l’assemblage"

Grâce à ce nouveau site, nous allons pouvoir monter très rapidement en puissance et prévoyons de produire entre 300 000 et 400 000 tests par mois en mai puis de passer à un million d’ici juillet pour finir l’année à 4 millions de tests par mois.

Qui sont vos actionnaires et partenaires ?

Nous sommes soutenus financièrement par le fonds rennais Kreizig, notre partenaire historique rejoint par « Arbevel Life Sciences Crossover », nouveau fonds de la Financière Arbevel. Plus que des actionnaires, ils nous accompagnent au quotidien dans cette aventure. Nous avons également de nombreux partenariats, notamment avec l’AP-HP, le CEA ou encore des organismes de tutelle car nous échangeons une matière première biologique et un savoir-faire. Un bel exemple de réussite avec l’antibiorésistance car avec le CEA nous sommes leader dans le domaine en distribuant nos produits dans plus de 70 pays, y compris aux États-Unis.

Votre test sanguin promet une détection du virus en 15 minutes. Qu’en est-il de sa fiabilité ?

Ce test est fiable parce qu'il n'y a pas de manipulation intermédiaire. Que le résultat soit négatif ou positif, nous assurons que ce test a une spécificité de 100 %, c’est-à-dire qu’il est en mesure de détecter la présence, ou non, du virus Covid-19 et d’anticorps dans le sang si une personne l’a contracté. Aucun risque donc de le croiser avec les virus de la grippe ou de la rougeole. 

"Ce test est fiable parce qu'il n'y a pas de manipulation intermédiaire"

Quant à la sensibilité du test, de l’ordre de plus de 95 %, elle doit être étudiée à l’aune de la présence de deux anticorps : les IgM (anticorps précoces) et les IgG (anticorps plus tardifs). La sensibilité du test varie en fonction du moment où il est réalisé. Il sera de 100 % après quatre semaines pour les anticorps IgG.

Donc pas de risque de faux positif ?

L’organisme ne se trompe jamais quant à sa réponse immunitaire. Lorsque celui-ci détecte la présence d’un agent pathogène, virus ou bactérie, que l’organisme ne connaît pas, il va automatiquement produire des anticorps et mettre en place un combat immunitaire pour bloquer la prolifération de cet agent pathogène.

Notre solution permet de prélever une goutte de sang au bout du doigt qui part directement dans un petit boîtier, cela sans manipulation ou transfert donc sans risque de faux négatif, ou positif, comme cela peut être le cas lors d’un prélèvement direct.

À qui sont destinés ces tests sérologiques ?

Nous avons fait le choix de les rendre accessibles avant tout aux personnels soignants. Nous croulons sous les demandes émanant à la fois des Ehpad, médecins, pharmaciens, mairies, gendarmeries, dentistes ou encore les cliniques privées. Nous attendons maintenant les directives de la Direction générale de la Santé pour un contrat avec l’État.

Ce test pourrait-il être destiné au grand public ?

Ce test ne sera jamais accessible au grand public car il est indispensable qu’une personne du corps médical soit présente pour interpréter le résultat. La sérologie, dans le cas du Covid-19, répond à trois types d’interprétation en fonction des résultats : soit la personne a une bande IgM, soit les deux bandes IgM et IgG se colorent, soit elle n’a qu’une bande d’IgG. À chaque interprétation, des recommandations et un suivi spécifique doivent être donnés par une personne habilitée à le faire. Les pharmaciens vont pouvoir le faire, en 10-15 minutes, et devenir ainsi des acteurs de proximité.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"

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